Si tu étais dans le lit avec moi, j’irais cueillir ton souffle avec ma bouche jusqu’à t’assassiner.
J'ai un ami - il te ressemble un peu. Il est si grand que je le soupçonne de vouloir ainsi rester hors d'atteinte des regards dans lesquels il risquerait de se perdre ou de se trouver. Hors d'atteinte des visages sur lesquels il lirait la douleur ou l'amour, la terrifiante beauté du doute. Il est si grand qu'on a du mal à lui tirer une oreille pour le ramener près de soi, comme un enfant qui s'écarte.
Je souhaite qu'un jour une âme charitable ait cette folle envie de grimper sur une échelle pour lui souffler doucement dans les cheveux et ainsi le faire chavirer.
Mais il a une telle curiosité, un tel sentiment d'urgence... Peut-être est-il aussi grand pour ne rien manquer du spectacle.
M*** avait épluché et coupé les oignons pour que sa douce ne se crève pas les yeux en larmes. En le regardant faire, je me suis dit que c'était aussi ça, l'amour : pleurer à ta place quand c'est possible.
Je me suis assise sur un banc. Des gens passaient. J'ai souri à un petit garçon. Il s'est retourné vers sa mère.
« C'est qui, elle, maman?
- C'est personne, viens-t'en. »
Voilà.
Tu dois te demander ce que je fais ici. C'est difficile à expliquer. Disons que je ne fais ce voyage ni pour prendre des vacances ni pour trouver du travail. Et, au fond, est-ce vraiment important d'avoir des raisons bien précises pour voir de quoi a l'air notre petite planète? Je ne sais pas si tu comprends ce qui me pousse à faire tout ce chemin, mais j'espère que ça ne t'empêche pas de m'aimer.
Par ordre chronologique, il y eut le silence, le chagrin, l’inquiétude, l’impuissance, la colère, le vide, la fatigue, la douleur, la fragilité, la solitude, l’isolement, les tremblements, les étourdissements, le souffle court, l’anxiété, les obsessions, le flou, la perte de contrôle, les voix, les cauchemars, la peur, l’insomnie, la faiblesse, l’inertie. Chaque lésion s’empilant sur l’autre jusqu’à former ce mur épais de folie et de souffrance qu’il me faudrait démolir.
Bloc de pierre par bloc de pierre.
Un soir d'automne, bordé par l'écho du fleuve tout près , tu m'apprends à faire des ballounes avec ma gomme. Tu sors de la poche de tes jeans quatre Bazooka et les retires de leur emballage bleu, blanc, rose.Tu en mets deux dans ta bouche et me donnes les deux autres . D'abord attendrir la gomme en la mâchant quelques minutes, puis l'étirer avec ma mangue et en faire une petite galette. En habiller ensuite le bout de ma langue de ma bouche, étirer uniformément la gomme. Gonfler mes joues et , calmement, souffler.
À l’instant où je t’en veux et te déteste, je suis une langue sale qui prononce un nom propre.
Tes saules ont grandi : ils me dépassent. Comme tout le reste.
Notre histoire est un chapelet que je récite en avalant une à une les perles de verre. Un Mon amour qui s’égrène dans ma gorge jusqu’à m’asphyxier.