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4.2/5 (sur 5 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Po&sie est une revue de poésie trimestrielle fondée en 1977 et dirigée par Michel Deguy.

Elle est éditée par les éditions Belin (groupe Humensis).

son site : https://po-et-sie.fr/

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Bibliographie de Revue Po&sie   (7)Voir plus

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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Que puis-je dire?
Aperçus
de joie soudain réveillés
Avant un monde de dupes.

William Carlos Williams
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tu inspires
tu avales le vent
tu me souffles dans les poumons
tu me prends dans ta bouche
je sais voler aussi
dans le silence et l’ombre
être le vent sous tes plumes
dans la lumière de ta peau
l’échiquier des éclaircies fluides
tu ne sais plus respirer
quand s’entrouve ta bouche
le tremblement de tes lèvres
le vent dans ta gorge
le gonflement
le sang la vie le plaisir
trilles secousses spasmes
errrrrr

Michel Naepels
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L’Iris sauvage
AU SEUIL DE LA PORTE
  
  
  
  
Je voulais rester comme j’étais,
immobile, comme le monde ne l’est jamais,
pas au cœur de l’été mais l’instant précédant
l’éclosion de la première fleur, l’instant
où rien ne s’est encore passé –
non pas au cœur de l’été, le stupéfiant,
mais au printemps tardif, l’herbe pas encore
haute au bord du jardin, les tulipes
pas encore tout à fait écloses –

comme un enfant hésitant au seuil de la porte, observant les autres,
ceux qui partent les premiers,
amas de membres roides, à l’affut de
l’échec des autres, à l’affut des hésitations publiques,

doué de l’implacable assurance des enfants avant l’attaque imminente,
s’apprêtant à vaincre
ces faiblesses, à ne succomber
à rien, l’instant juste

avant la floraison, l’ère de la maîtrise

avant l’apparition du don,
avant la possession.


// Louise Glück États-Unis (22/04/1943 -13/10/ 2023)

/ Traduit de l’anglais par Marie Olivier
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Revue Po&sie
Le tableau « Face à la Lune » représente une scène qui se situe une nuit d’automne dans un paysage montagneux éclairé par la pleine lune. Curieusement, l’astre lumineux, alors qu’il apparaît comme l’un des thèmes essentiels du tableau, est représenté de manière minuscule dans la partie supérieure droite, au point qu’on le distingue à peine; la faiblesse de sa taille ne l’empêche nullement d’illuminer la voûte du ciel et la masse brumeuse qui occupe l’espace resté vide entre les aiguilles et les falaises aux à-pics impressionnants.
Sur une plateforme dominant le vide, un lettré est assis et porte un toast à l’astre de la nuit. Un peu à l’écart se tient un serviteur debout, porteur d’un récipient. Cette scène fait allusion au poème « En buvant seul sous la lune » du poète Tang Li Bai (李白, 701-762)

Bien que ce tableau ne comporte ni signature, ni cachet de l’artiste, il a été traditionnellement attribué au peintre Ma Yuan. On retrouve effectivement dans sa composition certains des principes et techniques propres à ce peintre. C’est ainsi que le centre de gravité de la composition, qui se caractérise par le nombre et la densité des objets et sujets traités, ici arbres, rochers, plateforme et personnages, se trouve placé dans l’un des coins du tableau (celui du bas à gauche) laissant en grande partie vide ou baigné par la brume le reste du tableau. Ce système était fortement utilisé par Ma Yuan qu’on avait affublé pour cela du sobriquet de « Ma le coin »; il permet au spectateur, après une première fixation du regard sur un point d’attache lourdement chargé de laisser divaguer ensuite librement son œil dans un espace vide ou aéré et de donner libre cours au développement de sa pensée et de son imagination. La seconde technique utilisée par Ma Yuan consistait à structurer le tableau le long de lignes de forces, en général des diagonales . C’est ainsi que dans « Face à la Lune », à partir d’une raie de lumière oblique qui rompt la masse obscure de l’angle bas-gauche, les deux sujets essentiels de la scène, le lettré et la lune, se succèdent sur une diagonale ascendante qui partage le tableau en deux. Une autre diagonale qui s’oppose à la première en étant orientée vers le bas marque le développement de la branche principale d’un pin des montagne (symbole de longévité) qui semble vouloir protéger de sa ramure le lettré. Dans la composition d’ensemble du tableau ces deux diagonales transversales se mêlent aux lignes verticales induites par l’élancement des falaises et des pics qui montent à l’assaut du ciel et par celle induite par le vide du ciel qui, dans le sens contraire, de haut en bas, semble s’engouffrer comme dans un entonnoir dans le précipice qui s’ouvre aux pieds du lettré. Ces effets de verticalité sont encore renforcés par la proportion étirée du tableau dont les côtés sont deux fois plus hauts que larges.

