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Critiques de Robert Roman (2)
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Entre les gonds



Depuis 1994, année de fondation des éditions Le Contentieux, Robert Roman a beaucoup édité, principalement des poètes de toute tendance et de tout horizon. Il s’est particulièrement employé à sauvegarder l’œuvre écrite et graphique de Pascal Ulrich (1964-2009), pour laquelle il a même créé l’association Bakou 98. Cet intérêt généreux qu’il porte au travail des autres a sans doute obéré son propre travail d’écriture sur la durée. Car Robert Roman est lui aussi poète. C’est ainsi qu’il s’est rêvé dès l’adolescence, même si sa vocation ne lui a pas fait perdre le sens des réalités – ou des priorités – sociales et familiales.

C’est cette autre face, plus nocturne, qu’il nous offre ici, avec ce recueil de proses poétiques, Entre les gonds. Proses électriques de son propre aveu – c’était leur titre initial -, dans la mouvance surréaliste : on pourrait assez facilement y déceler l’influence de Lautréamont et d’Henri Michaux, mais aussi de Gaston Chaissac, peintre brutiste et poète fertile à qui il rend hommage dans les pages qui suivent. Avec lui il partage le goût pour les mots insolites, ces néologismes qui irritent les puristes mais que justifie et entraîne, tels des alluvions, le torrent boueux de la langue, du moins lorsqu’il sort de son lit habituel.

Loin d’être soumise aux seuls jeux du hasard, son écriture est sous-tendue par une réflexion esthétique sur le monde. Elle culmine sans doute dans le long et halluciné Bourbier amer. Pourtant, son pessimisme sardonique cède le pas, dans les derniers textes (La fuite, La faille, Un jour dans la vie) à ce qu’il faut bien appeler une angoisse métaphysique et la recherche d’une digne sortie par le haut. Certes, il y a du jeu dans le réel, mais comment, pour l’esprit, passer entre les gonds de la prison (du corps) ? C’est la grande question à laquelle il nous faut tenter de répondre. Et Robert Roman, à force d’exercices poétiques, pourrait bien y parvenir. JL

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Entre les gonds

Fondées en 2006, organe éditorial de l’association Marseille-Art-Monde, les éditions du Port d’Attache se caractérisent par leur sobriété et leur choix financier. Pour six euros, on peut ainsi acquérir des récits, des nouvelles, des poèmes ou de brèves réflexions. Également journaliste, vieil habitué de "Diérèse", Jacques Lucchesi ne suit pas de ligne précise, mais semble privilégier l’intégrité, un certain désir de vérité.

Ainsi de ce nouveau petit volume, tout bleu, signé Robert Roman, lui aussi familier de la revue : loin de la poésie spiritualiste ou intimiste quelque peu ronronnante, l’auteur propose une série de proses rapides, souvent radicales, inspirées par des rêves plus ou moins troublés. Ainsi, dans le premier texte, « Comme un besoin de se recentrer », le poète évoque la disparition de son propre corps : "Si j’ai tant tardé à t’écrire, c’est parce que j’avais perdu mon stylo mais aussi mon pouce et mon index qui étaient collés dessus. J’ai voulu les chercher mais je me suis aperçu que je n'avais plus d’yeux" (p. 6). Ce fantasme de disparition hante R. Roman, qui semble souhaiter "se dissiper parmi les nues" (p. 39), ou encore "dans le silence enfin acquis (…) déguerpir pour de bon et [se] soustraire" (p. 37). Habitée par l’angoisse, la plaquette entière exprime une crainte face à un monde extérieur menaçant, urbain, Une véritable apocalypse est ainsi évoquée, en filigrane, dans « Bourbier amer », où tout perd sens, où les oiseaux se mettent à écrire de la poésie, où les Indiens massacrent les vaches sacrées.

Pareil onirisme évoque naturellement Lautréamont, ou Breton, ou tout simplement l’art brut, l’art des fous. Passionné de création franche, biographe du regretté Pascal Ulrich (1964-2009), Robert Roman rend hommage à Gaston Chaissac. Le poète/plasticien vendéen est ainsi directement évoqué dans « Suite et fin (en fossé majeur) », poème qui lui est d’ailleurs dédié. Nous devrions dès lors parler d’un surréalisme de la peur, d’un surréalisme d’urgence, le songe n’ayant rien de joyeux ni d’apaisé : "Que ce soit un rêve ou la réalité, la psychose est la même" (p. 23-24). Lui-même micro-éditeur à Toulouse , attaché à l’indépendance, Robert Roman signe là un recueil original, écrit dans un style merveilleusement lisible, loin de tout hermétisme.



Article paru dans "Diérèse" 83, hiver 2021-2022.

Etienne Ruhaud
Lien : https://pagepaysage.wordpres..
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