L'AUTRE ABANDON
Il marchait, la main sur mon épaule,
il parlait, et mes lèvres remuaient avec les siennes,
des soleils voltigeaient dans sa bouche,
et le vent nous portait.
Mais sitôt que j'eus dit : « Où allons-nous ? »
il s'est éparpillé en fantômes,
je patauge et le reconnais mal,
je me vois marcher,
je m'entends parler,
et le vent me secoue par les épaules,
je saigne du nez sur les places publiques.
Mais où sont ses lèvres blondes
et l'odeur d'argile mouillée de ses mains,
et ses yeux bourdonnants d'univers ?
J'ai désappris à le voir,
je vais donner du front dans des faces absurdes,
dans des lilas de peau vivante,
et des instruments ridicules,
je suis affreux.
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