« Nelson Mandela et le président d’alors, Frederik de Klerk, n’étaient pas des anges. Ils ont chacun joué leurs stratégies avec des coups fourrés. Mais ils ont eu au moins le mérite tous les deux de savoir prendre du recul et de se dire : soit on s’entre-tue, soit on essaie de prendre un autre chemin. Cette transition négociée, qui a permis l’instauration de la démocratie sans remettre en cause tous les privilèges acquis par les Blancs, n’est certes pas parfaite. Mais dans le contexte de l’époque, c’est un prodigieux exploit qui vient d’être accompli. Et c’est grâce à eux que nous pouvons vivre aujourd’hui dans une société en paix. La jeune génération oublie ça un peu trop rapidement. » Peter Delius.
Quand la poétesse Koleka Putuma définit le mot apartheid, elle écrit : « Un génocide qui a lieu encore aujourd’hui dans le township. »
« Il savait que de cette manière, il finirait de retirer tous les obstacles qui se trouvaient sur la route de la liberté pour les Noirs. Pour lui, la paix et la justice sont le roi et la reine, et le pardon n’est que leur humble serviteur. » Sisonke Msimang.
« Les Sud-Africains aiment espérer, et à chaque élection, l’ANC vient dire aux laissés-pour-compte qu’ils vont s’occuper d’eux, leur trouver un emploi. Mais à chaque fois, c’est la désillusion. L’une de nos recherches a montré que plus les gens ont de l’espoir, plus ils basculent dans la violence en cas de déception. » Nomfundo Mogapi.
« La vérité pourtant est qu’au cours de ses 75 années de carrière comme militant et dirigeant, Mandela n’a jamais failli dans son engagement pour ceux qui ont été les plus grandes victimes de l’apartheid : les Noirs. » Sisonke Msimang.
Les plus jeunes savent que parler le pedi ou le tswana ne les emmènera pas loin. Très vite, l’anglais s’impose comme langue des études, d’ascension sociale, de succès. Quitte à être accusé de vouloir singer les Blancs.
« Mais rien n’a été prévu pour traiter l’héritage collectif toxique de l’apartheid. Pourtant, tous les Noirs ont été victimes de ce régime, et ils en subissent encore aujourd’hui les conséquences. » Sisonke Msimang.
« Quand les traumatismes et la douleur ne refont pas surface, nous pouvons être les personnes les plus attentionnées et compréhensives. Nous sommes très fiers de notre philosophie de l’ubuntu qui dit « je suis ce que je suis grâce aux autres ». C’est une culture du respect de son prochain, à qui l’on offre une dignité. Notre nation peut guérir. Nous avons tout entre nos mains pour y parvenir. » Nomfundo Mogapi.
Dans les townships, ces banlieues pauvres historiquement réservées aux « non-Blancs », leurs vies pourraient ressembler à ces labyrinthes de ruelles sonores dont le visiteur peine à trouver la sortie. Là où se côtoient des maisons « boîtes d’allumettes » standardisées de quatre petites pièces, et des cabanes en tôles de zinc, bricolées dans les arrière-cours faute de mieux.
À Pretoria, à l’ombre des jacarandas aux fleurs violettes rayonnantes, 27 noms de rues ont été modifiés d’un coup en 2012. Un exemple : la rue Daniel François Mala, premier Premier ministre du régime de l’apartheid, a été rebaptisée rue Eskia Mphahlele, écrivain anti-apartheid, longtemps forcé à vivre en exil, dont quelques années en France.