Le lettré, confortablement assis et qui porte sereinement un toast à la lune apparaît comme un pôle d’équilibre et de stabilité au centre de ce maelstrom de forces violentes et contraires que la nature met en jeu mais que la subtilité d’agencement du tableau mise en œuvre par l’artiste équilibre et apaise. Il en résulte que le spectateur éprouve le sentiment confus et troublant de la perception d’une ambiance tout à la fois dramatique et sereine. On touche ici à la différence fondamentale qui fonde les arts de la représentation occidentale et asiatique du paysage. En occident, le paysage est représenté en tant qu’objet unique et singulier, l’artiste s’attachant surtout à représenter sa spécificité et sa différence même s’il ne s’interdit pas de « l’interpréter » et de projeter sur son œuvre ses propres constructions mentales. En Chine, la représentation du paysage vise à exprimer avant tout une certaine vision du monde fondée sur le rôle de l’esprit et du souffle qui anime l’univers, le « ch’i ». La nature, le cosmos tout entier sont le jeu de forces contraires bipolaires complémentaires qui à la fois s’attirent et se repoussent et sont condamnées à cohabiter harmonieusement dans un équilibre fragile sans cesse mis en cause qui se doit d’être renouvelé. Le rôle du lettré et du peintre est de percevoir et exprimer, à travers le mouvement et la multiplicité des formes crées par la nature (son impermanence), le rythme de l’esprit, le principe cosmique qu’elles expriment et le sens de l’universel. Il s’agit de peindre le naturel dans sa dynamique de mouvement et de vie mais de façon très concrète et sans exaltation. Cette compréhension des principes cachés qui animent le mouvement du monde prend la forme d’une révélation et n’est pas accessible par le commun des mortels, elle ne concerne que quelques personnalités privilégiées marquées du sceau du génie, elle constitue alors le Tao, « la Voie, le chemin » qui symbolise l’union de la dualité Yin-Yang en mouvement et qui invite à se remettre en phase avec l’authenticité primordiale de la nature, de la vie et de ses rythmes. La peinture renvoie à la cosmologie. Du Vide originel naissent les Dix mille êtres (c’est-à-dire toute chose). « Le Tao d’origine est conçu comme le Vide suprême d’où émane l’Un qui n’est autre que le Souffle primordial. Celui-ci engendre le deux, incarné par les deux souffles vitaux que sont le Yin et le Yang. Le Yang, en tant que force active, et le Yin, en tant que douceur réceptive, par leur interaction, régissent les multiples souffles vitaux dont les Dix mille êtres du monde créé sont animés. Toutefois, entre le Deux et les Dix mille êtres prend place le Trois. » (François Cheng, Vide et Plein, p. 59).
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          QUELQUE CHOSE
  
  
  
  
QUELQUE CHOSE aura lieu, plus tard,
cela s’emplit de toi
et s’élève
jusqu’à une bouche

Hors de la folie
éclatée
je me relève
et observe ma main
qui dessine le seul
l’unique
cercle


//Paul Celan (23/11/1920 – 20/04/1970)

/ Traduit de l’allemand par Stéphane Mosès
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L’Iris sauvage
MATINES / C
  
  
  
  
Le soleil n’est pas le seul à briller, il y a aussi
la terre, feu opalin
gravissant les majestueuses montagnes
et la route plane
étincelant au petit matin : cela est-il exclusivement
à notre intention, afin de provoquer
une réponse, ou es-tu toi aussi
perturbé, incapable
de te contrôler
en présence de la terre – j’ai honte
à l’idée d’avoir pensé que tu étais
loin de nous, que tu nous considérais
comme une expérience : c’est
une chose terrible et triste que d’être
l’animal superflu,
une chose terrible. Mon cher ami,
cher compagnon inquiet, qu’est-ce qui
te surprend le plus dans tes sentiments,
la magnificence de la terre ou ton ravissement ?
Pour toujours et pour moi,
le plaisir et l’étonnement.


