Entre monde réel et monde imaginaire: une plongée dans la maladie mentale.
Sandy Allen produit ici son premier livre après une bibliographie de chroniques, de reportages et d'essais. Creusant l'histoire de sa famille, elle s'intéresse à la mémoire d'un de ses oncles diagnostiqué schizophrène dès l'adolescence dans les années 60.
Celui-ci lui adressant un manuscrit sur sa vie, elle mène longuement l'enquête en devoir de mémoire et désir de compréhension de la maladie.
Alternant les chapitres réécrits du manuscrit original de Bob et ses propres recherches scientifiques et familiales, ce travail d'écriture produit un ouvrage hybride entre roman et récit et se lit avec une certaine sidération.
C'est une excellente approche de l'intérieur de la maladie, et de ce que Bob vit et subit dans ses enfermements psychiatriques, ses hallucinations et sa solitude. La maladie désocialise en partie, empêche l'autonomie, alterne les fonctions cognitives et le rapport aux autres.
S'ajoute au parcours personnel une vision effrayante des tâtonnements et abus des soignants envers des personnes vulnérables et de l'extrême diversité de la qualité des thérapeutes et des établissements de soins.
En creux (et sans doute le plus poignant) se dévoile le contexte familial largement dépassé par la maladie, par méconnaissance et fardeau ingérable. Bob est le fou, celui qu'on ne comprend pas, qui dérange et qu'on finit par assister par devoir mais repousser au plus loin au fil des années.
Un livre qui ouvre les yeux sur la maladie mentale, la rendant plus proche à défaut d'être compréhensible.
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L’oncle de l’autrice a été étiqueté schizophrène paranoïde. Elle s’est toujours sentie proche de lui et arrivée à l’âge adulte, elle reçoit l’autobiographie de cet homme.
Sur la base de ce document, elle fera des recherches sur la prise en charge psychiatrique aux Etats-Unis mais elle posera aussi des questions aux autres membres de sa famille. Des secrets et des non-dits seront alors révélés.
Ce livre fait le triste constat de la mauvaise appréhension des troubles psychiatriques. Il s’agit davantage de protéger la société que de soigner des malades. Les maladies mentales font peur et extraire de la société les personnes qui en sont atteintes est la première étape. La suivante est de les gaver de médicaments.
Beaucoup de tendresse et de culpabilité dans ce récit qui en partant d’une expérience vécue trace un tableau pessimiste du traitement psychiatrique.
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Alors qu'elle est à la fac et suis des cours d'écriture, l’auteure de cette essai reçoit des appels puis un manuscrit de la part de son oncle, Bob, pour qu’elle reprenne son histoire. Peu confiante au départ, elle mène son écrit sans lui en parler.
Elle reprend le texte de son oncle diagnostiqué schizophrène très jeune qui a fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique et le met en parallèle avec ce qu’elle a appris sur la maladie et les témoignages des personnes qui l’ont connu. Le récit couvre la vie de son oncle des années 1960 à 2000.
C’est un récit troublant qui est livré par Bob fan de musique, passionné par sa guitare car on ne sait pas dans quelle mesure les propos sont vrais au vu de sa maladie et de sa consommation de drogues et de médicaments. Ce qui n’enlève rien au récit qui reste cohérent et très intéressant.
La mise en parallèle du récit et de l’enquête notamment sur cette maladie qui m’était inconnue rend le texte très fluide, le met en valeur car nous en apprend sur la maladie, la difficulté du traitement, de son dosage, de ses effets secondaires qui ramollissent la personne et surtout le regard négatif porté sur les malades. Bob est un homme touchant et sympathique qui lie différentes relations amicale ou amoureuse. Sa relation avec son père, très pudique, est très belle. Ce père est comme un rock toujours là en cas de crise.
C’est un récit parfois dur lorsqu’il décrit ses internements, sa vie en hôpital, souvent touchant lorsqu’on en vient aux relations que Bob essaie de nouer mais qui sont souvent éphémères, à part celles avec sa famille.
L’auteure a un talent de conteuse évident. J’ai été confortablement placée dans le contexte, guidée adroitement entre le récit de Bob et la prise de parole de l’auteure. Mon attention a très rapidement été retenue.
