AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Sophie Béroud (12)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Changer le monde, changer sa vie





Cinquante ans après Mai 1968, que sont les militants devenus ? Pas forcément les leaders d'opinion du Quartier latin, mais plutôt les soixante huitards anonymes résultant du mouvement syndical, féministe et de la gauche alternative.



Après avoir jeté toutes leurs forces dans la bataille, cru souvent en l’imminence d’une révolution, suspendu longtemps leurs investissements scolaires, professionnels, voire affectifs pour “faire l’histoire”, comment ont-ils vécu l’érosion des espoirs de changement politique ?



En choisissant centrer l’enquête sur cinq métropoles régionales – Lille, Lyon, Marseille, Nanteset Rennes –cet ouvrage collectif aborde l'angle des sterritoires non parisiens et déplace son focus vers les militants ordinaires ainsi que vers les responsables des mouvements et organisations en région. Une approche non jacobine assez inédite , cinquante ans après les faits avec près de 3800 personnes qui ont été interrogées, qui pour la plupart reconnaissent une vraie fidélité aux idéaux de 1968 de ces soixante-huitards à des utopies toujours vivantes pour eux. Une enquête aussi dense que passionnante à suivre.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          150
Sur le Terrain avec les Gilets jaunes

Sur le terrain avec les Gilets jaunes est un recueil d'articles universitaires qui propose une analyse du mouvement - ou plutôt des mouvements - des Gilets jaunes (GJ), en France mais aussi en Belgique francophone. Quelques années à peine se sont écoulées depuis décembre 2018, ce type d'ouvrage réflexif est donc bienvenu pour faire un pas de côté et prendre le temps et le recul nécessaire pour saisir tous les enjeux de cette mobilisation atypique.



Ainsi, le livre propose d'analyser la genèse et la pluralité des mobilisations, à travers ses participant.es, leurs motivations, mais aussi en s'attardant sur les liens entre les GJ et les organisations syndicales, traditionnellement initiatrices des mouvements sociaux et qui ont cette fois-ci été reléguées au second plan, du moins dans un premier temps. Quelques articles sont également consacrés à la réaction des pouvoirs publics et à la violence des répressions dans les manifestations.



L'ensemble est porté par une méthodologie rigoureuse et clairement énoncée. Les biais possibles sont identifiés et clarifiés dès l'introduction : certain.e.s des auteurs.rices (il s'agit d'un ouvrage collectif) ont participé au mouvement, et toutes et tous éprouvent une certaine sympathie pour la mobilisation, ou en tous cas une volonté de réhabiliter et surtout de donner la parole aux GJ, souvent malmenés dans les médias traditionnels. Cela est fait grâce notamment aux extraits d'entretiens qui enrichissent les articles, et permettent de donner la paroles aux personnes mobilisées sur les ronds-points, en manifestations, et qui ont été si souvent "parlées" par les experts.es invité.e.s des plateaux télévisés. Le recueil de leurs voix est important, car il permet de comprendre leurs motivations et leurs parcours. J'ai particulièrement apprécié le premier article, qui laisse la parole à plusieurs GJ brestois.es.



Ce livre dresse donc un portrait à la fois sociologique, politique et humain des mobilisations de GJ. Cependant, l'ensemble reste bien sûr très universitaire, ce qui est normal étant donné que l'ouvrage est publié aux Presses universitaires de Lyon et qu'il s'agit d'un travail de recherche scientifique poussé, mené par des chercheurs.ses spécialistes des mobilisations collectives.

A mon sens, la lecture nécessite quelques bases en sociologie politique pour bien saisir les enjeux soulevés. J'espère néanmoins que ce livre ouvrira la porte à d'autres ouvrages, tout aussi rigoureux mais avec une portée plus "grand public" pour continuer à s'interroger et analyser ces mobilisations.



Merci à Babelio et aux Presses universitaires de Lyon pour cette riche lecture !
Commenter  J’apprécie          31
Changer le monde, changer sa vie

Changer le monde, changer la vie, changer sa propre vie…



Des militants et des militantes, hier et aujourd’hui, de rouges espérances et des parcours trébuchants. L’imminence rêvée de la révolution et l’érosion plus ou moins prononcée des espoirs. La hâte de la jeunesse et les cours plus lents de la vie. Les études quelques fois suspendues ou abandonnées et l’insertion dans le travail salarié, les rencontres, les débats, les déchirures. Une hétérogénéité de personnes et de parcours derrière cette « génération 68 ».



