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Citations de Renaud S Lyautey (92)


"...une baignoire en émail bleuté, en forme de cuvette oblongue, trônait en biais au milieu de la pièce, paraissant dériver dans une mer de débris. Le Tsar rouge s'y délassait-il, le soir, en parcourant la Pravda qu'on lui apportait de Moscou ?"
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Entendons-nous bien, monsieur Turpin. Pierre Messand était farouchement hostile à l’intervention américaine. Comme presque tout le monde dans ce ministère, il considérait que les Etats-Unis s’apprêtaient à commettre une faute monumentale, sur le plan politique comme sur le plan de la morale internationale.

p. 60
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Vous voyez, jamais les Russes ne nous laisseront tranquilles. Nous sommes condamnés à vivre dans l’ombre de Moscou. Si tout cela est vrai… Cela veut dire qu’ils demeurent à même de venir chez nous et d’y tuer nos citoyens impunément. Pour régler de vieux comptes. Pour assouvir leur soif de vengeance… Le message est clair. On ne quitte pas l’Union soviétique. Elle est toujours là. Impalpable. Menaçante. Omniprésente. Prête à frapper n’importe où. Je me demande si tout cela finira un jour.
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– Rapava était un homme d’Andropov. Et l’accession d’Andropov à la tête du KGB soviétique… Eh bien… Cela réveille de mauvais souvenirs. Son arrivée aux affaires a marqué la fin du dégel des années Khrouchtchev. Avec Brejnev, ils ont relancé la chasse aux dissidents. Le régime se durcissait à nouveau. C’est Andropov qui a eu l’idée géniale – Kartadze dessina des guillemets dans l’air avec les doigts de ses deux mains – de procéder à l’internement psychiatrique des opposants. Quelle époque… (…)
– Tout le monde avait peur, conclut sombrement l’ancien professeur. Il ne fallait pas grand-chose pour se voir découvrir une « schizophrénie latente » – c’était le diagnostic officiellement prononcé – et finir enfermé dans un asile au milieu de nulle part. Rapava a orchestré de telles campagnes d’arrestations en Géorgie, puis plus tard à Moscou. Les gens disparaissaient pour longtemps, parfois pour toujours.
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– Les Russes et la Géorgie… Vous savez, quand les Russes ont entamé la conquête des nations du Caucase aux dépens des Persans, au début du XIXe siècle, ils ont, en quelque sorte, découvert le Sud… Oui. C’était ça. Le Midi. Des pays ensoleillés, où poussaient la vigne et les arbres fruitiers. Des contrées aux coutumes ancestrales, où l’on cachait les jeunes filles, la nuit, de peur qu’elles ne soient enlevées par des guerriers à cheval. Des forteresses crénelées. Des terres habitées par les brigands. On retrouve des traces de ces récits folkloriques dans toute la littérature russe, au siècle de Pouchkine et de Tolstoï. Les artistes de Saint-Pétersbourg venaient ici pour s’initier à la lumière du Sud, comme vos peintres célèbres, qui allaient en Provence, en Algérie, ou en Toscane… Dans l’imaginaire collectif des Russes, la Géorgie, c’est un peu tout cela à la fois. À l’époque soviétique, ce fut une destination de vacances. La mer Noire. Les plages d’Abkhazie, de Batoumi. Les sources d’eau chaude…
– Et Tskaltoubo, bien sûr.
– Oui. Tskaltoubo. Bordjomi. Les dignitaires communistes se firent construire des datchas là où, avant eux, les tsars avaient édifié des palais. À l’ombre des orangers. Je suis quasiment sûr que les Russes ne nous rendront jamais l’Abkhazie.
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– Les Géorgiens et Staline… C’est un sujet complexe. Ambigu. Vous obtiendrez autant d’opinions qu’il y a de Géorgiens, j’en ai bien peur. Parce que les faits historiques sont contradictoires. En août 1924, au moment où Staline s’emparait du pouvoir, il y eut un soulèvement antisoviétique en Géorgie, qui fut très lourdement réprimé. Puis vinrent les grandes purges de 1937-1938. On aurait pu croire que les Géorgiens seraient relativement épargnés par leur compatriote. Mais c’est l’inverse qui se produisit. Notre petite république socialiste fut l’une des plus éprouvées. Staline connaissait tout le monde. Il rajoutait des noms sur les listes de condamnés. « Vous avez mis Vano, c’est bien ; mais vous avez oublié Nika, son frère, qui habite dans la même rue. » Vous voyez le genre… Les Géorgiens en ont bavé, sous Staline. Vous connaissez le quartier de Vaké, bien sûr. On l’a construit sur des charniers. Il y a des milliers d’ossements, mêlés aux fondations des immeubles… Et puis, en 1956, quand Khrouchtchev mit en œuvre la déstalinisation, après le XXe congrès, la seule république où des contestations eurent lieu fut la nôtre. Allez comprendre… Je crois que les Géorgiens éprouvent des sentiments mêlés. L’effroi et le dégoût le disputent à une forme de fierté, d’admiration. Beaucoup restent fascinés par le côté incroyable de cette histoire, celle du fils d’un pauvre cordonnier de Gori qui devint tsar de toutes les Russies.
