Citations de Revue Planète (31)
Est-ce que l’homme, dans le monde que nous sommes en train de construire, ne sera pas écrasé par la masse et dépassé par les machines ?
Est-ce qu’il ne va pas devenir un spectateur endormi dans un théâtre d’ombres monumental ? (Louis Pauwels)
(page 11)
A des degrés différents, tous les yogas tentent de transmuter la matière en esprit.
Vivre la mort, au lieu de mourir sa vie.
(page 81)
Celui qui n'a pas atteint la libération alors qu'il vivait sur terre, ne saurait l'espérer davantage dans la mort.
C'est ici et maintenant que le yogi exige la béatitude et l'obtient.
(page 83)
Nous ne sommes pas une école philosophique. Je veux dire que nous ne croyons pas détenir la vérité. Nous pensons seulement détenir beaucoup d'énergie et manifester beaucoup de curiosité dans la recherche de la connaissance, dans l'interrogation des grands aspects de la réalité qui nous entoure.
Nous sommes des gens qui essaient d'interroger ces grands aspects de la réalité, d'un œil aussi neuf que possible et avec un esprit aussi délivré que possible des préjugés, qu'ils soient anciens ou modernes.
Nous essayons d'être des têtes chercheuses libres.
(page 5) Louis Pauwels
La fin de la civilisation villageoise
Mon village et sa mort à l'heure de la fusée.
Le monde que je vais essayer de décrire, nous le portons tous en nous comme l'homme mûr son enfance.
Tous, nous pouvons retrouver un village au-delà d'un passé de quelques générations. Mais de même que l'enfant que nous fûmes s'éloigne et nous devient bientôt étranger, de même le village apparaît désormais à nos yeux comme une image fanée, vidée de vie. - Aimé Michel (page 13)
On meurt par prophétie
Si l'on veut comprendre les prophéties, il faut respecter les règles du jeu qui les a suscitées.
La première consiste, me semble-t-il, à adopter le point de vue des religions ou des métaphysiques dans lesquelles elles sont apparues (il ne sera question ici que des prophéties judéo-chrétiennes). Le christianisme traditionnel considère, par exemple, que la matérialisation quasi totale de l'homme aux environs de l'an 2000, et son athéisme (ou son refus de toute transcendance) constitueront un mal, et même le Mal. - René Nelli (page 57)
Je laisse la fenêtre entrouverte, puisque je sais qu'il reviendra ce soir.
Je voile les miroirs et j'enlève les deux petits morceaux de bois entrecroisés que ma mère s'obstine à suspendre au-dessus de mon lit : il faut que rien n'effraye mon amour ; j'ai trop besoin de lui.
Cela fait déjà sept nuits consécutives qu'il vient, et je reste toujours assoiffée de ses étreintes. C'est délicieux.
...
Belen
Jaime caressa sa compagne des ténèbres. D'abord doucement, très doucement, avec une tendresse qui montait en lui du fond des âges, et cette tendresse passait à travers Jaime, l'envahissait, mais elle ne venait pas de lui : elle venait de l'éternité, des étoiles et du lait, des aurores et du souffle des animaux, du regard des mères à leurs nouveau-nés, des pierres qui s'arrondissent dans la nuit, de l'herbe nue ; cette tendresse passait par d'intimes et merveilleux paysages, par la Perse mais aussi par le lac de Tibériade, par les mains de pêcheurs limpides en train de réparer leurs filets, par la voix des colombes et celle des pluies sur l'épaule des collines ; d'un souffle tiède elle traversait le désert et le lion se couchait aux pieds d'une vierge, la respiration des océans se rendait attentive aux larmes, une joie douce tremblait dans la patte des chevreaux ; cette tendresse roulait son fleuve souterrain à travers la terre et le ventre du ciel, et Hélène, s'ouvrait infiniment ; le coquillage de son sexe s'emplissait d'une mer intérieure qui ruissela sous la main du main-aimé ; ...
René de Obaldia. Tamerlan des coeurs
Parménide suggéra de distinguer entre le Réel, qui serait continu, et le Connu, c'est-à-dire ce que l'Homme peut espérer percevoir de ce Réel, qui serait par nature discontinu. Mais cette idée impliquait de renoncer à l'espoir que l'Homme puisse atteindre directement un jour le "fond" des choses.
(page 156)
Bilan par Daniel Odier
« Avant de se pencher plus précisément sur le message laissé par Krishnamurti, en voilà une vue d'ensemble ».
Krishnamurti commence par le début : la souffrance, la misère, la désintégration de tout ce que notre esprit a créé pour nous libérer; l'échec de l'homme à tous les niveaux de l'existence. Il n'était pas question pour lui de raser les constructions anciennes pour les remplacer par d'autres qui parviendraient inévitablement à leur fin. C'est en cela que son action se situe à un niveau différent de celles d'autres hommes qui n'ont pas résisté à combler l'espace vide de leurs théories. Ces dernières paraissent parfois résister au temps, elles n'en sont pas moins un poids qui nous retient solidement en nous.
Krishnamurti ne propose pas d'analyse des faits, des causes, des conséquences. Il ne nous promet pas de nous tirer plus haut, ni de nous donner un enseignement qui nous libérera de notre misère. Il ne nous invite pas à le suivre sur la voie libératrice d'une pensée ou d'une pratique quelconque. Il essaye simplement par le mensonge à la puissance 1, la parole, de nous révéler à nous-même afin que nous puissions voir ce qui « est », puis nous oublier. Sortir de l'ego, accéder à la créativité par la cessation non contrainte de nos processus de pensée, par la vision de notre vacuité et la découverte simultanée de l'amour.
