Persuadé de la vérité d’une prédiction qui lui promettait la tiare, Amédée de Savoie s’était retiré à Ripaille, près de Thonon, y avait fait construire un palais magnifique, qu’il appelait simplement un ermitage, et l’habitait en compagnie de ses enfants et d’un grand nombre de courtisans avec lesquels il passait gaiement son temps et ses loisirs, entre la chasse, la bonne chère et l’exercice du cheval, ce qui donna lieu à l’expression « faire ripaille ».
Certes, Agnès avait décidé Charles VII à la patriotique croisade contre les Anglais ; elle l’avait engagé à secouer le joug des compagnies pour faire prédominer un gouvernement régulier qui donnât la force et l’impulsion à la pauvre monarchie du roitelet de Bourges.
Agnès Sorel domine l’histoire du règne de Charles VII ; Jeanne d’Arc n’en fut qu’un épisode.
« Votre sort est beau, dit alors le devin, d’un air solennel ; Mademoiselle, un grand roi vous aime, et d’un grand roi serez maîtresse » …
- Eh bien, s’il en est ainsi, répartit la demoiselle de Fomenteau, faites-moi place, Sire, que je me rende auprès du roi d’Angleterre.
- Agnès, que voulez-vous dire ?
- Oui, puisque je dois être la maîtresse d’un grand roi, ce ne peut être vous que la prédiction regarde, qui allez perdre votre couronne et ne serez qu’un bien petit roi, tandis que le roi d’Angleterre qui, sous peu, sera maître de votre royaume, et le joindra au sien, sera un bien plus grand et plus puissant monarque que vous.
Il y a sur le règne de Charles VII, deux grandes taches, qui se voient en dépit de l’éloignement des siècles, et que le souffle éternel du temps ne saurait effacer : l’abandon de Jeanne d’Arc et celui de Jacques Cœur.
Le premier de ces crimes fut commis avant l’arrivée d’Agnès Sorel ; l’autre le fut après sa mort.
J’ajouterai que les premiers signes de remords, à l’égard de l’héroïne infortunée, furent manifestés par Charles VII durant la période de l’influence d’Agnès.