CE livre d entretiens avec rui nogueira , paru pour la premiere fois en 1973 , quelques mois apres la mort, prematuree du cineaste , ressemble bien à celui qui se cachait derriere des lunettes noires et un stetson: il se voulait impenetrable mais il a pris la pose pour qu on l interroge
un rien seigneurial, reticent à parler de ses films et faussement modeste sur leur posterité ( le samourai, l armee des ombres, etc) . Il livre à chaque page une passion devorante pour le cinema, qui l a poussée à voir des films et à en parler, puis naturellement " evidemment " à en faire quelques uns qui , pour le contredire , valent bien la peine qu'il nous en parle !
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Séries d'entretiens chronologiques avec le réalisateur qui se confie sur chacun de ses films, ce livre montre un homme amoureux de son art, faussement modeste par moment, faussement hautain en d'autres occasions avec son interlocuteurs. La relation avec les acteurs, les techniciens, les producteurs, Melville évoque tout. Plus que le cinéma, c'est un voyage à tous niveaux que nous offre ce livre : son adolescence dans le Paris d'avant guerre est évoqué, Pigalle, le "milieu", Melville a bourlingué dans une époque disparue et la raconte.
Son engagement au cours du deuxième conflit mondial est évoqué notamment lors d'un dialogue sur "Le chagrin et la pitié". Melville se livre sans filtre là dessus évoquant notamment son revirement politique à la suite du pacte Germano Soviétique.
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Jean-Pierre Melville a, en quelques longs métrages épurés, redéfini les codes du film noir. Au point d'inspirer les cinéastes de la nouvelle vague et ceux du nouvel Hollywood. Paradoxal, l'auteur du Deuxième souffle, de L'armée des ombres et du Cercle rouge demeure presque aussi mystérieux que son oeuvre. Un livre d'entretiens, soigné et précis comme une mécanique d'horlogerie. A partir de ce livre, on comprend beaucoup mieux la méthode Melville, précise comme une lame de rasoir.
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A mes yeux ,le cinéma est une chose sacrée et le rituel,l'office qui est célébré au moment du tournage,commande tout le reste,bien que je place bien au dessus du tournage l'inspiration, l'écriture et le montage. Il ne fait pas de doute que ce qui n'est pas le tournage,c'est la sacristie et que le tournage c'est l'autel. Au moment du tournage a lieu la célébration entre le metteur en scène et la star: une sorte d'office quasi religieux ,comparable à un mariage. Bien qu'il arrive entre mes stars et moi qu'on ne soit pas en bon termes quand on tourne,le sacrement de nos rapports existe quand même, parce qu'on peut se marier et se détester et rester complices et ne pas cesser de se comprendre.
Anne (Isabelle Corey dans "Bob le flambeur") représente cette espèce de filles que j'ai connue toute ma vie ,toute jeunes avec des talons très hauts ,ne faisant aucune différence entre le bien et le mal,brûlant leurs ailes très vite en croyant vivre la vraie vie. Des filles ravissantes,très vites happés,hachées par la ville des hommes,car bien entendu la ville appartient aux hommes.
C'est le côté inégal de cette lutte terrible qui opposera toujours le créateur, qui se vide de toute sa substance,à l'homme qui disposant de deux ou trois colonnes dans un journal,décide de faire son procès sans l'entendre autrement qu'en voyant son film. Disons que le film,c'est le corpus delicti
Ce que je pense de la foi,de l'inexistence de Dieu,du socialisme, c'est mon univers à moi, un univers que j'essaye de ne pas transcrire dans mes films parce que je trouve que ce n'est pas mon métier de délivrer des messages politiques,métaphysiques.
Je crois que la trahison beaucoup plus que l'amour est l'un des moteurs fondamentaux qui fait agir les hommes. Dans "Carmen",on dit que c'est l'amour qui fait vivre. Ce n'est pas vrai, c'est la trahison !