« C’est à la question du devenir biographique des soixante-huitards que ce livre est consacré ». Une enquête, loin des « têtes d’affiche », à Lille, Lyon, Marseille, Nantes et Rennes. Le(s) moment(s) 68 pris dans une séquence historique plus longue, « nous nous donnons le moyen de mesurer la place de l’événement dans les trajectoires biographiques comme dans les recompositions ultérieures des espaces militants locaux ».



Des femmes et des hommes, la remise en cause des formes d’autorité, les transformations des insertions sociales, des luttes diversifiées et intriquées, des dissonances loin de la cohérence des réécritures publicistes…



De quelle manière les expériences de l’engagement peuvent transformer « le rapport au monde » des individu·es, parfois comme l’expriment les sociologues « en rupture avec les socialisations antérieures » ?



Il s’agit en somme d’essayer de reconstituer « le point de vue de l’acteur en situation », d’articuler des échelles locales et nationale, de rendre compte de processus socio-historiques ouverts et de configurations multiples, de comprendre « tout ce qui du monde social s’est réfracté et replié » en chacun et chacune (Voir Bernard Lahire : Dans les plis singuliers du social; Individus, institutions, socialisations), d’étudier les conditions et les conséquences des engagements, d’éviter les anachronismes et les faux déterminismes…



Olivier Fillieule, dans son introduction générale souligne : « Et, là encore, les résultats vont à l’encontre du sens commun, en révélant des vies affectives et familiales moins négativement affectées qu’on a pu l’écrire ici ou là, des carrières professionnelles plutôt ralenties voire stoppées par le militantisme, alors que seule une fraction des enquêtés trouve dans l’engagement le moyen d’une mobilité sociale ascendante ; le maintien de tant de convictions et de valeurs politiques acquises dans les années 68 que de divers formes de participation politique au long des cinquante dernière années ».

Je ne peux que conseiller la lecture de cet ouvrage. Derrières ces portraits de syndicalistes, de militant·es, de féministes, d’abord le souffle de l’espoir et la volonté de ne pas se laisser faire. Des parcours mais pas seulement. Une approche qui rend palpable et les individu·es et les collectifs créés. Une mise en histoire qui ne gomme pas les contradictions et les tensions. Les sens politiques des engagements, les « prix à payer » et les satisfactions aussi.



Plus de mille pages certes, mais une lecture facile, dans un vocabulaire le plus souvent directement accessible (restent cependant quelques phraséologies sociologiques inadéquates à mes yeux).



Une sorte d’héritage, lourd – « nous » ne sommes pas dispensé·es de tirer des bilans – et léger, sans aucun testament… Des questions plus que de réponses…



Reste une question, que je pose maintenant à toustes les auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l’accord de proximité, les étudiant·es, les lycéen·nes, les militant·es, les ouvrier·es, les employé·es, pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes.




Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          30
Quand le travail se précarise, quelles résistan..

Les ouvrages sur les résistances sociales au travail, en lien avec les modifications des procès de production, les divisions sociales internes au salariat, les questionnements sur le mouvement syndical (dont modalités de structuration : syndicalisme d’entreprise, faiblesse de l’interprofessionnel, place des salariés en sous-traitance), se multiplient. Ces recherches sont alimentées par la renaissance des conflits et l’apparition de nouvelles formes de contestation sociale. Hier invisibles, les précaires sont parfois à la pointe de la protestation, souvent en tant que salarié-e-s.



Centré sur les salarié-e-s précaires, les contributions analysent à la fois les luttes, les structurations et interrogent les pratiques syndicales visant à répondre à l’organisation de ces salarié-e-s peu ou pas représenté-e-s.



Cela élargit les problématiques traitées dans d’autres ouvrages récents (Sophie Béroud, Jean-Michel Denis, Guillaume Desage, Baptiste Giraud, Jérôme Pélisse : La lutte continue ? Les conflits du travail dans la France contemporaine, Éditions du croquant, 2008) et (Résistances au travail : ouvrage collectif coordonné par Stephen Bouquin, Éditions Syllepse, 2008)



Le livre « entend comprendre à la fois ce qui se défait sous l’impact du processus de précarisation, mais aussi ce qui se reconstitue, ce qui émerge via des expériences collectives d’organisation et de lutte. » Différents thèmes vont être abordés, dont la précarité professionnelle, les capacités d’action et de représentation collectives, les modalités d’assujettissement et de contrôle des classes populaires ou la fragilité des modèles de stabilisation salariale et les politiques syndicales.