« Ainsi donc en vue de comprendre la nature d'une société en voie de désintégration, n'est-il pas important de nous demander si vous et moi, si l'individu peut être créatif ? Nous pouvons voir que là où est l'imitation, il y a certainement désintégration; là où est l'autorité, il y a nécessairement copie. Et puisque toute notre structure mentale et psychologique est basée sur l'autorité, il faut nous affranchir de l'autorité afin d'être créatifs. »
Se remettre en cause soi-même, à chaque instant, ce qui entraîne d'ailleurs automatiquement la remise en cause d'une société de marionnettes, aux structures qui s'effritent car périmées, ridiculement inefficaces. Il s'agit de déboulonner le système et, avant tout, notre propre système, fait de ces mensonges qui amènent tout, sauf le bonheur et la plénitude d'être.
Le fruit est mûr. Partout ce mot : révolution.
Oui. Mais retrouvons la dynamique de la révolution primordiale : celle de notre propre évolution. Le reste s'écroulera tout seul, très simplement, Krishnamurti a parlé pendant une cinquantaine d'années face à des auditeurs qui pour la plupart n'ont jamais voulu comprendre son message mais ont voulu surtout l'ériger comme un autre dogme, comme un autre Sauveur, sans jamais se rendre compte qu'il faut se sauver soi-même.
Et tout seul.
La plupart de nos actes sont motivés par « je devrais », « je ne devrais pas », ce qui indique qu'ils sont enracinés dans le monde des idées, avec lesquelles nous cherchons toujours à les faire coïncider. Ce dont je parle est l'élimination totale de l'idée, donc la suppression complète de l'état de conflit. Cela ne veut pas dire s'endormir confortablement dans un monde de non-idéation, mais au contraire être lucidement éveillé.
Jiddu Krishnamurti
Si nos esprits aiment les mêmes images, souhaitent les mêmes formes, les mêmes apparitions, physiquement, organiquement, vous êtes le chaud, alors que je suis le froid, la chose ondoyante, souple, voluptueuse, caressante, alors que je suis le dur silex, la végétation calcinée et fossile, l’obsidienne, le dur minéral.
[Lettre d'Artaud à Anaïs Nin]
Pour [Antonin Artaud], tout ce qui était émotion sexuelle ressortissait à la magie noire. Ce qui l’empêchait d’écrire, c’était les tiroirs fluidiques déversés par le démon érotique, ce qui est complètement anachronique actuellement, mais ce qui est très fort.
[Antonin Artaud] refusait tout ce qu’on appelle Théâtre. Il refusait d’y aller. Ou il emportait un saucisson et un litre de rouge pour protester en bouffant au premier rang. Le théâtre qui n’imposait pas la vision d’un intermédiaire. Mais comment remplir ce vide, ce hiatus terrible qui est dans la réalité ?
[La parole abandonnée (entretien avec Henri Thomas)]
Dans son Van Gogh, Antonin Artaud met l’accent sur un point très important, qui est celui-ci : si certains individus sont contraints de choisir le refuge de la folie, c’est parce qu’au niveau de l’inconscient se sont produites certaines manipulations tant intérieures qu’extérieures en vue de les empêcher d’émettre d’insupportables vérités.
[Réflexions sur Artaud, Céline et Genet (Pierre Hahn)]
Artaud, dans les dernières heures que j’ai passées avec lui, m’a beaucoup touché, nous nous sommes quittés très bien ensemble, ce sont ses amis qui par la suite lui ont dit : « Voilà ton bourreau, qui t’a fait ci, qui t’a fait ça ». C’est la naissance d’un mythe, un mythe du méchant psychiatre, c’est du cinéma, cela fait partie d’une tradition…
(Entretien avec le docteur Ferdière)
Je sais bien que le plus petit élan d’amour vrai nous rapproche beaucoup plus de Dieu que toute la science que nous pouvons avoir de la création et de ses degrés. Mais l’amour qui est une force ne va pas sans la Volonté. On n’aime pas sans la volonté, laquelle passe par la conscience ; -c’est la conscience de la séparation consentie qui nous mène au détachement des choses, qui nous ramène à l’unité de Dieu. On gagne l’amour par la conscience d’abord, et par la force de l’amour après.
[Héliogabale]
C’est vous dire que ce n’est pas Jésus-Christ que je suis allé chercher chez les Tarahumaras mais moi-même, moi, M. Antonin Artaud, né le 4 septembre 1896 à Marseille, 4, rue du Jardin-des-Plantes, d’un utérus où je n’avais que faire et dont je n’ai jamais rien eu à faire même avant, parce que ce n’est pas une façon de naître, que d’être copulé et masturbé neuf mois par la membrane, la membrane brillante qui dévore sans dents comme disent les UPANISHADS, et je sais que j’étais né autrement, de mes œuvres et non d’une mère, mais la MERE a voulu me prendre et vous en voyez le résultat dans ma vie.
[Lettre à Henri Parisot]
Je suis pour Guénon gobeur contre tout le reste. Guénon gobeur qu’il prend au pied de la lettre le contenu significatif et humain de toutes les fables et légendes me paraît moins enfantin que toute l’école scientifique, biologique et anthropologique moderne qui à la suite d’Edmond Perrier pense que l’homme marchait d’abord à quatre pattes et qu’il est devenu droit à force de chercher à attraper les fruits des arbres et de se mettre sur son séant pour cela.
[Le moine]