Les premières lignes :
Un jour, des parents éloignés sont partis pour vivre en Australie. Endimanchés comme eux pour l’occasion, Père, Mère, Paul, Marlise et Tilda sont allés leur dire au revoir dans le port du Cap. Les adultes n’arrêtaient pas de pleurer, tandis que les enfants échangeaient regards et serpentins. D’un haut-parleur tombait la voix d’Elvis Presley : « Muß ich denn, muß ich denn, zum Städtele hinaus, Städtele hinaus, und du mein Schatz bleibst hier ? Wenn ich komm, wenn ich komm, wenn ich wieder-wiederkomm… » L’ancre levée, le navire s’éloigna du quai. L’un après l’autre, les serpentins se brisèrent. « lls ont franchi le point de non-retour, » fit remarquer Mère. « Ils peuvent toujours descendre à Robben Island, » répliqua Paul en montrant du doigt l’île pénitentiaire, au beau milieu de la baie de la Table. Père ajusta ses lunettes et regarda Paul d’un œil torve. Il se racla la gorge pour faire comprendre aux femmes qu’il était temps de rentrer. Ainsi commença l’apprentissage de la séparation.
C'est mon dernier voyage à Etanga. Je sais que la route sera longue comme à l'accoutumée. Je l'ai parcourue tant de fois ! Je vais rouler seule durant des heures. Plein nord. Direction le Kaokoland, aux confins de la Namibie et de l'Angola, là où personne ne va. La terre de quelques milliers d'Ovahimbas et leurs célèbres femmes peintes en rouge, exhibées sur les cartes postales et les prospectus des agences de voyage. C'est là que vivent ceux qui sont devenus les miens. J'ai huit cents kilomètres à avaler, de tronçons en étapes, parsemés de dangers et d'émerveillements. Une aventure. Un défi. Ma vie.