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EAN : 9782362241062
300 pages
Atelier In8 (19/02/2020)
4.19/5   16 notes
Résumé :
Automne 1944. Dans les Pyrénées battues de neige et de pluie, s’avancent les maquisards espagnols. Ils viennent de libérer l’Ariège des occupants allemands et lancent maintenant une offensive contre Franco, dernier avatar fasciste d’Europe. Parmi eux, Mateu, ex-policier barcelonais réfugié en France, qui entend racheter ses erreurs en tombant l’arme à la main. Mais l’opération Reconquista tourne court, la brigade tombe... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Le terme de Reconquista fait généralement référence à la période immédiatement postérieure à 1492, date-clé de l'histoire de la péninsule ibérique qui borne les débuts de la reconquête des territoires conquis par les Musulmans et leur expulsion d'Espagne .Dans ce roman, Serge Legrand-Vall nous incite à porter nos regards vers une autre Reconquista, cette opération militaire menée en 1944 par des maquisards espagnols, issus des rangs du camp républicain , dans le Val D'Aran , région frontalière de la France .Mateu Canalis, l'un des membres de cette expédition , prend part aux combats mais la campagne tourne court :son bataillon est pris dans une embuscade, et il doit rebrousser chemin vers la frontière française .
Le roman s'articule principalement autour de la personnalité de Mateu Canalis, un policier soucieux de bien accomplir son métier, un homme de gauche mais « d'une gauche raisonnable », un fêtard alcoolique, en proie à la tentation permanente de la séduction .La technique narrative est de voir cet homme évoluer dans les années 36-37-38 à Barcelone , celles de la Guerre civile , des combats entre troupes franquistes et républicaines, celles de l'Utopie révolutionnaire ; et les années 44-45 , celles de la libération de la France et de la tentative de reconquête militaire de cette région du Val d'Aran , qui aurait dû être le prélude à une libération de la dictature fasciste de Franco.
Pourtant , en dépit de ses failles dans sa conduite personnelle, nous nous attachons à Mateu, et nous comprenons et partageons ses interrogations .Ainsi touche-t-il du doigt la différence existant entre la justice et l'ordre dans un constat désabusé : « J'ai passé plus de temps à courir après les anarchistes, dans leurs repaires du Raval on de Poble sec où ils noud filaient souvent entre les doigts, pour les coffrer à la prison Modelo, qu'à inquiéter les patrons .Une bonne façon de découvrir la différence entre ordre et justice. »
Cet homme , marqué par l'ambivalence, est aussi attiré par l'utopie , la réalisation d'idéaux révolutionnaires, même s'il est conscient du long délai nécessaire à leur atteinte et à leur réalisation .Il tombe amoureux d'Esperança , une femme éprise de ces idéaux , qui le convainc presque de partager ses idées .Mais au-delà de l'idéologie, c'est son exemplarité qui séduit Mateu et déclenche son amour pour cette femme .Pourtant , Mateu devient complice d'un événement peu commenté de la guerre d'Espagne : l'élimination systématique , sur ordre du NKVD de Staline , des opposants à sa ligne en Espagne , parmi lesquels les militants de la CNT et du POUM, syndicat anarchiste , et organisation politique d'extrême-gauche . C'est le début de la désillusion, des remises en cause de ses convictions : « L'époque de toute la gauche unie contre le fascisme était révolue ; tout comme celle où la presse anarchiste réclamait que le conflit idéologique entre les staliniens et leurs opposants reste mesuré. Les naïfs de mon espèce avaient réalisé avec beaucoup de retard qu'il s'agissait d'une lutte à mort. »
Peu de temps avant son départ de l'Ariège, Mateu est hébergé par Adrien et Jeanne, sa fille institutrice. Ces derniers lui laissent le souvenir d'une France républicaine, résistante, bien disposée à l'égard du réfugié espagnol auquel Mateu s'assimile. Une France bien plus accueillante que celle des années trente, qui avait laissé de biens mauvais souvenirs aux réfugiés espagnols parqués dans des camps d'internement.

Esperança décède sur une barricade dans Barcelone en proie au combat. Mateu finit par emmener Montse, une fille issue d'une liaison avec une autre femme d'extraction bourgeoise, Remei, vers les Antilles françaises, dans l'intention de rejoindre Cuba, où un membre de sa famille a servi durant la guerre d'Indépendance de l'ïle.