Au centre des réflexions, la condition salariale comme relation de subordination et comme relation formelle libre, en regard de l’aspiration ouvrière à l’émancipation. « Loin des approches qui voient dans le précariat une réalité alternative au salariat, nous voudrions insister sur le fait que les différentes sources de précarité font partie intégrante de celui-ci et réfléchir, dès lors, à la façon dont la production de solidarités et de forme de stabilisation ont été des enjeux de lutte dans l’histoire du salariat. »



Une vingtaine d’études, non limitées à la France éclairent les contradictions nées des processus de précarisation. Je n’en souligne que quelques unes.



Dans la première partie « Précarisation et production des solidarités », j’ai particulièrement apprécié l’article de Michel Pigenet sur les expériences des bucherons et des dockers, celui de Anne Sophie Beau sur l’usage continu de la précarité depuis le fin du XIX ème siècle dans le grand commerce (je ne peux que conseiller la lecture complète de sa belle thèse « Grand Bazar modes d’emploi. Les salarié-e-s d’un grand magasin lyonnais, 1886-1974 » consultable en ligne sur le site de Lyon2).



Les articles de la seconde partie « La forme syndicale à l’épreuve » reviennent, entre autres, sur les luttes dans le nettoyage en France et à Londres, traitent de la relation entre le passage en CDI et les actions collectives à La Poste.



L’article de Sophie Béroud, Bernard Fribourg, Jean-René Pendariès et Jean-Marie Pernot « Précarité sous traitée et innovations syndicales » me semble important par son analyse des expériences dans plusieurs sites industriels. Les auteur-e-s insistent sur les conditions bouleversées, par les différentes sous-traitances, de l’action syndicale et nous rappellent qu’il est nécessaire que « la précarité soit bel et bien vue comme un problème, que l’invisibilité sociale qui rendait possibles les formes d’accommodement cède la place à la perception d’un impératif d’organisation des précaires ». Elle et ils soulignent de plus le besoin de « désenclaver l’action syndicale , de ne pas se laisser enfermer dans l’activité des Instances Représentatives du Personnel de chaque entreprise, pour produire des revendications transversales et atteindre les salariés non organisés, voire non représentés ».



La troisième partie porte sur « Les dynamiques de mobilisation » en France (McDonald’s ou Sans Papier), en Argentine, aux USA et en Espagne. Enfin, la dernière partie de l’ouvrage s’interroge « Qu’elle sécurisation du salariat? » en analysant entre autres les propositions de sécurité sociale professionnelle et du nouveau statut du travail salarié. Sur ces sujets, je rappelle le livre de Laurent Garrouste, Michel Husson, Claude Jacquin, Henri Wilno (Supprimer les licenciements, Editions Syllepse, Paris 2006)



Si l’ouvrage souffre quelque fois, de l’absence de paroles syndicales contradictoires ou militantes non universitaires, il n’en reste pas moins que les interprétations, ici présentées, apportent un réel approfondissement dans les recherches sur le salariat, les confrontations sociales et l’élaboration de contre-propositions qui ne laissent pas une partie du salariat et de la population, sur le bas coté.
Commenter  J’apprécie          30
Les liens sociaux en question : Précarités

Moi qui pensais être tombée au trou par une sorte d’erreur de l’Histoire…



Précarité de l’emploi, du travail et des droits. « La précarité n’est donc pas un état transitoire, exceptionnel, mais un phénomène permanent, nouveau par son ampleur, sur lequel nous devons réfléchir ». Si la précarité est inhérente au rapport salarial et à la division sexuelle du travail, les formes prises par celle-ci sous le capitalisme néolibéral demandent des analyses approfondies et des réponses émancipatrices.



Denis Clerc, « Pauvreté laborieuse, fruit de la précarité » insiste, entre autres, sur l’emploi paupérisant. A l’insuffisance des emplois (j’ajoute, ou plus exactement au temps de travail trop long affecté à ces emplois), il convient de prendre en compte la « mauvaise qualité des emplois créés ». Il existe donc une « pauvreté laborieuse »…



Je regrette que l’auteur parle de « familles monoparentales » invisibilisant les femmes ou de « classes moyennes » pour des salarié-e-s subordonné-e-s.



