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Citation de bhercan


Passer l'arme à gauche, ce sera bientôt son tour et pas debout ; il s'affaissera avant de sombrer. Mais il n'en est pas là. Pas encore. Son corps souffre et le harcèle, l'enjoint à l'action et il lui obéit, comme une mécanique délabrée qui tarde à cesser de fonctionner.
En bas, il trouvera bien un village, pour y faire il ne sait quoi. S'y reposer peut-être, se sécher et surtout manger, manger.
Le jour hésite encore à s'émanciper du plafond sombre que rejoignent les vapeurs grises montées du sol, comme autant de fumées émanant de feux mal allumés. Titubant en bas du chemin comme s'il avait bu, Mateu a aperçu une grange derrière le rideau
jaune des arbres, face à une butte que dominent les murailles démantelées d'un château. Les maisons de la bourgade ne sont qu'à quelques dizaines de mètres.
Il est entré dans le bâtiment par la porte amont, qui ouvre sur le grenier rempli de foin. Il y règne un parfum délicieux et une tiédeur de bêtes absentes.
L'homme à bout de forces a grimpé dans un recoin opposé à la trouée qui ouvre sur les mangeoires et s'est enfoncé dans l'épaisseur d'herbe sèche comme un enfant contre le flanc de sa mère. Il s'y est endormi sur-le-champ, malgré ses vêtements trempés et les tiraillements de la faim.
Avant la guerre, le carillon des cloches de l'oratoire voisin de Sant Felip Neri me réveillaient le dimanche matin, lorsque je n'étais pas de service. Et je dois dire que je ne détestais pas ça. Non que j'aie jamais assisté à un office. Mais il y avait dans ce rappel récurrent
d'une journée vouée à ne rien faire quelque chose de très satisfaisant.
Ce n'est pas le son des cloches de Gràcia qu'entend Mateu, mais un tintement plus aigu, plus rapide aussi. L'odeur enveloppante du foin le ramène au présent. Il entrouvre les yeux et se tortille vers la cloison de bois, pour coller son visage dans l'intervalle qui sépare les
planches verticales. Une petite foule endimanchée, venue sûrement de l'édifice religieux qu'il ne voit pas, gravit d'un pas tranquille une longue place inclinée,avant de s'engouffrer sous un porche. Les coups de bourdon s'espacent, annonçant l'apparition d'une silhouette en robe blanche, au bras du garde civil à qui elle vient de s'unir.
Autour d'eux, des uniformes kaki, comme une escorte triomphante.
Les perdants ont toujours tort. Est-ce parce que Mateu n'a pas fait le choix de ce garde civil qu'il en est là aujourd'hui, affamé et traqué ? Non, sa défaite est ailleurs…
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