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Sur un côté du bureau trônaient une dizaine de matriochkas colorées, rangées en ordre croissant. Nougo dut se pencher pour s’apercevoir qu’elles représentaient les maîtres de la Russie depuis Nicolas II. La plus volumineuse des poupées figurait un Vladimir Poutine dodu et satisfait. Il est vrai qu’elle avait vocation à contenir toutes les autres.
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En gagnant le mur oriental du cimetière, il avisa une sépulture massive, formée d'une stèle en granit noir et d'une statue de femme voilée, toute blanche et sans visage. Plusieurs bouquets se fanaient sur la pierre tombale. Une poétesse célèbre ? Une princesse du temps jadis ? Il se força à déchiffrer l'inscription :

Ekaterine Djoughachvili.
Un frisson l'étreignit. La mère de Joseph Staline. En Géorgie, le passé vous sautait à la figure à chaque pas. Turpin se souvint d'avoir lu quelque part que son illustre fils n'avait pas trouvé le temps de venir à Tbilissi pour les funérailles. . . Les grandes purges allaient commencer. La vieille dame avait eu le bon goût de s'éteindre avant l'équipée la plus sanglante de son rejeton.
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Turpin avisa un rouleau d’affiches qu’il déplia. C’étaient des planches graphiques en forme de bandes dessinées, peuplées de petits personnages très sérieux campés dans diverses poses explicatives. Nougo y jeta un œil avant de sourire :
– Ce sont des affiches de consignes en cas d’attaque impérialiste. La première prévoit une agression chimique et prescrit tous les gestes à faire. La seconde… montrez-moi… C’est pour une attaque nucléaire. Le Parti les faisait aussi placarder dans les écoles. Je m’en souviens bien. Ça nous faisait rigoler. Parce qu’aucun des équipements de protection requis n’était jamais livré. Mais c’était conçu pour maintenir la population sous tension…
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Les trente années les plus sanglantes de l’URSS correspondent en gros à la période où les Caucasiens ont gouverné l’empire. Staline, bien sûr. Mais aussi Beria, Ordjonikidze. L’Arménien Mikoïan. Et bien d’autres. Depuis que je suis en poste ici, j’en suis venu à me demander dans quelle mesure tous ces Caucasiens n’avaient pas tout simplement transposé à Moscou leurs mœurs de montagnards paranoïaques et violents. La vendetta. La passion des complots. Le goût pour l’élimination des ennemis politiques…
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– Ma famille… Nous sommes des réfugiés d’Abkhazie. Vous savez, à la chute de l’URSS, il y a eu une guerre terrible. Les Abkhazes, dont le territoire faisait pourtant partie de la Géorgie, ont voulu leur indépendance. Ils étaient soutenus par l’armée russe. À la fin des combats, les Géorgiens de souche ont dû s’enfuir. Plus de deux cent mille réfugiés… À l’automne 1993… Ma grand-mère, ma mère et moi, nous étions parmi ceux-là. Le gouvernement ne savait pas où nous mettre. On nous a dispersés ici et là. Pour nous, ça a été Tskaltoubo. Avec des milliers d’autres. Les sanatoriums étaient vides depuis deux ans. Alors on nous a parqués là. Sans aide, sans rien. On avait tout perdu.
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Vous avez entendu parler des vory v zakone ?
– C’est une espèce de mafia, non ?
– Les voleurs dans la loi. Une caste de truands qui est apparue dans les années 1930, au sein du Goulag. Ils existent encore et perpétuent toutes sortes de règles et de rituels. Les Caucasiens en ont toujours formé l’aristocratie. Mais on n’en voit plus beaucoup en Géorgie. Le président a fait le ménage depuis son arrivée au pouvoir. Ces gars-là écument maintenant les pays occidentaux, comme la France. Ils vont là où est l’argent.
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Sur un côté du bureau trônaient une dizaine de matriochkas colorées, rangées en ordre croissant. Nougo dut se pencher pour s’apercevoir qu’elles représentaient les maîtres de la Russie depuis Nicolas II. La plus volumineuse des poupées figurait un Vladimir Poutine dodu et satisfait. Il est vrai qu’elle avait vocation à contenir toutes les autres.
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– Dites-moi, Irakli, pouvez-vous me dire comment Papouna Berichvili a bâti sa fortune ? (…)
– À ma connaissance, il a fait comme tous ceux qui se sont enrichis au cours des dix dernières années du régime communiste : il a volé l’État.
– Mais encore ?
– Eh bien, c’est très simple. Je crois qu’il était directeur d’une fabrique de bottes au début des années 1980 – une entreprise d’État, bien entendu. J’imagine qu’on lui livrait chaque mois une certaine quantité de cuir, mettons quatre tonnes. Sur ces quatre tonnes, il en déclarait une impropre à la transformation.
– Vous voulez dire qu’un quart du matériau de base était déclaré défectueux ?
– Oui, c’est cela. Défectueux. Mais en fait, vous vous en doutez, cette tonne de cuir était en parfait état. Simplement, elle était extraite de la comptabilité de l’entreprise dès son arrivée. Elle disparaissait.
