Mais hélas ! Vos rigueurs m'ont ôté l'espérance
Qui donnait de la force à ma persévérance,
Et vos perfections m'ont réduit à ce point
De vous aimer toujours et de n'espérer point.
Elle sait mes tourments, et son oeil obstiné
Cent fois a reconnu l'amour qu'il m'a donné ;
Mais de peur que l'amour ne retourne chez elle
Alors que je le montre elle fuit la cruelle.
N'as-tu quitté Paris pour venir à Suresnes
Qu'à dessein d'y mourir ou d'y vivre à la gêne ?
Autrefois l'entretien que l'on avait de toi
Eût pu même augmenter les délices d'un Roi,
Cependant aujourd'hui la tristesse la plus forte
A vaincu cette humeur qui charmait de la sorte,
À te voir maintenant si morne et si rassis
On dirait que tu n'es qu'un portrait de Tirsis.
Que fais-je malheureuse ? Oublierai-je qu'il aime ?
Détruirai-je un Amant ? Me perdrai-je moi-même ?
Mais languirai-je aussi dans une passion
Dont je ne puis brûler qu'à ma confusion ?
En chassant cet amour je me fais violence,
Mais en le retenant je trahis ma naissance,
J'expose enfin mes jours à des maux infinis,
Et quand je le retiens, et quand je le bannis.
Moi, je pourrais aimer cette Âme criminelle,
Que noircissent les noms d'ingrate, et de rebelle !
Qui mit le Roi mon Père en butte à sa fureur,
Et qui fit de son trône un théâtre d'horreur !
Non, non, cette grandeur, ce charme de tant d'âmes,
N'est pas un aliment, qui nourrisse mes flammes,
Non, non, ne pense pas que cette passion
Soit un feu rallumé par mon ambition,
Il veut donc me forcer d'user de ma puissance,
D'un amour odieux il passe à l'insolence,
Et croit peut-être encore à ma confusion,
Passer de l'insolence à la rébellion.
Non, non, le Ciel m'a mise en un rang, dans un point
Que l'on peut bien flatter, mais qui ne flatte point.
Que tu demandes peu ! Mais tu sais par tes peines
Qu'on doit peu demander aux âmes inhumaines