René Herval

Rien ne succède plus vite à l'amour que la haine ...

Il nous faut nous séparer maintenant de cette ville où nous avons tenté d'étudier les secrets de tout un millénaire d'Histoire et d'Art.
Notre travail, nous ne l'ignorons pas, demeure bien incomplet.
Nous aurions aimé à décrire l'ancienne vie caennaise, faite de l'ardente rumeur des étudiants, des rivalités des marchands, des souffrances et des joies du peuple ainsi que les douleurs, si héroïquement supportées, des temps présents.
Volontiers nous aurions parlé des poètes, des chroniqueurs, des savants qui, traditionnellement, se sont succédé aux rivages de l'Orne.
Mais il faut se limiter et savoir interrompre la course de sa plume.
Puisse seulement ce modeste ouvrage contribuer à faire reconnaître à Caen le rang de grande cité d'Art auquel il a droit et à faire aimer le passé d'une ville à laquelle des temps plus heureux permettront de reprendre son plein essor et de réaliser les promesses dont, hier, se parait déjà son avenir....

Ce que nous appelons aujourd'hui le département de la Manche comporte en réalité deux régions bien distinctes, correspondant aux anciens diocèses d'Avranches et de Coutances. La petite rivière du Thar qui se jette dans la mer à huit kilomètres au sud de Granville les délimite.
Au midi s'étend l'Avranchin que prolonge vers l'est le Mortanais.
Le Cotentin, au nord, est un pays de collines souvent riantes, parfois sévères, et qui s'achève en enfonçant profondément dans la Manche un éperon au centre duquel Cherbourg abrite sa rade célèbre.
Port de guerre en même temps qu'escale transatlantique, Cherbourg possédait, outre son arsenal, véritable petite ville militaire attachée au fla de la grande, une magnifique gare maritime qui faisait, au débarqué, l'admiration des voyageurs d'outre-mer. Touchée au cours des opérations militaires, cette gare vient d'être restaurée avec quelques modifications du plan ancien....
(extrait de "L'éperon normand", deuxième chapitre du volume paru aux éditions "Arthaud" en 1951)

Si l'on ne sait rien, absolument rien, des origines de Caen, la faute n'en incombe certes pas aux savants qui ont, depuis plusieurs siècles, exercé sur ce sujet leur habileté et parfois même leur imagination.
Au moyen-âge, on alla jusqu'à supposer que la ville avait eu pour fondateur Keu le sénéchal, un des héros légendaires de la cour du roi Arthus ...

Barfleur, au nom scandinave si caractéristique, était autrefois le "souverain port" de la Normandie occidentale comme Harfleur était celui de la Normandie orientale.
Durant tout le moyen-âge, il vit s'embarquer et débarquer soit des armées se ruant vers la proie prochaine, soit des cortèges princiers que portaient des nefs joyeuses.
Là, dit-on, fut construit le "Mora", don de la duchesse Mathilde, que le Conquérant monta pour passer la Manche. De ce même havre, en 1120, s'éloigna la "Blanche Nef" ayant à bord Guillaume Adelin, fils d'Henri Ier et plusieurs centaines de seigneurs et de matelots. Le fin voilier, hélas ! s'éventra sur les roches de Quillebeuf et nul ne survécut au désastre qu'un boucher de Rouen nommé Béroul....
(extrait de "L'éperon normand", deuxième chapitre du volume paru aux éditions "Arthaud" en 1951)

Nos fronts sont noircis sous le heaume,
Nos poings aux sangles de l'écu.
Aux batailles du duc Guillaume
Tant de fois nous avons vaincu.
Nous te briserons comme verre,
Nous les rois de la mer, nous les preux :
Au-delà de tes flots brumeux,
Tremble, Angleterre ! ...

- Vous qui êtes bon clerc, ne pourriez-vous nous expliquer l'énigme de ce nom de "Mora", maitre Taillefer ?
Le scalde se retourna :
- Il n'y a là aucune énigme, dit-il. La duchesse s'est souvenue d'un usage de nos aïeux et a simplement voulu en tirer un heureux présage en faveur de son époux au moment où celui-ci va tenter de conquérir le trône d'Angleterre.
C'est en effet sur la pierre de Mora, près d'Upsal, en Suède, que sont couronnés les rois de ce pays ...

Le plus étrange était peut-être que les dieux du nord semblaient s'être attachés, eux aussi, au sol normand comme s'ils avaient voulu le conquérir à leur tour ...

La beauté du monde a largement abreuvé la soif de mes yeux et celle de mon coeur mais elle ne les a pas étanchées.
Chaque jour m'apporte un désir neuf et j'aime qu'il en soit ainsi : car c'est mourir mille fois que de vivre sans désir ...

Venez voir danser les fées :
Leur beauté charme et séduit,
de leurs robes dégrafées
Un parfum naît par bouffées
Dans la douceur de minuit ...