Margaret Maruani, « Travail féminin : les dommages de la précarité », souligne que la précarité touche plus et différemment les femmes que les hommes, qu’il y a des précarités « réservées aux femmes », que l’emploi féminin croit « à l’ombre du chômage et de la précarité ». Sur-chômage, sous-emploi, bas salaires, temps partiel, et retraite amoindries…



L’auteure montre que « le surchômage féminin n’a jamais été considéré comme un problème social » et parle de tolérance sociale au chômage des femmes.



Elle insiste aussi sur les horaires désordonnés et perturbants, ces horaires imprévisibles, extensibles, décalés ; la division sexuelle du marché du travail ; la fable « du retard » masquant la construction sociale des inégalités…



« Un jour, je suis tombée dans un trou ».



Hélène Crouzillat, « Interstices » raconte ses rapports avec le « trou de la Sécurité Sociale » et revient sur l’histoire de cette conquête des salarié-e-s vidée de sa substance. Un texte alliant humour et précision…



Le titre de cette note est « empruntée » à l’auteure.



Catherine Wihtol de Wenden, « Inégalités et migrations » analyse l’inégalité du droit à la mobilité, des situations migratoires. Elle parle aussi des déplacé-e-s environnementaux, des apatrides, des sans-papier-e-s, des discriminations, des 240 millions de migrant-e-s internes en Chine et rappelle que le droit à la circulation et à l’installation est un droit des êtres humains.



Enfin, Sophie Béroud, « Quelles stratégies syndicales face à la précarisation de l’emploi et du travail », souligne la fragmentation des collectifs de travail, la réalité massive de l’a-syndicaisation, la migration des emplois d’exécution (hier au sein des grandes entreprises et aujourd’hui externalisés dans des PME, voire les entrepreneur-e-s individuel-le-s), vers le secteur des services… Intérim, Cdd, Cdi à temps partiel (forme dominante de l’emploi des femmes)…



L’auteure insiste, à jute titre me semble-t-il, sur l’inadéquation des structures syndicales, basées le plus souvent sur l’entreprise, qui ne répondent pas/plus au fractionnement des entités productives, aux chaines de sous-traitance, aux établissements franchisés (dans certains secteurs), aux contractuel-le-s dans les fonctions publiques…



Il y a donc des réflexions et des actions à mener sur l’adaptation au site de production ou de zone commerciale, les conditions d’emploi, les situations de travail et les contenus de celui-ci, sans oublier la division sexuelle du travail…
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          20
Sur le Terrain avec les Gilets jaunes

Cet ouvrage rassemnle le résultat de nombreuses études, menées par plusieurs chercheurs pendant et après le mouvement des gilets jaunes en France et en Belgique francophone.

Parmi les thèmes traités, on retrouve, la composition sociologique des acteurs du mouvement, leur relation avec les syndicats, les Vrai et Grand débats, le maintien de l'ordre face aux gilets jaunes, la judiciarisation du conflit, entre autres.

Chaque partie est écrite par un ou des auteurs differents toutefois on retrouve des caractéristiques communes tout au long de ce livre :

- les méthodes et le vocabulaire de la sociologie sont abondamment utilisés.

- des extraits d'entretiens ou de témoignages illustrent fréquemment le propos mais reste cours et représente une minorité du texte.

- les auteurs sont des chercheurs et/ou des universitaires avec les codes et le langage associés.

- tous sont bienveillants voire sympathisants avec le mouvement même si à mon sens, cela ne nuit pas à la rigueur du travail effectué.



Ainsi, ce recueil sera une très bonne base à qui recherche une approche académique via les siences humaines du mouvement des gilets jaunes mais risque de "tomber des mains" du lecteur moins familier du domaine.
Commenter  J’apprécie          10
Sociologie politique du syndicalisme

Engagements militants, processus d’institutionnalisation, modalités de représentation…



Dans la présentation générale de l’ouvrage, Sophie Béroud, Baptiste Giraud, Karel Yon parlent d’introduction à une analyse sociologique du syndicalisme « attentive aux logiques de fonctionnement des organisations syndicales, aux pratiques et aux modes d’engagement de leurs adhérents et aux espaces de représentation dans lesquels ces derniers s’inscrivent », des caractéristiques singulières du syndicalisme français (dont le grand nombre des organisations rivales, la multitude de syndicats professionnels et catégoriels, la faiblesse des effectifs, etc.), des discours disqualifiants et du syndicalisme légitimé (celui d’autres pays), des réformes législatives restructurant « l’espace des relations professionnelles » – avec une volonté politique d’enrôler le syndicalisme « dans des processus de réforme libérale du marché du travail et de la protection sociale ».



