Une approche inattendue concernant la nature de l'argent.
L’organisation des sociétés s’est autonomisée sous la forme des états, l’organisation des échanges s’est autonomisée sous la forme marchande, la sensibilité esthétique s’est autonomisée sous la forme de l’art séparé de la vie réelle, la recherche de la sagesse s’est perdue dans l’édification autonome du savoir mortifère, l’élan spirituel s’est autonomisé sous la forme des religions dogmatiques.
C’est ainsi l’ensemble de ses productions qui se sont dressées face à l’humanité pour lui donner des directives, un mode d’être qui est d’avoir
une existence sociale vitrinisée.
Nous noterons pour finir que cette heureuse simplification de l’usage de la parole présente néanmoins un inconvénient : la montée en puissance de l’alexithymie, ou incapacité à mettre des mots sur ses émotions et en particulier sur sa souffrance.
Les émotions seront donc elles-mêmes appauvries au strict minimum, ce qui favorise certes l’indispensable anesthésie dont on aura toujours plus besoin pour supporter l’impensable misère du monde mais qui, par effet de refoulement, tend à générer toutes sortes de pathologies aux effets sociaux imprévisibles.
Il nous importe donc d’édifier d’abord en nous une barricade imprenable.
Nous nous équipons de la sorte, pour que l’émancipation soit déjà gagnée du dedans, avant même d’achever de faire tomber l’ennemi extérieur en train de s’écrouler.
Il s’agit certes d’en finir avec ce monde qui nous étouffe sous ses mensonges bien plus encore que sous ses pollutions, mais il s’agit plus encore de rejoindre sans plus attendre la face cachée de chaque instant : la vie éternellement renouvelée.
Mais pourquoi les jeunes gens s'accommoderaient-ils dans leur for intérieur dʼune société contaminée, bien plus que par un virus, par cette grisaille et cette absurdité que les adultes nʼont plus que la résignation de supporter
avec une aigreur et un malaise croissants ?
La disparition de l’horizon contraint chacun à ne plus pouvoir se raccrocher à quoi que ce soit d’autre qu’à la rigoureuse nécessité de la vérité.
Et c’est elle, qui va maintenant éduquer directement l’humanité.
Face à soi-même, les masques tombent, et si
l’on y regarde de plus près - et assez longtemps
-, les marionnettistes - Intérieurs et extérieurs –
sont eux aussi démasqués.
C’est là qu’on devient en quelque sorte un arti-
san en véridicité. Voire un artiste.
Vous en croisez parfois dans les rues : il y a en
eux quelque chose de transperçant : quelque
chose qui transperce les apparences.
C’est parce qu’ils vivent déjà dans l’au-delà :
l’au-delà du spectacle.
C’est ainsi que tous sont manipulés : les diri-
geants, qui dirigeront d’autant plus rigidement
qu’ils savent déjà que la logique d’ensemble
leur échappe ; les contestataires, qui s’en pren-
nent aux dirigeants, les complotistes, qui se
raccrochent aux branches déjà coupées de dé-
nonciations obsolètes, et la masse comatique,
que l’on maintient en état de réanimation inten-
sive, pour qu’elle rêve juste de revenir à la nor-
malité qu’elle subissait, et qui s’est écroulée.
Lorsque toute la réalité, avec nous dedans,
s’est réduite à des données algorithmiques, et
que la manipulation des données en est deve-
nue le paradigme, le complot est devenu le seul
savoir-faire du système.
Voici que, pour finir, le complot s’est autonomisé.
L’essence de l’argent est l’annexion du monde par les riches.
L’économie n’est rien d’autre que le traité de stratégie militaire qui permet aux riches d’annexer à l’argent l’esprit des hommes.