A mes yeux ,le cinéma est une chose sacrée et le rituel,l'office qui est célébré au moment du tournage,commande tout le reste,bien que je place bien au dessus du tournage l'inspiration, l'écriture et le montage. Il ne fait pas de doute que ce qui n'est pas le tournage,c'est la sacristie et que le tournage c'est l'autel. Au moment du tournage a lieu la célébration entre le metteur en scène et la star: une sorte d'office quasi religieux ,comparable à un mariage. Bien qu'il arrive entre mes stars et moi qu'on ne soit pas en bon termes quand on tourne,le sacrement de nos rapports existe quand même, parce qu'on peut se marier et se détester et rester complices et ne pas cesser de se comprendre.
Anne (Isabelle Corey dans "Bob le flambeur") représente cette espèce de filles que j'ai connue toute ma vie ,toute jeunes avec des talons très hauts ,ne faisant aucune différence entre le bien et le mal,brûlant leurs ailes très vite en croyant vivre la vraie vie. Des filles ravissantes,très vites happés,hachées par la ville des hommes,car bien entendu la ville appartient aux hommes.
C'est le côté inégal de cette lutte terrible qui opposera toujours le créateur, qui se vide de toute sa substance,à l'homme qui disposant de deux ou trois colonnes dans un journal,décide de faire son procès sans l'entendre autrement qu'en voyant son film. Disons que le film,c'est le corpus delicti
Ce que je pense de la foi,de l'inexistence de Dieu,du socialisme, c'est mon univers à moi, un univers que j'essaye de ne pas transcrire dans mes films parce que je trouve que ce n'est pas mon métier de délivrer des messages politiques,métaphysiques.
Je crois que la trahison beaucoup plus que l'amour est l'un des moteurs fondamentaux qui fait agir les hommes. Dans "Carmen",on dit que c'est l'amour qui fait vivre. Ce n'est pas vrai, c'est la trahison !
J'aime montrer dans mes films les choses que je ne connais pas. Or contrairement à certains de mes confrères qui sont complètement obsédés par l'érotisme, moi je connais bien la question !
La création artistique et surtout cinématographique pour compenser ce qu'elle représente de désordre et de démence,requiert une vie exemplaire.
Je m'évade toujours à travers les personnages de mes films. Faire un film,c'est être tout les comédiens à la fois c'est vivre d'autres vies
En 1970,la forme ideale de création littéraire, c'est le cinéma. Les jeunes possèdent une culture cinématographique et non plus littéraire.
N'oubliez pas que je suis resté avant tout un spectateur et que être spectateur, c'est le plus beau métier du monde !