L’autrice et les auteurs aborde aussi l’intégration institutionnelle des syndicats, le travail institutionnel de défense des intérêts des salarié·es, en regard d’autres évolutions institutionnelles en Europe.



Iels (elle et ils) proposent de « réviser un objet d’étude au croisement de plusieurs disciplines des sciences sociales ». Et, entre autres, de ne pas en rester à l’histoire sociale et politique du syndicalisme ni à l’analyse des conflits du travail, d’intégrer « l’examen des conditions de production des règles qui encadrent les relations de travail », de prendre en compte l’« intégration dans une multitude de dispositifs de représentation » des représentant·es syndicales/syndicaux, de réfléchir « sur les contraintes qu’induisent les mutations de l’organisation du travail et les recompositions du salariat sur les dynamiques de l’engagement syndical », d’analyser « les conditions de possibilité de la reproduction ou de renouveau de l’engagement et des mobilisations syndicales », d’examiner les éléments de la conflictualité du travail, de réinscrire l’objet de l’étude syndicale « dans le champ de la sociologie des mouvements sociaux », de faire dialoguer diverses perspectives…



« Une sociologie politique du syndicalisme invite à partir de l’analyse du travail syndical de représentation tel qu’il s’incarne dans des pratiques situées à différents niveaux et à étudier les dynamiques de construction des formes organisationnelles ».



En effet, l’analyse des discours ne saurait suffire à comprendre ce que sont ou comment apparaissent et fonctionnent les différentes organisations syndicales. Il faut à la fois historiciser les constructions, prendre en compte les contraintes institutionnelles (de ce point de vue, les comparaisons internationales sont indispensables) et les modifications économiques et/ou socio-politiques.



Et comme les syndicats sont des « espaces de relations », il convient à la fois d’observer les pratiques concrètes des acteurs et actrices syndicales/syndicaux, de mettre l’accent sur les modalités d’ancrage social de ces pratiques, de diversifier les échelles d’approches.



Sophie Béroud, Baptiste Giraud, Karel Yon, tout en signalant la présence d’« angles morts », précisent aussi l’organisation et les objectifs du manuel :



« Il s’agit ainsi de montrer l’intérêt de considérer le syndicalisme comme un objet et un enjeu spécifique de la sociologie politique, en ce qu’il permet de développer un ensemble de questionnements plus généraux de la discipline, qu’il s’agisse d’interroger les dynamiques de l’engagement militant, les modalités d’enrôlement des groupes d’intérêts dans la gestion des problèmes publics ou bien encore l’organisation et le fonctionnement du travail de représentation politique »



« Le plan de ce manuel procède à cet égard d’une double logique. Il permet d’une part de réinterroger de façon critique les principales représentations médiatiques et controverses politiques que cristallise le syndicalisme français : son institutionnalisation, sa politisation, ses divisions, la faiblesse de ses effectifs, sa représentativité, son rapport au conflit, etc. Il consiste d’autre part à mettre en évidence la façon dont l’analyse du syndicalisme s’inscrit dans les différents débats de la sociologie politique et y contribue de façon originale ».



Ma lecture, en tant qu’ancien syndicaliste, reste plus orientée sur le syndicalisme lui-même que sur la matière sociologique. Je ne vais pas présenter le détail des analyses réparties en différents chapitres : L’institutionnalisation du syndicalisme à la française ; Pluralisme et (dé)politisation du syndicalisme ; La représentativité syndicale en question ; Les logiques de la représentation syndicale ; Fabriquer des militants : les enjeux politiques et organisationnels du « renouveau syndical » ; Les répertoires de l’action syndicale.



