Il y a une chose que je voudrais dire aux lecteurs et à toute la rédaction de Panorama : Mettez-vous à l'écoute de personnes de cœur, qui ont le sens de l'unité, de personnes qui parlent de fraternité avant de parler de liberté ou d'égalité. Chers lecteurs de Panorama, osez prendre les contraires à notre époque ! Ecoutez ces voix venues d'autres cultures, d'autres confessions, elles nous apprennent sur nous-mêmes. Il ne faut pas avoir peur de l'autre, il faut s'ouvrir, écouter ce que la différence a à nous dire. La différence vient de la fragilité, mais elle vient aussi des autres.
Je suis uni avec vous par l'esprit et par le cœur, je vous embrasse et demeure en communion avec vous. Je m'en vais, mais je ne serai jamais loin
(Jean Vanier, dans sa dernière chronique)
Pour produire le son le plus proche de son être, il faut d'abord trouver le silence. Un beau son naît toujours du silence. Il dépendra même de la qualité du silence. A priori, le silence, ça ne coûte rien, c'est simple, gratuit, banal et accessible. C'est en fait un très grand luxe. Cet état engage aussi un silence intérieur; difficile à trouver physiquement. Le silence, c'est ne pas être dans le jugement des choses.
(HJ Lim)
Frère Jean, Marc-Alain Ouaknin, sœur Dominique, Jean Cocteau. Voici quatre de nos invités du mois : un moine orthodoxe, un rabbin, une dominicaine et un artiste tenaillé par Dieu. Le premier aime les fleurs ; il les photographie toutes, des plus communes aux plus complexes, du pissenlit au lys. Le deuxième aime la nature; il se ressource autour de l'étang de Mézières-Ecluzelles, près de chez lui, en Eure-et-Loir, où il échange avec les cygnes. La troisième aime les herbes aromatiques ; elle cultive le romarin, la verveine ou le lavandin. Le dernier aime les plantes médicinales ; il a peint les murs de sa dernière demeure, à Milly-la-Forêt (Essonne). de majestueux spécimens. Ainsi donc, tous consonent avec le pape François qui, dans sa célèbre encyclique 'Laudato si', publiée il y a cinq ans, souligne : "Dieu écrit un beau livre dont les lettres sont représentées par la multitude des créatures présentes dans l'univers" » (no 85).
(éditorial de Marie-Christine Vidal)
Le livre de la Genèse a débuté avec le meurtre d'un frère, cauchemar d'une humanité qui se limite à ce qu'elle voit, abandonnée à son orgueil et sa jalousie. Il s'achève par la réconciliation d'une famille, accomplissement du rêve de ceux qui refusent de cesser d'espérer. Des siècles plus tard, un autre Joseph devient aussi porteur de songes : il apprend de qui lui vient un fils et comment permettre à cette lumière de résister aux ténèbres qui aussitôt se déchaînent. *
Bien des raison nous soufflent qu'il n'y a que la réalité qui compte, qu'elle s'impose, brutale et froide, comme inéluctable. Gardons-nous de nous y soumettre et laissons une place aux songes. Ce sont des rêves réalistes : ils marquent notre capacité à espérer, parfois contre toute espérance, que nous sommes faits pour plus grand que ce qui nous est immédiatement donné.
(Benoist de Sinety)
Lire c’est recréer l’âme des choses, écrire c’est fabriquer un nid pour les œufs de la mémoire.
(Ernest Pépin)
Il est menacé de disparaître de la surface de la terre. Parce que du jour au lendemain, il est devenu potentiellement mortel. Pourtant, il est né avec l'homme, l'accompagne depuis ses origines et ne l'a jamais quitté depuis. Il participe d'ailleurs à sa manière à la perpétuation de la race humaine. Sans lui, le monde ne sera plus jamais le même. Il perdra en beauté, en tendresse et en joie.
(...)
Aujourd'hui, le baiser a cédé la place, contraint et forcé, à la distanciation sociale et aux gestes barrières. À nous de trouver la manière de laisser notre âme s'exprimer pour rejoindre l'autre sans s'approcher. Et que chacun ressente au fond de lui ce baiser qui ne peut être donné.
(Anne-Dauphine Julliand)
On croit que les étoiles sont dans le ciel, mais elles sont sous nos pas. On les écrase. Ce qu'on voit briller dans la nuit, ce sont leurs cris.
(Jean-Marie Kerwich)
Un jour, dans les années 1970, je suis allé avec un ami cinéaste dans des hameaux perdus du nord de l'Argentine. Nous étions installés en plein air, avec un piano que nous avions apporté sur place. Les gens n'en avaient jamais vu. J'ai commencé en jouant des oeuvres de Bach et de Chopin. Puis j'ai choisi le deuxième mouvement du concerto en fa mineur de Bach. Une atmosphère particulière flottait dans l'air. Entre un peu de tristesse et la joie d'être réunis. Le premier mouvement terminé, un paysan s'est approché de moi, m'a tapoté sur l'épaule et m'a dit : « Continue de prier, mon frère. » Il avait tout compris ! J'ai joué le morceau cinq fois de suite. Cette expérience s'est répétée à maintes reprises. Mes amis et moi avons joué dans des bidonvilles, des usines ou pour des ouvriers de la canne à sucre. Cela a renforcé mon choix : ne pas accepter les conditions du « marché » de la musique, soumis au profit, et ne pas jouer pour éblouir mais pour provoquer l'émotion.
Je suis ami avec le pape François, il m'a souvent répété : « Tu es né pour faire des choses pour les autres, pour dire non à la globalisation de l'indifférence, au narcissisme. »
(Miguel Angel Estrella)
- "J'ai appris à entendre la voix de ma mère au-delà des murs", écrivez-vous dans "Pas ici, pas maintenant", qui est une lettre à celle qui vous a donné la vie. Vous l'entendez encore, votre mère ?
- Chaque fois que je joue au solitaire avec un jeu de cartes napolitaines, je l'entends. J'y jouais en sa présence. Quand je dispose les cartes sur la table, presque chaque jour, elle est là.
(Erri de Luca)
- Un livre que vous recommanderiez à un ami ?
- Actuellement, mon dernier livre, "La transmission", un récit sur la vie de mon père, homme de paroles, fruit de générations de rabbins et d'enseignants du judaïsme, de maîtres à disciples. Que transmettre ? Comment transmettre ? Tels sont les enjeux fondamentaux de notre époque en manque de sens.
(Eliette Abécassis, petite bibliothèque spirituelle)