- Alors, lui dit l'Esprit de la Terre, va de par le monde, réjouis-toi, apprends encore ! Tu découvriras que rien n'est réellement bon ni mauvais. Le feu réchauffe autant qu'il brule, l'eau rassasie autant qu'elle noie. Tout dépends de ce que tu en feras! Et quand tu serais vraiment fatigué, assieds-toi là où tu es et dépose cette défroque que je t'ai donnée.
Reprenons le chemin de l’école, veux-tu ? De grands mystères nous attendent.
– Les grands mystères se cachent dans la lumière des choses simples, ajouta le saint homme avec ce ton agaçant que les derviches affectionnent. Mais reprenons notre route. »
Ils marchèrent jusqu’à la nuit puis s’endormirent sous les étoiles dans la chaleur d’un feu de braises. Au matin, les cris de joie d’un paysan qui encourageait son âne les tirèrent d’un sommeil profond. Deux énormes jarres se balançaient sur les flancs rebondis de l’animal.
« Où vas-tu donc, si joyeux ? demanda le derviche.
– Hier, répondit le paysan, j’ai entendu qu’un essaim bourdonnait dans un tronc creux. J’ai cassé une grosse branche. L’écorce s’est fendue, les abeilles se sont envolées dans les rayons d’un soleil neuf. Dans leur fuite, elles m’ont piqué, j’étais endolori de partout ! Mais à l’ouverture de ce tronc s’est écoulé un miel doux si abondant qu’il remplit mes deux jarres maintenant ! Hier, j’étais pauvre à manger mes semelles de cuir. Ce soir, je serai riche, grâce à cet or ruisselant que je vais vendre au marché. »
Nourri de rêves mais d'âme simple, Rakian n'espérait de la vie qu'un parfum de fleur nouvelle dans la fraîcheur d'une aube claire, et chaque jour un peu de pain, cuit sur les braises, dans l'ombre tiède de sa hutte.
Chacun porte en lui l'espoir d'un amour qui pourrait changer sa vie.