Je signale que l’ensemble me semble plutôt complet (Reste que les organisations syndicales gagneraient à prendre en compte les effets de l’imbrication des rapports sociaux sur l’insertion des salarié·es dans les entreprises). L’écriture ne souffre pas des « formules sociologiques », le rappel de la subordination à l’autorité patronale des salarié·es en emploi indispensable, la volonté de comparer et non de distribuer des « bons points » devraient permettre à chacun·e, syndicaliste ou non, de mieux comprendre la situation syndicale en France et ses possibles évolutions. Le reste relève du débat démocratique.



Je précise que pour moi, le syndicalisme et la construction d’organisation(s) permanente(s) de salarié·es est une nécessité, non seulement au présent mais comme condition (certes non suffisante) de l’auto-émancipation des salarié·es (une école de socialisme pour utiliser une formule un peu désuète).



Comme l’écrivent Sophie Béroud, Baptiste Giraud, Karel Yon en conclusion : « Un enjeu actuel dans l’ouverture de nouveaux chantiers de recherche est sans doute de déplacer la focale des formes instituées vers les formes émergentes de représentation et de mobilisation des travailleuses et travailleurs, mais aussi de comprendre comment celles-ci contribuent à faire bouger ce qui est institué, tant du point de vue des structures syndicales que des pratiques militantes légitimes »



Demeure une question posée maintenant à toustes les auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l’accord de proximité, les adhérents et les adhérentes, les salariés et les salariées, pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes.
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          10
Engagements, rébellions et genre dans les qua..

Lorsqu’on parle des quartiers populaires, faut-il évoquer la race ou l’ethnie, des émeutiers ou des révoltés, une violence politique ou rituelle ? […] En examinant l’intersection de la race, de la classe et du genre et en multipliant les comparaisons, [cet] ouvrage collectif donne une réponse nouvelle à ces questions fondamentales.
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..
Commenter  J’apprécie          10
La lutte continue ? : Les conflits du trava..

« Le repérage des conflits n’est évidemment pas une opération neutre, il est en lui même un enjeu de luttes » « …la manière de construire, de reconnaitre et de caractériser un conflit collectif ne va pas de soi, mais relève d’un jugement subjectif situé socialement et temporellement. »



L’objectif des auteur-e-s est double : « Il s’agit, d’une part, de soumettre les idées reçues, véhiculées par les discours médiatiques et politiques, à un examen critique, pour accéder à une connaissance plus précise de la conflictualité au travail et de son évolution. Il s’agit, d’autre part, de montrer son importance pour la compréhension des rapports de domination et des résistances qui traversent les mondes du travail. »



Un double travail est nécessaire : appréhender l’intensité des pratiques conflictuelles, leurs localisations, leurs formes et leurs dynamiques, croiser et contextualiser les représentations pour étudier les formes contemporaines, dans un moment historique précis, de la contestation au travail.



L’ouvrage se divise en quatre chapitres « Des conflits en baisse ? », « Continuité des luttes ? Un paysage moins bouleversé qu’il n’y paraît », « Du retrait individuel à l’action collective : des frontières poreuses » et « Conflits et négociations : des réalités imbriquées ».



Les auteur-e-s remettent en cause l’image médiatique (valorisation de la grève et oubli des autres formes de protestations, comme les pétitions et les manifestations) d’une baisse des conflits. « Cette déperdition se révèle particulièrement discriminante à l’égard des petits établissements et des conflits courts. » Elles et ils prennent en compte « les formes plus souterraines, moins visibles et plus individuelles que traduisent l’absentéisme ou les refus d’heures supplémentaires. »



En conclusion, tout en soulignant que « Cette hausse de la conflictualité rompt enfin avec les visions pacifiées du monde du travail tant elle rappelle que les antagonismes sociaux sont loin de disparaître sous l’effet conjugué des restructurations sectorielles et de la transformation des modalités des gestion de la main d’œuvre. Au contraire, les conflits s’imposent comme une dimension toujours structurante des rapports productifs », les auteur-e-s invitent à modifier le regard sociologique pour saisir les conflits du travail comme des mobilisations collectives et se déprendre du discours dominant sur l’état des relations professionnelles.



