Attente
L’œil glisse discret
su la pulpe fragile des semaines
pendant que l’hiver assoupi sous la neige retient
les larves d’amertumes
les amours sans pétales
et jusqu’aux écailles de l’esprit
guet muet du porteur de mots
plumet en veilleuse
Pas un mot de trop quand il faut manier le burin, le maillet ou la gradine. Les muscles répugnent aux métaphores. C'est déjà épuisant de graver son nom. Une entaille devrait suffire. (André Velter, Stèles des chemins creux avec Victor Segalen, p. 251)
Paysage
La voix des tiges flotte sur l’eau du lac d’argent
brossé par ce vent obstiné
qui trotte depuis la pointe du jour
Cette voix soutient sans peine les trilles d’oiseaux
les porte en ces jeux de répétition enfantins
dont il ne se lasse jamais
Le monde tourne, il le sait, mais il est si lointain
Comme en un pays qui lui sera toujours étranger
il relève sa tête hantée de prières
tandis que les arbres ouvrent le ciel jusqu’au vertige
Ils en animent le bleu et son mystère sans nom
Le poème fixera-t-il l’agitation subite qui l’envahit
l’odeur blessante des lilas
le désir subtil à l’égal du mauve caché des fleurs?
Chatoiement discret
La mer exhibe ses lumières impénétrables
fagots crépitants, galets de feu
l’homme y entasse des liasses de promesses
envoûtantes
et telle l’écharpe du marcheur
constellée des voix qui l’habitent
voyance, témoin de ses mains
son oreiller
le temps court, si léger
tandis que la nictation de ses paupières
voile des images inimaginables, inouïes…
pays turquoise où le matin se couche
terre d’eau dévoreuse d’âmes
Votre tâche n'est pas de chercher l'amour, mais simplement de chercher et de trouver en vous tous les obstacles que vous avez construits contre lui. (Rûmi)
Apprendre donc
malgré tout, en dépit de tout
à recueillir les miettes
des petits riens
pluie de feuilles
clarté dans l’extase du jour finissant
Eh bien !
Il en faut du courage, au Dit du Poème
Pour s'emparer encore d'un morceau de monde.
(Matthieu Baumier, p. 154)