L'un est un homme de gauche, habitué à signer des équipements publics, notamment en Île-de-France, n'hésitant pas à parler de l'architecture comme d'un fait politique et social. L'autre est connu pour sa verve, son amour du béton, sa quête quasi-artistique, et c'est surtout dans le sud de la France qu'il exerce. Tous deux sont des grands noms de l'architecture, plusieurs fois primés.
Paul Chemetov et Rudy Ricciotti ont engagé un dialogue il y a plusieurs mois de cela, sur le rôle et l'histoire de l'architecture, la place de l'architecte dans la société, le beau, le brut, discutant du matériau, du Corbusier, ou encore du chantier de Notre-Dame.
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 19 Mai 2021)
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L'architecte doit choisir entre être mégalo ou psychopathe moi j'ai choisi d'être psychopathe
«J’ai toujours refusé d’avoir la circonférence de la bouche au format exact de la bite du pouvoir. Je ne suis pas fellationniste par instinct mais onaniste par contrition mystique. »
Quand on voit les choses sortir, là, c’est très jouissif ! Assez curieusement, le temps du chantier passe très vite. Cela me fait penser aux vacances d’été, lorsque nous étions enfants. On les croyait longues. Elles passaient si vite… Le temps du chantier est irréversible. C’est un temps cannibale qui nous dévore. Une fois commencé, le processus n’est plus critiquable ou amendable. Lorsque le pilote lâche les freins, met les gaz et arrive en bout de piste, l’avion atteint une situation de non-retour. Il est obligé de décoller. Le temps du chantier est donc psychopathe. C’est un passage à l’acte. Croyez-vous que le cadre juridique, contractuel, financier, économique, les grues, la centaine d’ouvriers, les ingénieurs permettent à un architecte de dire : « J’ai des doutes, on va tout arrêter ! » Non ! On n’arrête rien ! A ce moment-là, l’architecte n’existe plus et devient comique.
Pour les urbanistes et les développeurs, la parole d'un HEC a plus de valeur que celle d'un charpentier ou d'un maçon, c'est cela le nouveau réel. Là aussi, il y perte de mémoire du travail. Ce ne sont pas les emballages en cellophane qui vont nous apprendre à reconnaître la qualité d'une viande, le savoir-faire de sélection et de découpe d'un boucher.
En 1930, il y avait cent mots pour décrire une façade. A l'aube du XXIe siècle, il en reste une dizaine. Si l'on a perdu les mots, on a perdu les signes associés. Et avec ces signes, les savoir-faire, ce qui fait de nous des analphabètes de l'art de construire.
Sur quelle cible pensez-vous que le travail des architectes doit tirer en priorité?
Sur le cynisme! Il tue l'engagement, le goût de la lutte, socle de notre survie. C'est un corbillard pour la pensée. Il y a aussi les écoles d'architecture à mettre en joue,où radote la mémoire moderne alors que disparaissent dans l'indifférence des pans entiers de l'expertise des métiers de la construction, celle des entrepreneurs, des chefs de chantier, des maçons, des ingénieurs opérationnels, tout un accordéon de savoirs de proximité qui ne sera pas transmis, par négligence, aveuglement, bien qu'indispensable aux futures réalisations des jeunes architectes. Ce sont des postures universitaires qui produisent des innocents instrumentalisés et, dans l'instant, une situation alarmante pour l'avenir de notre métier. Elles contribuent à accélérer la faillite de l'enseignement, installée depuis longtemps et durablement. Une débâcle généralisée en France et dans toute l'Europe. La cause en est l'accumulation historique des doctrines sans preuve de bénéfice collectif et l'absence d'apprentissage de l'architecture comme métier. Un drame équivalent au passage de la fresque au tableau. Soit l'éloignement au contexte.
La finalité d'un musée est toujours politique.
Un musée n'est pas un lieu de culte, que je sache il n'y a pas de contraintes vestimentaires, on peut y faire diverses expériences, y rencontrer la beauté, l'effroi, l'excellence, la laideur, la futilité, la fragilité, la lourdeur, des odeurs dont celle du temps, des chinois, un gascon, un gars con, une féconde, un furtif, un monument, l'excessif, la fulgurante, l'inattendu, le mépris, le dépit, l'assoupi, le soupirant, le gisant, le dragon, un bras trio long, un cul-de-jatte, une roue de bicyclette, une chèvre, l'énigmatique, un crucifié, un damné, un damier, un cri, un corps, sa femme, son nouveau fiancé et pourquoi pas soi-même.
La voix de la France au green Building Council serait donc représentée par Auchan et Leroy Merlin. Ca a de la gueule, à rendre jaloux l'agent le plus gradé de la DGSE spécialiste de l'infiltration manipulation.
Détruire ce n'est rien finalement. Mal construire c'est tout. Impardonnable travers d'une époque toute entière dévolue au "néo".