– Et puis ?
– Voyons ! Vous ne saisissez pas ? Ce cuir qui n’existait plus, du moins officiellement, était transformé en bottes, comme le reste, sur les chaînes de production de l’usine. Et ces bottes-là, qui n’existaient pas non plus, étaient vendues en magasin mais sous le comptoir, à dix ou quinze fois le prix. Et bien sûr, elles trouvaient acheteur, car il existait dans le pays une terrible pénurie de bottes.
Soudain il éclata de rire. Kartadze s’amusait souvent de ses propres histoires, portant sur le passé soviétique de son pays un regard volontiers caustique.
– Imaginez-vous, mon cher René. Je vous parle du truandage le plus ingénieux jamais conçu sur la surface de cette pauvre planète. Une corruption presque invisible, alors qu’elle se déroulait en plein jour, aux yeux de tous. Berichvili et ses semblables détournaient l’outil de production soviétique à des fins personnelles et, ce faisant, aggravaient des pénuries qu’ils contribuaient par la suite à combler. Nombre d’usines de ce pays étaient ainsi cannibalisées.
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Nougo Shenguelia n’aimait pas les scènes de crime. C’était moins leur côté morbide que le sentiment d’être arrivé trop tard qui le perturbait. Une scène de crime représentait toujours une défaite. Un meurtre qu’on n’était pas parvenu à prévenir. Un individu que la police n’avait pas pu protéger. La criminologie, même dans ses versions les plus modernes, comme celle qu’on lui avait enseignée en France, était une science de l’échec. Certes, on finissait presque toujours par deviner ce qui s’était passé. Avec un peu de chance, on arrêtait même des suspects. Mais on ne faisait pas revenir les morts.
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- Il était partisan d’intervenir en Irak au côté des Américains ?
- Certainement pas. il faut revenir au cœur de son raisonnement pour comprendre la posture qu’il a défendu – en vain. D’une part, Messad considérait dangereux notre positionnement consistant à pousser les Américains à la faute. Il estimait qu’en contraignant un membre permanent du Conseil de sécurité à frapper en dehors de toute légalité internationale, nous allions créer un périlleux précédent. Il se montrait particulièrement inquiet des leçons qu’en tirerait à l’avenir, par exemple, un autre membre permanent comme la Russie. D’autre part, il jugeait stérile de s’opposer frontalement aux Etats-Unis comme nous l’avons fait, en ralliant derrière notre drapeau d’autres membres du conseil. Il pensait que la relation bilatérale avec Washington en souffrirait durablement ; que nous deviendrons inaudibles durant toute la conduite des opérations militaires et au-delà. Et sur ce point, on peut déjà constater qu’il avait raison.

p. 61-62
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L’ensemble dégageait une impression d’abandon. Des herbes folles poussaient sur les parvis, les hautes fenêtres béaient, privées de leur vitrage. Turpin se demanda si l’Empire romain avait ressemblé à cela, au commencement du déclin. Des palais soudain vides, dont on volait les briques. Le Panthéon d’Agrippa, debout mais habité par les poules…
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– Tskaltoubo… Je me demande bien ce que vous avez à y faire. Autrefois, on l’appelait « la capitale du thermalisme ». Ce fut l’un des projets pharaoniques de Joseph Staline. Mais il n’y a plus rien là-bas. Que des ruines. Comme tout ce qu’il a construit, du reste.
Sa femme se leva soudainement en écrasant sa cigarette d’un geste agacé.
– Je te rappelle tout de même qu’il a vaincu Hitler, lâcha-t-elle avant de disparaître.
– Oui, murmura Kartadze, comme s’il se parlait à lui-même. Mais pas tout seul. Avec l’aide de vingt millions de pauvres bougres soviétiques qui y ont laissé leur peau…
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– Mon ambassadeur prétend que ce sont les Géorgiens qui ont codifié la tradition des banquets soviétiques. C’est vrai, d’après vous ? demanda Turpin au moment où une serveuse déposait sur la table une montagne fumante de khinkalis.
Kartadze ferma les yeux en humant la brume odorante qui s’élevait entre eux. Les raviolis étaient encore trop chauds pour être engloutis.
– Son Excellence n’a pas tort. Même si, bien sûr, les Russes n’ont pas eu besoin des Géorgiens pour apprendre à ripailler. Mais il est vrai qu’une bonne partie du rituel de ces banquets – en particulier la désignation d’un des convives pour prononcer les toasts, l’ordre des discours – est d’origine caucasienne. Tout cela s’est solidifié à Moscou sous le règne de Staline. Pendant trente ans, les Géorgiens ont investi le Parti et pullulaient dans tous les secteurs de l’État soviétique. Un peu comme si votre Napoléon avait placé des Corses à tous les postes-clés de son empire, et transposé en France des traditions séculaires de son île. Avouez que c’est tout de même une drôle d’histoire.
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[...] Turpin admit intérieurement qu’il n’avait jamais envisagé l’affaire irakienne sous cet angle. Jusqu’à cet instant, il avait toujours fait sienne l’idée répandue selon laquelle la France avait traité ce dossier avec panache et perspicacité.
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