Nous imaginons mettre en scène une vraie jambe humaine inoculée de larves de madrivore ; elle se dissoudrait en direct pour finir en un résidu noir qui, passé au microscope, grouillerait de bouches et de petites pattes.
Ce ne serait pas très malin de prendre au sérieux les paroles d'un primate pour prouver l'existence d'un au-delà.
il faudra nettoyer les consciences dès à présent. Il suggère la confession et la messe pour les croyants, et des exercices d'aérobic pour les autres.
Exister, c’est pouvoir mastiquer ; tandis que j’attends mon tour pour exister, on m’envoie étudier le piano, mais je suis bien médiocre. Peut-être que j’utilise la mauvaise moitié de moi.
[Les femmes] s'enferment pour se servir du bidet et penser à des choses humides adaptées aux courbures de leur crâne.
Il existe, semble-t-il, une relation directe entre la tristesse et la décalcification, que la plupart des enfants ignore et qui, petit à petit, les laisse la bouche vide s’ils se laissent gagner par l’obscurité.
Le jour de l'entretien, le professionnel se présentera le front dégagé, sans excès de gomina. Il fera entrer le patient et lui proposera du thé ou du café. Le caractère inattendu d'une telle proposition, si éloignée des conventions habituelles d'une consultation médicale, le préparera à recevoir la terrible nouvelle : le sérum de Beard n'a pas fonctionné et le décès est imminent. Une fois la nouvelle mise sur le tapis, vous observerez un silence respectueux durant lequel le patient fera ce qu'il veut avec sa douleur. Le silence ne devra pas dépasser les deux minutes, moment où le médecin se lèvera de sa chaise, franchira la barrière du bureau pour venir taper sur l'épaule du patient avec une ou deux mains. Si le patient se montre réticent au contact physique, le médecin lui fera comprendre que ce geste de compassion n'est pas en option. (p.62/63)
Une fois que vous aurez obtenu l’approbation du patient, que nous appellerons désormais donneur, vous exigerez de lui la plus grande des discrétions. Vous lui ferez signer un contrat de confidentialité, dans lequel seront détaillés, d’une part, le procédé concernant la remise du corps en cercueil fermé aux familles et, d’autre part, les lois qui encadrent l’expérience. La rédaction de ces lois est à charge du gérant de la clinique sous la supervision de Monsieur le Directeur.
Si le donneur a des enfants que personne ne peut prendre en charge, on évitera généreusement que les futurs patriotes en question soient placés sous la tutelle de personnes imprudentes. La clinique se chargera de les confier à l’institution d’État correspondante.
En aucun cas ne sera détaillé au donneur le processus exact de décapitation, ni le fait que le don a lieu de son vivant.
Ceux qui ne pratiquent pas ce métier ignorent que la tête séparée du tronc demeure consciente et possède le plein usage de ses facultés pendant encore neuf secondes. En brandissant la tête de sa victime, le bourreau lui offre une vision du monde, finale et évanescente.
Il faut retirer l’expression « noyau de son futur talent » et les huit pages sur le scandale avec Damien Hirst. C’est embêtant pour moi et pour ta thèse.
Le Big Mac de Pékin n’a pas le même goût que celui de Toronto ou de Lisbonne, mais les voyageurs croient en l’existence d’une saveur universelle qui les ramène chez eux en deux bouchées : McDonald’s se mange par le nom. C’est exactement ce que je veux pour moi. À vingt-deux ans, reconnu par l’État comme artiste universitaire, je comprends que les portes dont me parlait papa ne s’ouvriront pas grâce aux petites galeries, au bouche à oreille, aux concours ou aux bourses, mais bien grâce à mon prénom. J’ai pour projet de le tatouer sur le front d’un public populaire, ignoré du petit monde de l’art, et de faire en sorte que ces marginaux rayonnent vers l’intérieur et encerclent les consommateurs réels jusqu’à les atteindre. Tous débattent de l’éthique des images. Ces dames le font quand elles tombent sur la dernière paire de fesses exposées dans leur revue favorite en la taxant de graveleuse ; idem pour les gens qui brandissent la photo d’un taré pour défendre la légitimité d’une maison d’arrêt ; ou les gamins qui ouvrent un livre d’anatomie pour y observer des malformations. J’ai besoin d’une première œuvre qui stimule la vulgarité et la honte d’autrui. Une performance nazie ou antinazie où un vrai Juif prend une raclée. La mutilation génitale d’une Africaine projetée en boucle sur les murs d’un hôpital public.
Cette voix longtemps mise en sourdine, plus claire que la mienne, me rappelle qu’il est temps de donner vie au monstre.