Quand tu es né dans le golfe du Mozambique, sur l'archipel des Comores, normalement c'est comme partout, c'est la loterie, tu ne choisis pas ton île, tout comme d'autres n'ont pas choisi d'être d'un côté ou de l'autre des Pyrénées. Mais quelle bête dans un pré ne va pas là où l'herbe est la plus verte ? Qu'est-ce que ce fermier mal intentionné qui lèse une partie de son cheptel, construit des barrières mortelles entre bêtes favorisées et bétail humilié ? Les hommes vont là où leur ventre les mène, même s'ils doivent se le déchirer aux griffes des barbelés.
Il faudrait [...] pour eux les Rouges, se débarrasser de cette étiquette ou la conserver. Mais de quel rouge pouvaient-ils bien parler ? Le rouge profond du communisme naïf, le rouge intense du socialiste trahi, celui fraternel du syndicaliste sans travail, celui drapé de noir de l’anarchiste ? Tous ici ne connaissaient plus qu’un seul rouge, celui du sang sur la terre répandu dans lequel leur esprit s’engluait comme leurs pieds dans ce sable toujours mouillé.
En sortant, dans la lumière soudain aveuglante de la place, en marchant sur le boulevard, face aux Pyrénées, son passeport à la main, il sentit que la pierre était lancée, et qu’elle allait faire son chemin, de ricochet en ricochet, à sa guise, à son envie, sur le miroir d’eau de sa mémoire, les sables mouvants de son histoire.
La France était déjà ainsi, ni plus ni moins la même qu'aujourd'hui. C'était déjà une mosaïque d'accents et de teintes, une terre de rencontres, de passages, où les hommes et les femmes se débattent, se croisent et s'amourachent comme des locataires provisoires dans une cour terreuse, tout au bout d'un couloir, où des enfants grandissent.
La France était déjà ainsi, ni plus ni moins la même qu'aujourd'hui. C'était déjà une mosaïque d'accents et de teintes, une terre de rencontres, de passages, où les hommes et les femmes se débattent, se croisent, et s'amourachent comme des locataires provisoires dans une cour terreuse, tout au bout d'un couloir, où des enfants grandissent.
Le reste c'est l'Histoire, la grande Histoire, celle des Brigades Internationales, des derniers grands combattants oubliés de la Liberté, des premiers grands Européens, celle qui aurait dû se raconter dans les manuels scolaires, et qui n'a même pas réussi à se dire dans les foyers.
Ils viennent d'Afrique, du Moyen- Orient ou d'Europe. Ce sont tous des oiseaux de passage, des migrateurs dont le plumage a parfois bien souffert des vols successifs. Beaucoup n'en sont pas à leur première escale.