Je souligne néanmoins une autre dimension. Si « La perception commune de l’activité protestataire et revendicatrice des salariés dépend, en effet, de représentations politiques et médiatiques qui en biaisent l’analyse », l’oubli des rapports sociaux de sexe (genre) empêche de saisir la totalité et la complexité du champ étudié.
Commenter  J’apprécie          10
Sur le Terrain avec les Gilets jaunes

Qui sont les Gilets-jaunes? Des ploucs, des fachos, des racistes ont dit certains; les délinquants, des réfractaires, des punks à chiens ont dit d'autres. Comme à l'accoutumée, l'esprit humain est ainsi fait, chacun, pour tenter de lire le mouvement et le comprendre, l'a réduit et résumé aux éléments qu'il a perçu ou cru percevoir. Mais tous, pratiquement, ont finit par s'accorder sur l'idée qu'il s'agissait de petites gens victimes de la grande mondialisation, des oubliés, des délaissés, des désoeuvrés qui perdent leur vie à la gagner. Et les sciences sociales, que disent-elles loins des médias et de nos raccourcis? Elles disent ici qu'il s'agit essentiellement de primo-militants éloignés de la vie politique et syndicale, qui décident d'occuper l'espace public pour se faire voir et se faire entendre parce qu'ils ont le sentiment qu'ils sont les éternels oubliés des politiques publiques engagées. Ils triment, ils bossent, ils suent mais en vain car ils ne gagnent que difficilement leurs pains dans cette organisation économique et sociale qui méprisent leurs fonctions. Ils sont reclus, isolés, fragilisés, appauvris et grâce au mouvement des gilets jaunes finissent par se retrouver. Ils se parlent alors, échangent, partagent, confrontent, débattent, discutent, hurlent, crient. Sortis de cette solitude et de cet isolement qui fracassent, ils goutent à la joie de la solidarité. Ils apprennent que leur force est dans le nombre et dans la fraternité. Ils élaborent leurs idées, écrivent leurs revendications et c'est l'appel à la dignité, à une justice fiscale, à une répartition des richesses, à un programme économique et social respectueux de l'humain et de l'environnement qui émerge. Mais confronté à un régime politique qui se durcit via une répression policière, c'est l'appel à la démocratie qui se fait particulièrement entendre: le Référendum d'Initiative Citoyenne est posé.





Cet ouvrage ne se contente pas de présenter les Gilets-jaunes qu'il est erroné de considérer comme un mouvement uniforme puisqu'il est spontané, tout sauf organisé et qu'il ne supporte pas l'idée de la représentativité (en tout cas tel qu'elle s'exerce dans notre système politique). 





Il aborde également leurs relations aux mouvements syndicaux, aux partis politiques, aux institutions – notamment policières et judiciaires- et à l'Etat plus généralement. Il aborde beaucoup de thèmes d'un grand intérêt pour toutes celles et ceux qui aiment, comme moi, étudier les sciences sociales et politiques. Il peut être redondant parfois (comme tout livre de sciences sociales je dirais) mais il est très intéressant car il aide à découvrir un mouvement loin du regard médiatique (que je considère comme réducteur donc médiocre) et surtout nous invite à nous poser des questions qui dépassent largement le mouvement des Gilets-jaunes ; questions qui se posent et se reposent à chaque émergence d'un mouvement politique et social.
Commenter  J’apprécie          00
La CGT en question

Les éditions universitaires de Dijon ont fait paraître en 2019 une nouvelle synthèse sur l’histoire de la CGT, rédigés à plusieurs mains par des chercheurs reconnus : Michel Pigenet, Michel Dreyfus, David Hamelin, Sophie Béroud, Laure Machu et Jean-Marie Pernot. Plutôt que de retenir une approche purement chronologique, l’entrée privilégiée est celle des thématiques : la structuration syndicale, unité et scissions, le salariat, le rapport à l’Etat, la négociation collective et élections professionnelles, l’internationalisme ou encore les culture(s) cégétiste(s). Une imposante bibliographie des différents ouvrages et articles parus depuis 1995 complète cet ouvrage indispensable à nos bibliothèques !
Commenter  J’apprécie          00
En quête des classes populaires

Les classes populaires sont fragmentées et précarisées. Ce constat doit-il conduire à dénier leur potentiel de subversion politique ? Des sociologues et politistes répondent par la négative dans ce stimulant essai.
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Sophie Béroud (18)Voir plus

Quiz Voir plus

Le quiz du 100% quasi assuré, mais speedez pour être le meilleur !

Les questions sont simples, même s'il faut parfois prendre le temps de réfléchir ! On tente de faire un 100% le plus rapide ?

OK, allez zy va
Trop la flemme, là...

20 questions
2059 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , insolite , humourCréer un quiz sur cet auteur

{* *}