Une lecture très intéressante servi par un style fluide et entraînant
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C'est l'histoire vrai d'un garçon qui a grandi à Berkeley Calofornie pendant les années 70, incapable de s'identifier à la réalité et pour ça étiqueté schizophrène paranoïaque psuchotique pendant le reste de sa vie.
Dans ce livre l'auteur conte l'histoire de son oncle. En effet, celui-ci lui a transmis son autobiographie.
Le livre transpose sans retouche les récits et anecdotes de cet oncle et relate en parallelle les témoignages des proches sur cet oncle exentrique
Il y a aussi un énorme travail de recherche sur les débuts des traitements infligés aux schizophrènes et les progrès fais par la suite.
Ce roman est intéressant à lire car nous en apprenons beaucoup sur cette maladie et sur la façon dont sont traités les patients ainsi que leur famille.
Une phrase a particulièrement retenue mon attention: Personne ne devrait supporter ce que la schizophrènie inflige à l'esprit, mais ce que la société inflige à ceux qui en souffrent est encore pire. Si mon fils avait été atteint de cancer, il aurait reçu de la compassion. Parce qu'il souffrait d'une maladie mentale qui lui faisait parfois faire des choses étranges, certaines personnes l'ont traité pire qu'un animal.
Bien écrit, facile à lire, je conseille ce livre.
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Ce livre hors norme mêle les genres, à la fois autobiographie et essai, sa construction est si fluide et équilibrée qu’il s’apparente à un roman. L’autrice nous raconte l’histoire de son oncle Bob, diagnostiqué schizophrène dans les années 70, alors qu’il est adolescent. Cette histoire vraie se base sur l’autobiographie écrite par Bob, récit décousu et brouillon, tapé uniquement en majuscule et ponctué de fautes d’orthographe. Hantée par ce texte, Sandy Allen l’a analysé pendant des années et a mené un long travail d’investigation afin de dénouer le vrai du faux et d’essayer de comprendre le parcours de vie ainsi que le parcours institutionnel de son oncle.
Les chapitres s’alternent entre l’autobiographie de Bob et l’analyse sociologique de Sandy, la dynamique fonctionne étonnement bien, les apports de la nièce apportent de la profondeur et des pistes de réflexion au récit.
Bob nous fait revivre les années 60 et 70 en Californie, de nombreuses anecdotes historiques et sociétales ponctuent son discours et nous font entrevoir une époque révolue où les états unis se perdaient entre guerre du Vietnam, mouvement des droits civiques, Flower power et révolution sexuelle. Grâce à son récit et aux ajouts de Sandy nous avons également un aperçu des conditions de vie dans les unités psychiatriques de l’époque et de la piètre qualité des traitements. Etant psychologue, j’ai une bonne connaissance de ce sujet, mais je pense que le grand public pourra apprendre beaucoup de choses et se délester de nombreux à priori et idées fausses qui entourent encore la santé mentale et les pathologies psychiatriques. L’histoire de Bob est l’histoire d’une injustice et d’un destin brisé, nous ne saurons jamais vraiment si la schizophrénie l’a mené dans cette voie ou si ce sont les drogues et sa prise en charge déplorable qui l’on détruit. Ce récit est également une histoire de famille, les anecdotes et les secrets de famille ponctuent le texte, les différentes versions d’un même événement se confrontent parfois. Pardon, deuil et filiation apportent une autre dimension au récit.
J’ai apprécié le fait que le livre donnait la parole à une personne atteinte de Schizophrénie, lui laissait la liberté de s’exprimer et de nous en dire plus sur sa propre perception du monde, ces récits sont extrêmement rares, en dehors des études de cas clinique. Le respect et la tolérance imprègnent le livre, c’est sans jugement que Sandy s’intéresse au parcours de son oncle, on ne peut qu’être touché par la tendresse que lui évoque l’étrange oncle Bob.
Cet ouvrage adopte une approche innovante et audacieuse, abordable et facile à lire, il donne la parole à ceux qui en sont souvent privé et nous offre une vision inédite de la schizophrénie.
Livre lu dans le cadre du grand prix des lectrices de ELLE 2020.
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Sandy Allen reçoit en 2009 une enveloppe contenant l'autobiographie de son oncle Bob. Elle va alors s'en emparer et essayer de comprendre, d'analyser ce « cas » familial.
Son oncle Bob se qualifie lui-même de dingo. Placé en hôpital psychiatrique à 16 ans par son père, il en sort à 18 ans mais n'en a pas fini pour autant avec l'institution.
