Halal
Noiseuse notoire, Nezha au regard noir,
traverse la salle en babillant, sa voix
recouvre le bruit des seaux en caoutchouc
qui s’entrechoquent, le bris de l’eau et les
cris des petites aux peaux neuves
qui gigotent dans les bassines
Ici, on n’entend aucun téléphone sonner
Ici, il n’y as de réseau car on est au
hammam
Des mémés claudiquant comme des crabes
traînant leurs corps ankylosés par les ans
succèdent à des Vénus rasées à blan
aux fesses immenses écrasées sur le sol
Une madone au dos exsangue
dans la bleue lumière d’une vitre teinte
me guigne lorsque, molle,
allongée sur le ventre je regarde
une femme enceinte
elle qui ne peut pas faire comme moi
semble pourtant triomphante
de son enfant prochain j’imagine que
ce doit être
un mâle
Je tends la main et touche ma toison
Combien de femmes ont-elles
avant moi rêvé sur ce marbre
écru et chaud de sucer
ici-même un sexe aimé d’ouvrir
le leur à deux mains et dire
eat me I’m halal
leurs peaux mortes qui voyagent
vers le caniveau et s’y confondent
ont-elles reçu tous ces baisers
dont je me vante tant ont-elles
été aimées comme mes lambeaux et tous mes recoins
jusqu’à ce que le cœur batte dans le sexe
jusqu’à ce que le sexe devienne le centre de tout
écrin de l’âme si cela veut dire quelque chose à quelqu’un
La dame qui m’exfolie les fesses avec un gant de crin
m’explique lasse qu’elle ne rêve qu’à raccrocher ce dernier
me parle de cette femme violée par son mari policier
et son meilleur copain
me dit son bonheur de ne pas être à sa place
me dit son bonheur d’être dite vieille fille.
Ses yeux brillent avec lenteur et sa chair.