Avant de se brouiller avec lui, Rolland avait été des amis de Péguy. L’origine de la fâcherie ayant emporté l’amitié des deux hommes était éditoriale : elle concernait la publication d’un roman-fleuve, Jean-Christophe, que Rolland avait confié à Ollendorff, après une première édition étalée entre 1904 et 1912 dans les Cahiers de la quinzaine de Charles Péguy. Le roman avait contribué à propulser Romain Rolland sur la scène littéraire sans pour autant faire de lui un écrivain de premier plan. Se tenant à l’écart de l’agitation parisienne – c’est le thème de l’un des volumes de Jean-Christophe intitulé La Foire sur la place –, Rolland était, par certains côtés, l’anti-Zola par excellence, s’étant d’ailleurs tenu à peu près coi durant l’affaire Dreyfus, effaré par le tumulte et peu prêt à suivre un camp plus qu’un autre par indépendance d’esprit. Les circonstances firent pourtant de cet individualiste spiritualiste l’un des types répertoriés de l’intellectuel engagé : l’écrivain dissident.
Préface