Il écrit en lettres majuscules l'histoire de sa vie, ses tentatives pour s'insérer comme bûcheron, soudeur, dans l'armée. Ponctuée de séjours en hôpital psychiatrique sa vie se révèle compliquée. Sa famille l'aidez parfois mais très vite le rejette. Son père l'installe dans une maison isolée loin de chez lui et n'intervient la plupart du temps que financièrement.
A travers l'histoire de Bob, c'est l'histoire de la psychiatrie, des traitements lourds, du personnel déshumanisé.
Sandy Allen fait de son oncle Bob une personne attachante souvent engluée dans ses difficultés mais par ailleurs pas aidé comme il le faudrait tant par sa famille que par les médecins et encore moins par les médicaments.
Un excellent essai qui a le mérite de montrer les limites de la psychiatrie mais aussi l'attitude des proches. Lorsque l'auteure interroge ses proches, les gens qui ont côtoyé Bob, les souvenirs sont flous, voir inexistants. Lorsque les souvenirs dérangent il est plus facile d'occulter ou de ne rendre inexact ce qu'a dit Bob, après tout il était dingo.
Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle 2020
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La psychiatrie me passionne au plus haut point. Les troubles psychiques, bien qu’ils soient mieux compris et appréhendés aujourd’hui, restent tout de même parmi les grands mystères de notre temps. Avec ce premier livre, Sandy Allen nous offre un voyage au cœur de la schizophrénie, dans les États-Unis des années soixante-dix aux années deux-milles. Mais, pas seulement !
Tout commence en 2009, lorsque Sandy Allen reçoit une enveloppe kraft contenant l’autobiographie de son oncle, Bob. Étiqueté schizophrène à l’aube de l’adolescence, Bob fera de nombreux allers-retours à l’hôpital. Parfois malgré lui, parfois à sa demande. La vie sociale de Bob ressemble à celle de beaucoup de schizophrène : quasiment absente. L’incapacité à nouer des liens durables, ce sentiment de ne pas être tout à fait présent, les hallucinations … Bob, il coche toutes les cases du DSM à l’entrée « schizophrénie paranoïde ».
A cette époque, les antipsychotiques étaient ceux de la « première génération » : plus d’effets secondaires. L’impression d’être ensuqué du matin au soir, vision trouble, marche hésitante, gonflement et prise de poids, tachycardie, le cerveau qui ne veut pas démarrer … Bob l’explique si bien. Dans cette autobiographie, il s’est mis à nu. Il a dit. Dit ce qu’il voyait, ce qu’il entendait, ce qu’il croyait.
Bob raconte ses nombreuses hospitalisations : les maltraitances, le manque d’écoute, le sentiment de n’être vu que comme un fou, un dingue, un taré. Et puis, soudain, le bon psychiatre, l’écoute, le sentiment d’être en sécurité. L’hôpital devient un cocon, à l’extérieur, c’est dangereux. L’un des principaux dangers, avec les patients psychotiques, c’est la rupture médicamenteuse. Le patient oublie de les prendre, ou ne veut plus les prendre. Est-ce étonnant, réellement ? Bob le dit si bien : sans les médicaments, il a enfin l’impression que son cerveau lui appartient, que le brouillard dans sa tête se dissipe, qu’il se sent plus alerte. Pourquoi, alors, continuer à les prendre ? Et c’est la rechute, à nouveau. Les hallucinations, la paranoïa qui revient. Un cercle vicieux, sans fin. Alors, Bob retourne se réfugier dans son cocon, à l’hôpital.
Bob nous raconte son emménagement, sa vie dans cette « cabine », qui deviendra un « ranch », perdue à la campagne.
Pour mettre en exergue la vie de son oncle, Sandy Allen a fait un impressionnant travail de recherche sur l’histoire de la psychiatrie, depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui. La prise en charge hospitalière et médicamenteuse, mais également la façon dont la société traitaient ces troubles psychiques.
Sandy Allen a remanié le texte de Bob, un peu. Après l’avoir lu et relu, après avoir interrogé sa famille et ses proches, il nous dresse le portrait intime et pudique de son oncle.
Sandy Allen nous raconte Bob, qui nous raconte sa schizophrénie. C’est beau et c’est puissant. C’est universel. A lire, absolument.
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