- Votre avis, monsieur le divisionnaire adjoint ? demanda Jakob Weldone sous un ton doucereux.
L'homme passa sa paume su sa calvitie. Fuir les problèmes. Dominique Platard aimait autant son grade que l'adjectif adjoint qui le qualifiait. Rondouillard, il s'était confectionné un royaume protecteur au centre duquel il pouvait rayonner de ses plus beaux atours. Complaisant et incompétent, il avait construit sa renommée sur sa capacité à manier les formes et à rédiger de magnifiques arrêtés enveloppés dans la facture impeccable du plus pur style administratif. Son bureau, vide de tout dossier, s'ornait d'un unique parapheur en cuir, de quelques tableaux pompiers et d'un seul stylo.
L'époque baignait dans la confusion de codes anciens et des nouveautés d'un législateur chaque jour plus oppressant. L'homme pétrifié par l'homme dans l'éthique de la norme : chaque individu reconnu et accepté comme statue de sel bien calibrée, bien définie, bien identifiée ! La norme : système social qui se permettait même de normaliser le hors-normes, habile manipulation, inexorable mutation, héritage du principe de précaution si cher aux générations précédentes. L'accident génétique qui avait frappé le monde et donné vie aux Boussus avait soudain dévoilé, par le plus grand hasard, les expressions les plus hétéroclites de la différence.
Un réseau d'éoliennes battait l'air au rythme des sautes d'humeur de la brise de mer.
Ne t'arrête pas à l'erreur apparente du raisonnement. Derrière tout sophisme existe une vérité cachée. Une minorité décidée suffit pour déclencher une révolution.
Elle surgit de l'ombre, le sourire et les ongles d'un rouge épiscopal en période de carême.