Serge Legrand-Vall réussit à nous restituer la dimension humaine de Mateu, ses doutes, ses erreurs, sa propension éthylique, son besoin final de cohérence, ses amours : Esperança, Remei, Jeanne. Il nous introduit, aussi, dans l'une des périodes les plus sombres et les plus controversées de la Guerre civile : cette liquidation des militants de l'extrême-gauche, et cet épisode moins connu de cette tentative d'intrusion militaire en 1944. Deux mérites essentiels de ce roman très réussi dans son atteinte à l'humanité de ses personnages.
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Reconquista est un roman bouleversant sur la vie d'un réfugié espagnol qui tente de redonner un sens à son existence à travers une opération militaire diligentée des deux cotés de la frontière pyrénéenne.
Il existe en fait deux romans en un : d'une part, nous découvrons "la vie d'avant" du héros (Mateu) à Barcelone et de l'autre, nous suivons les déambulations du soldat avant, pendant et après le combat dans le val d'Aran.
Les deux parties restent très équilibrées tout au long du roman et l'alternance du mode narratif (entre le "je" et le "il") permet au lecteur de bien cerner le caractère et le tempérament du héros, mais surtout les raisons pour lesquelles il se trouve dans les Pyrénées à l'occasion de cette "reconquête".
Le climat et les paysages de montagne sont très bien racontés et donnent ainsi un vrai socle à ce roman empreint de mélancolie mais aussi d'un espoir qui naît petit à petit. Il est même intéressant de disposer d'une carte de la région à portée de main pour suivre les errances de Mateu.
La lecture de ce livre achevée, je me demande même si le mot "Reconquista" ne va pas plus loin que la simple référence historique pour désigner aussi la lente et difficile renaissance du héros. Comme si la violence et la douleur représentaient des passages obligés pour accéder à une certaine sérénité et paix intérieure...







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Je viens de refermer Reconquista, qui m'a accompagné durant trois jours de lecture. Je suis allé vers lui pour la guerre d' Espagne; je l'y ai trouvée, avec force et réalisme, sans concession. Mais au-delà, c'est une grande humanité et une belle reconquête intérieure que je retiendrai. Ce Mateu qui renaît à lui-même dans les montagnes a quelque chose de Pablo, L'Espagnol, de Bernard Clavel. Un grand roman.
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D'une guerre l'autre : Serge Legrand-Vall, « espagnol imaginaire », publie un roman sur l'errance et la reconquête de soi.

Octobre 1944 : alors que le second conflit mondial touche à sa fin, des milliers de guérilleros issus des maquis pyrénéens rentrent en Espagne par le Val d'Aran dans une tentative désespérée de restaurer la République. Parmi eux, Mateu Canalis, ancien inspecteur de police. L'entreprise tourne vite au désastre. Huit ans auparavant, Mateu avait connu un autre naufrage, personnel et politique, Communiste sincère, amoureux d'une anarchiste victime d'une balle perdue, il s'était transformé peu à peu en serviteur docile d'un État abandonné par les démocraties et devenu l'otage de l'URSS. Témoin et acteur à ce moment-là d'une autre guerre dans la guerre, Mateu trahit ses idéaux, participant à la liquidation des opposants libertaires ou trotskystes dans les sinistres « checas », les prisons staliniennes de Barcelone. La guerre perdue, exilé en Ariège, il sombre dans la boisson. Plus tard, il ira chercher une improbable rédemption dans l'aventure sans issue du Val d'Aran. Avec une écriture dense et sans concession, Serge Legrand-Vall suit son personnage d'une guerre à l'autre, des journées révolutionnaires de l'été 1936 à l'errance dans la neige et le vent en 1944, pour tenter de le comprendre, parvenir à le rejoindre, dans ses failles, sa déchéance. L'auteur bordelais, qui aime à se définir comme un « espagnol imaginaire », cherche sa vérité dans la fiction : coupé de ses racines, il remet un peu ses pas, à travers cette histoire, dans ceux de l'homme qui pourrait être son grand-père.

