SJ Kincaid

« Ils déploraient sans doute leur situation, la religion qu’on leur imposait et la nécessité de servir pour survivre. »

« - Je sais qu’on t’a forcée à m’aimer, déclara-t-elle enserrant ses mains l’une dans l’autre. Mais… ce n’est pas parce qu’on t’a imposé ses sentiments qu’ils sont moins précieux, ou que tu es moins humaine. Tu es ma meilleure amie, et je t’aime Némésis. Mes sentiments ne sont pas dénués de valeur parce que je les éprouve pour toi. Le fait que je t’aime quelque soit ta nature a peut-être de la valeur parce que personne ne m’y a contrainte, et que ça c’est produit spontanément. C’est moi qui ai choisi de tenir à toi, et ça, tu ne peux pas me l’enlever.
- Tu te remettras de m’avoir perdue.
- Non, c’est faux, rétorqua-t-elle en secouant la tête, les yeux écarquillés et hagards. Tu ne sauras peut-être jamais combien tu comptes pour moi, alors écoute moi bien : si tu meurs là-bas, je te suivrais dans la mort. »

« Ma place dans l’univers n’avait de sens qu’à travers elle. »

« Un silence s’installa. Je perçus qu’un étrange changement s’était produit entre nous, peut-être irrévocable. Nos illusions avaient été chassées, nos vérités mises à nu, mais j’avais l’impression que nous nous voyions enfin sans fard, que d’une certaine manière nous étions égales pour la première fois. Ma force avait toujours surpassé la sienne, et son importance était de loin supérieur à la mienne, et pourtant nous étions enfin à égalité. Ma vie avait désormais la même valeur que la sienne, parce que sa vie dépendait de la mienne. »

« - Tu ne comprends donc pas Sidonia ? Je ne suis pas ton amie. Les amis sont égaux. Ce n’est pas notre cas. Je ne suis pas un des tigres d’à côté, je ne suis pas génétiquement programmée pour être câline et aimer qu’on me caresse le ventre. Je ne suis pas là pour être un petit compagnon. Je suis un assassin, je dois être prête à tuer ou à mourir pour toi en cas de besoin. Je suis ton outil, ton arme… ta propriété. »

« Je fis un pas vers Donia, qui recula en se traînant sur les pieds et les mains, puis me fixa d’un air de terreur absolue. C’était parfait ainsi. Je n’avais pas besoin de son adoration, son affection. Il fallait qu’elle me considère de la même façon que sa mère, que le prêtre, qu’elle accepte ma véritable nature. »

« J’éprouvais un étrange sentiment de vide ; je la voyais peut-être pour la dernière fois. »

« Je connaissais à présent la sensation de faiblesse, et s’il fallait choisir entre dissimuler ma force ou acquérir une fragilité réelle, je préférerais de loin cacher la vérité. »

« Un Diabolic devait faire preuve de désintéressement absolu.
Pourtant, il semblait que j’étais capable d’agir par intérêt personnel. Comment était-ce possible, alors que je n’étais pas humaine ? L’humiliation et l’orgueil que je ressentais n’étaient pas normaux pour une créature telle que moi. Ces émotions n’auraient pas dû exister. »

« - Avez-vous déjà observé un tigre ? Je vous parle des vrais spécimens, de ce que l’on trouve au Chrysanthème. Pas des espèces de gros matous que nous avons ici. Ils sont tout en muscles et possèdent une mâchoire assez puissante pour broyer l’homme le plus robuste, et pourtant lorsqu’ils traquent leur proie, lorsqu’ils chassent… leur force immense leur confère plus de grâce que n’en ont les plus délicates des créatures. Ça, c’est Némésis. »

« Pour la première fois, je compris que Sidonia Empyrée – jeune femme docile, craintive, timide et douce – pouvait être indomptable. »

« Me forcer à entrer dans un moule où je ne pourrais jamais me glisser, c’est odieux. »

« J’éprouvais un vif dégoût en songeant qu’un monstre tel que moi pouvait se faire passer pour un être aussi formidable qu’elle. Cette simple idée constituait un sacrilège. »

« Avant que Sidonia en face partie, ma vie n’avait ni structure, ni forme, ni but, ni dignité. Jusqu’à ce qu’on me lie à elle et que j’apprenne à aimer, je n’avais jamais connu la compassion, mon existence n’avait pas eu le moindre sens. J’avais désormais un avenir, et c’était celui de Sidonia. Tout ce qu’il y avait de bien et d’appréciable chez moi, c’était à elle que je le devais. »

« Tel avait été mon quotidien. Un monde où régnaient la mort et la peur. Je vivais dans une terreur permanente. Je redoutais la seconde, la minute, l’heure qui allait suivre. Rien au-delà, parce qu’à l’époque mon horizon ne s’étendait pas plus loin. »

« Je contemplais cet être fragile pour qui j’allais devoir me faire passer, et tentais de m’imaginer entrain de l’imiter.
C’était de la folie pure. Comme si un tigre voulait qu’on le prenne pour un chaton. Même pas un tigre, une bête plus monstrueuse et plus sauvage. »

« -L’empereur veut que j’expédie mon agneau innocent à l’abattoir. Il n’en ai pas question. Je vais plutôt lui envoyer mon anaconda. »

« - Une préceptrice d’étiquette ne me donnera pas d’humanité. Un seul coup d’œil suffit à constater que je ne suis pas une vraie personne. »

« L’ignorance de Donia était sa seule protection. Rien ne la mettait autant à l’abri que sont ignorance, même pas moi. »

« Comme si nous étions deux vrais personnes, deux amies qui discutaient en égales. »