– Sache que mon frère ne redonne jamais ce qu’un humain lui a donné. Tu as accepté une fois, il prend ton refus comme un affront, expliqua-t-il. Ne crois pas que nous ayons un cœur comme toi. Le nôtre ne bat plus depuis longtemps, continua-t-il en s’approchant de moi. Le Duc est un vampire très vieux, il sait exactement comment plaire aux humains, femmes ou hommes. Laurent peut être impitoyable avec ceux qui le défient. En
outre, cela fait des siècles qu’il vit, il s’ennuie, et toi, tu es apparue dans sa vie comme une distraction.
Il s’accouda sur le bar, si bien que sa bouche était proche de mon visage. Captivée, je louchais littéralement sur ses lèvres.
– Qu’est-ce que je dois faire alors ? soufflai-je.
Au nom du gouvernement français, je voulais vous dire que nous sommes très heureux de votre collaboration pour nous aider à maintenir la cohabitation entre les vampires et les humains, présenta-t-il comme une récitation. Je représente l’État humain et mon collègue, le roi des vampires, Vassili. Nous sommes ici pour établir le contrat que vous avez décidé de sceller avec votre nouveau maître, le duc Laurent De Monferrand.
– Je crois que vous faites erreur, affirmai-je, je n’ai jamais établi de contrat…
– Les marques que vous portez dans votre cou nous prouvent le contraire, coupa le vampire d’un ton sec et cassant...
« Je me réveillai avec un mal de tête et l’esprit confus. Mais très vite, le puzzle des événements de ces dernières heures se replaça. J’avais frôlé la mort et j’avais failli la donner à un sorcier. En ouvrant lentement les paupières, je découvris un plafond haut en tôle. Je me redressai pour observer l’endroit, un hangar avec plusieurs lits de camp le même que dans lequel on m’avait installée. Les mordus semblaient plongés dans un sommeil profond induit par l’intraveineuse dans leur bras. Par réflexe, je vérifiai le creux de mon coude.
- Rassure-toi, ton tout viendra. Affirme une voix qui me fit sursauter. »
« — Vois-tu dans quel état Angie met notre relation ? s’enquit-il. ..., j’ai entendu votre discussion. Cette fille joue avec nous. Elle cherche ta protection quand je suis en colère contre elle et vice versa. Elle n’est pas celle que tu crois, elle se moque de nous... En la privant de liberté, elle a développé un syndrome de Stockholm dont elle a du mal à se débarrasser. Son attirance pour nous n’est peut-être que chimérique, résultante de notre pouvoir de séduction de vampire et d’un syndrome qui bouleverse ses émotions à notre égard, mais notre but est le même, Laurent, n’est-ce pas ? »
On entendait les rires et les chants des humains qui s’amusaient à l’extérieur. Au travers la fenêtre de la salle dans laquelle nous patientions, je ne pus m’empêcher de les observer. Les plus anciens se plaisaient à donner des gages franchement humiliants aux nouveaux arrivants. Désinhibés par l’alcool, les étudiants s’avéraient bien plus coopératifs. Au fil des années, j’avais remarqué que ce breuvage devenait incontournable dans les soirées. En même temps, il avait toujours fait partie de la vie. En tant qu’humain, j’aimais aussi boire du scotch, le même que j’avais dans mon verre et dont je faisais tournoyer le liquide. Le temps passait à une vitesse folle quand on était un vampire et parfois l’évolution humaine me dépassait. Aujourd’hui, j’avais décidé d’offrir trois étudiantes à des vampires venus en visite dans la région. Comme j’avais une centaine d’années de plus qu’eux, ils me respectaient et attendaient beaucoup de ce cadeau. Ils savaient que je possédais un flair redoutable.
Ses yeux se plissèrent d'une jubilation malsaine devant ma demande, confirmant que ses motivations étaient malveillantes. Il leva la main en direction de mon visage, instinctivement je reculai quand il enroula entre ses doigts une mèche de cheveux, un geste qui me déstabilisa.
- Angie, ce que j'ai prévu pour toi est bien pire que la mort. Aujourd'hui, tu as perdu ta liberté, je contrôle ta vie, n'est-ce pas la meilleure des vengeances ?
Sa réponse me glaça le sang et je fremissais en sentant ses doigts frôler la peau dans mon cou, me rappelant la sentence que ses crocs allaient m'infliger le lendemain. Je me detournai et me rallongeai sans un mot, regrettant amèrement de lui avoir posé la question.
- Ouvrez bien vos yeux, avertit le professeur, ils rôdent encore parmi nous, ils sortent librement et se fondent parfaitement dans la population. Peut-être y en a-t-il ici en ce moment même, affirma-t-il d'une voix grave en nous observant par-dessus ses lunettes qui lui tombaient sur le bout du nez.
Un silence pesant s'installa sur l'auditoire, les étudiants se jetèrent des regards inquiets et amusés à la fois. La sonnerie résonna, provoquant un élan de sursauts et de cris général, au terme duquel la salle entière finit par se mettre à rire. La peur peut se montrer parfois grisante.
- Et n'oubliez pas ! lança le professeur d'une voix forte, si un jour vous en croisez un, courez !
— Vois-tu dans quel état Angie met notre relation ? s’enquit-il. ..., j’ai entendu votre discussion. Cette fille joue avec nous. Elle cherche ta protection quand je suis en colère contre elle et vice versa. Elle n’est pas celle que tu crois, elle se moque de nous... En la privant de liberté, elle a développé un syndrome de Stockholm dont elle a du mal à se débarrasser. Son attirance pour nous n’est peut-être que chimérique, résultante de notre pouvoir de séduction de vampire et d’un syndrome qui bouleverse ses émotions à notre égard, mais notre but est le même, Laurent, n’est-ce pas ? Nous la désirons, chacun à notre manière. Angie ne serait pas si spéciale sans toi et moi à ses côtés.
– Mords-la et marque-la, je te l’autorise, répéta Laurent.
Lorsqu’Alban s’inclina vers mon cou, je fermai les yeux en priant pour qu’il ne cède pas. Le tableau était désolant : deux vampires se tenaient penchés sur moi, prêts à me sucer le sang, un sang qui essayait tant bien que mal de rester en moi, de se renouveler malgré les nombreuses morsures que j’avais subies en quarante-huit heures.
– Je suis désolé, souffla Alban avant de planter ses crocs dans ma chair.
Sa succion était forte, et lorsque Laurent prit mon poignet pour y planter les siens, je me perdis dans une pénombre ressemblant à un enfer douloureux.
Je me figeai quelques secondes en entendant ces mots. Laurent m’avait choisie, moi ! Mais pourquoi aurait-il fait ça ? Je sortis précipitamment du hall, essayant de ne pas croiser les regards mêlés de pitié et de crainte à mon égard.
Émilie voulut venir à ma rencontre, mais Karen et Nina l’attrapèrent pour l'empêcher de m’approcher. Pour le reste de mon espèce, j’étais devenue un phénomène de foire, et pour les vampires, un objet de convoitise. La colère ne me quittait pas tant je me sentais perdue dans cette nouvelle vie. Je commençai à revenir sur mes pas quand soudain je vis Éric se diriger vers moi d’un pas décidé.