François Rahier
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A la lecture de ce roman, le plaisir que j'en ai tiré, est resté comme un événement marquant dans ma mémoire.
En effet, « Reconquista » exprime de manière intense les grands moments et émotions de la guerre d'Espagne qui s'entrelacent dans ce beau texte : l'enthousiasme révolutionnaire de la période « républicaine » ainsi que la douleur liée à la poussée du « camp nationaliste » arrivant comme une sinistre vague.
On suit durant la lecture de ce livre enthousiasmant, Mateu, personnage complexe mais aussi extrêmement attachant. Lors de son évolution tout au long de « Reconquista », on est submergés par la tristesse de ce qui advient, mais aussi par la beauté incomparable des paysages où se poursuit cette errance.
Un superbe roman. Au terme de sa lecture, on a conscience d'en savoir beaucoup plus sur cette période, un peu comme si on l'avait vécue et qu'elle avait laissé en vous sa trace indélébile.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Pages 16 à 18
Ce n’est pas seulement qu’il est épuisé. Cela fait des années que Mateu n’a pas marché aussi longtemps. Lui qui d’habitude ne fait que creuser des tranchées, les reboucher et entretenir les engins de la municipalité d’Ax-les-Thermes qui l’emploie.
Il a pensé qu’il allait enfin pouvoir se reposer auprès d’un des maigres feux allumés dans les baraques de tôle de cette mine déserte, encore une, où ils ont installé le bivouac. Tous ont posé leurs sacs et s’activent, surtout à trouver du combustible, bois humide et noueux de rhododendron, branches sciées aux rares bouquets de sapins qui poussent aux alentours. Mais dès qu’il s’est allongé, il s’est mis à transpirer.
– Quelqu’un aurait un coup à boire ? Il a agrippé le col de celui qui se nomme Portet avec un sourire crispé, histoire d’avoir l’air de plaisanter. Je t’ai offert une gorgée tout à l’heure, à toi de m’en donner !
– J’ai rien pour toi, mon gars, a rigolé l’homme en catalan, tout en se dégageant. On n’est pas là pour se pinter !
Ce n’est pas une surprise. Mateu savait que dès qu’il n’aurait plus d’alcool, ça deviendrait difficile. Depuis le temps qu’il boit sans discontinuer, chaque jour, avec application et répugnance. Il s’était persuadé qu’il réussirait à supporter l’arrêt brutal. Il voudrait se lever, mais ses membres ne lui obéissent plus. Son tremblement qui gagne en intensité n’est pas dû qu’au froid. Il ne contrôle plus rien. Les camarades le regardent d’un drôle d’air. L’un d’eux se penche sur lui.
– Ça va pas, on dirait. Qu’est-ce qui t’arrive ?
Il se contracte de tous ses muscles et donne des coups de pied désordonnés qui n’atteignent personne.
– Eh, Canalis fait une crise ! Tenez-le !
Il halète, serre les dents et les poings, roule sur lui- même, jusqu’à ce que les autres se précipitent sur lui pour l’immobiliser, lui ouvrir la bouche.
– Faites-lui boire de l’eau ! ordonne le commandant Mohedano qui fait irruption dans la baraque. On avait bien besoin d’un épileptique dans la brigade... Toi, va chercher l’infirmier!

Barcelone.
Je ne suis pas épileptique, je ne l’ai jamais été. J’ai une bonne constitution et ça se voit, les yeux des femmes me le disaient, mes soirs de liberté sur la rue Gran de Gràcia, quand je flânais en chemise blanche avec Esperança à mon bras. Au printemps de 1936, alors que tous les éléments de la catastrophe se mettaient en place un à un et que moi, je m’obstinais à ne pas vouloir y croire. Badia, le chef de la police auquel je devais obéissance, s’était fait descendre en pleine ville, rue de Muntaner. Je me serais bien gardé de dire ça tout haut, mais à force de faire liquider des anarcho-syndicalistes, ça ne pouvait que mal finir pour lui. Ces gars-là ont fini par se lasser de se faire massacrer sans réagir. Ainsi que le disait Tomás, mon copain d’enfance qui faisait partie de cette mouvance-là, c’était de la légitime défense.
