Assez grand, mince, sec, souple en dépit de l'âge, Polyte a, malgré sa peau noire et ses gestes frustes, un air supérieur, racé, aristocrate, que le premier venu remarque tout de suite. Les pommettes, la mâchoire massive sont taillées à coups de serpe dans un bloc de bois-cannelle noir ; le front ne fait qu'un avec le crâne chauve, rond et allongé comme une écope en coco-de-mer ; les yeux petits, dont le blanc a la couleur de la chair d'huître, posent sur les choses, sur la mer, sur vous, un regard indifférent et calme qui, pour un rien, durcirait, vous défierait : le nez, plutôt fin, n'a rien de cafre : au-dessous cotonne une moustache brève et clairplantée qui ne cache pas l'ivoire des dents, larges, régulières, embrevées les unes aux autres, comme des dents de tazar ; la lèvre inférieure s'allonge en une moue perpétuelle, mais ici encore se reconnaît l'apport de sang blanc qui a fait de Polyte un homme si différent de son ancêtre, l'esclave débarqué du négrier : car elle est spirituelle, cette lèvre, pas trop épaisse, sombre autant que les lèvres des Mozambiques, mais point énorme comme elles.
Non, vous voyez, n'y a que les Blancs qui sont des messieurs ... Un Blanc, quand même qui manière il sera pauvre, c'est toujours un monsieur !