// Louise Glück États-Unis (22/04/1943 -13/10/ 2023)

/ Traduit de l’anglais par Marie Olivier
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DE LA MATIÈRE DES ANGES…
  
  
  
  
DE LA MATIÈRE DES ANGES, le jour
où l’âme fut insufflée, phalliquement
unis dans l’Un
– Lui, le Juste qui donne la vie, t’accoupla à moi,
ô sœur –, emportés là-haut
à grands flots à travers les canaux, montant
vers la couronne-racine :
séparés par la tête
elle nous pousse vers le haut, pareillement éternels,
le cerveau immobile, un éclair
recoud nos crânes, les écorces
et tous
les os encore à ensemencer :
dispersés de l’Orient, à rassembler en Occident, pareillement éternels –,
là où brûle cette écriture, après la
mort aux trois quarts, devant
l’âme restante, roulant
çà et là, qui se
tord d’angoisse devant la couronne,
depuis l’origine des temps


//Paul Celan (23/11/1920 – 20/04/1970)

/ Traduit de l’allemand par Stéphane Mosès
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Lettre à l’Europe depuis Ellis Island


XVIII
Extrait 4

Vue directe sur la mort, bien sûr.
Je préfère les bouches vivantes écoute-moi écoutez-moi
Oui je préfère la bouche Escaut bien au-delà d’Anvers
De Vlissingen.
J’ai même loué une barque à Veere pour sinuer entre vapeurs.
Barges.
Remorqueurs.
Trains de péniche.
Les embouchures de nos rivières nos fleuves sont rieuses.
Bouches épanouies.
Bouches à houblon bouches à gueuzes
Bouches flamandes bouches hollandaises.
Nos Hals nos Steen nos ter Broch rient.
L’Europe est rire.
Jusqu’au tragique.
Bouches déchirées plus larges que plaie.
Pour ce que rire est propre de l’homme.


Jacques Darras (11/12/1939 - )
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L’Iris sauvage
MATINES / B
  
  
  
  
Quelle importance mon cœur a-t-il pour toi,
que tu te sentes obligé de le briser encore et encore
comme un jardinier testerait
sa nouvelle espèce ? Entraîne-toi
sur quelque chose d’autre : comment puis-je vivre
en colonies, comme tu le souhaites, si tu m’imposes
une quarantaine d’affliction, me séparant
des membres vaillants de
ma propre tribu : dans le jardin,
tu ne peux écarter
la rose malade ; laisse-la balancer ses
feuilles aguicheuses et infestées au
visage des autres, laisse les minuscules pucerons
sauter de pied en pied, preuve une fois encore
que je suis la plus vile de tes créatures, venant après
le puceron prospère et la rose grimpante – mon Père,
toi qui as fait ma solitude, soulage
au moins ma culpabilité ; lève
le stigmate de l’isolement, à moins
qu’il ne soit dans ton projet de me rendre
à nouveau et pour toujours sain, comme je l’étais,
sain et achevé dans l’erreur de mon enfance,
ou bien encore sous le poids léger
du cœur de ma mère, ou bien encore
en rêve, premier
moi qui ne voudrais jamais mourir.


// Louise Glück États-Unis (22/04/1943 -13/10/ 2023)

/ Traduit de l’anglais par Marie Olivier
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L’Iris sauvage
LES HERBES FOLLES
  
  
  
  
Quelque chose
vient au monde sans y avoir été invité
provoquant le désordre, le désordre –

Si tu me hais tant,
ne t’embête pas à me donner
un nom : as-tu besoin
d’une autre insulte
dans ta langue, une autre
façon de blâmer
une tribu pour tout –

comme nous le savons tous les deux,
pour adorer
un seul dieu, on a besoin
d’un seul ennemi –
Je ne suis pas l’ennemi.

Seulement une ruse qui te permet de te détourner
de ce que tu vois en train de se passer
ici même, dans ce lit,
petit paradigme
de l’échec. Ici, presque chaque jour
l’une de tes précieuses fleurs
meurt et tu ne trouveras le repos
qu’après avoir assailli la raison, en d’autres termes :
tout ce qui reste, tout ce qui se sera
avéré plus robuste
que ta passion personnelle –

Ce n’était pas supposé
durer éternellement dans le monde réel.
Mais pourquoi l’admettre alors que tu peux continuer
à faire ce que tu as toujours fait,
le deuil et les reproches,
toujours les deux ensemble.



// Louise Glück États-Unis (22/04/1943 -13/10/ 2023)

/ Traduit de l’anglais par Marie Olivier
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