Je me revois un soir d’avril, sortant de l’immeuble où je louais à ma tante l’appartement du premier étage où elle vivait auparavant avec mon oncle, dans le haut de la rue de Melendez Pelayo. J’étais d’assez bonne humeur pour m’adresser au perroquet vert d’Adrià, le fabricant de jouets du rez-de-chaussée, qui installait sa cage sur le pas de porte de son atelier.
– Je te sors ce soir, Coco ?
Ce à quoi le volatile répondait à chaque fois par la seule phrase qu’il ait réussi à apprendre:
– Tira’t d’allà ! 3
Il y mettait un ton si convaincu que ça me faisait toujours marrer. La brise qui remontait de la mer rafraîchissait l’air, j’aimais en flairer le parfum de large et de liberté. Je suis allé chercher ma moto que je garais dans une cour plus bas dans la rue ; retapée pendant de longs mois, ultime souvenir de mon époque de mécano. Et je suis parti rejoindre Esperança qui vivait encore dans son taudis de Poblenou, embelli par sa seule présence.

3 - Tire-toi de là !
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Passer l'arme à gauche, ce sera bientôt son tour et pas debout ; il s'affaissera avant de sombrer. Mais il n'en est pas là. Pas encore. Son corps souffre et le harcèle, l'enjoint à l'action et il lui obéit, comme une mécanique délabrée qui tarde à cesser de fonctionner.
En bas, il trouvera bien un village, pour y faire il ne sait quoi. S'y reposer peut-être, se sécher et surtout manger, manger.
Le jour hésite encore à s'émanciper du plafond sombre que rejoignent les vapeurs grises montées du sol, comme autant de fumées émanant de feux mal allumés. Titubant en bas du chemin comme s'il avait bu, Mateu a aperçu une grange derrière le rideau
jaune des arbres, face à une butte que dominent les murailles démantelées d'un château. Les maisons de la bourgade ne sont qu'à quelques dizaines de mètres.
Il est entré dans le bâtiment par la porte amont, qui ouvre sur le grenier rempli de foin. Il y règne un parfum délicieux et une tiédeur de bêtes absentes.
L'homme à bout de forces a grimpé dans un recoin opposé à la trouée qui ouvre sur les mangeoires et s'est enfoncé dans l'épaisseur d'herbe sèche comme un enfant contre le flanc de sa mère. Il s'y est endormi sur-le-champ, malgré ses vêtements trempés et les tiraillements de la faim.
Avant la guerre, le carillon des cloches de l'oratoire voisin de Sant Felip Neri me réveillaient le dimanche matin, lorsque je n'étais pas de service. Et je dois dire que je ne détestais pas ça. Non que j'aie jamais assisté à un office. Mais il y avait dans ce rappel récurrent
d'une journée vouée à ne rien faire quelque chose de très satisfaisant.
Ce n'est pas le son des cloches de Gràcia qu'entend Mateu, mais un tintement plus aigu, plus rapide aussi. L'odeur enveloppante du foin le ramène au présent. Il entrouvre les yeux et se tortille vers la cloison de bois, pour coller son visage dans l'intervalle qui sépare les
planches verticales. Une petite foule endimanchée, venue sûrement de l'édifice religieux qu'il ne voit pas, gravit d'un pas tranquille une longue place inclinée,avant de s'engouffrer sous un porche. Les coups de bourdon s'espacent, annonçant l'apparition d'une silhouette en robe blanche, au bras du garde civil à qui elle vient de s'unir.
Autour d'eux, des uniformes kaki, comme une escorte triomphante.
Les perdants ont toujours tort. Est-ce parce que Mateu n'a pas fait le choix de ce garde civil qu'il en est là aujourd'hui, affamé et traqué ? Non, sa défaite est ailleurs…
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J’ai passé plus de temps à courir après les anarchistes, dans leurs repaires du Raval on de Poble sec où ils noud filaient souvent entre les doigts, pour les coffrer à la prison Modelo, qu’à inquiéter les patrons .Une bonne façon de découvrir la différence entre ordre et justice. »
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Vidéo de Serge Legrand-Vall
Serge Legrand-Vall vous présente son ouvrage "Un oubli sans nom" aux éditions In8.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2652286/serge-legrand-vall-un-oubli-sans-nom
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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