Je frottai une allumette et lui donnai du feu pour qu'il allume sa cigarette.
- Mais en fin de compte, Métaphraste, dis-je, de quoi avez vous peur?
- J'ai peur, dit-il, qu'un jour quelqu'un ne trouve logique de m'amputer de ma jambe gauche et de mon bras droit.
... C'EST une question extrêmement compliquée, Bayamus, dis-je en essayant de trouver une réponse. Eh bien, répétai-je, supposez que vous êtes la Nature ; supposez que vous êtes la somme des forces et des agents à l'œuvre dans le monde physique extérieur ; la somme des processus physiques, des causes et des effets qui sous-tendent et produisent tous les phénomènes existants ; et supposez que votre doigt est un artiste ; supposez que l'un des cinq membres séparés constituant l'extrémité de votre main pratique l'application de l'adresse, de la dextérité, de la connaissance et du goût à l'expression esthétique du sentiment et de l'émotion, ou la production de beauté par l'intermédiaire de la couleur, de la forme, des mots, des sons amicaux, &c., comme une profession ; supposez maintenant que vous mettez le doigt dans la bouche ; supposez que vous le mettez dans l'orifice protégé par les lèvres qui se trouve sur votre tête ; supposez que vous le mettez dans la cavité où conduit l'orifice, cavité contenant la langue, les dents, &c., et servant à la fois comme moyen de transmettre les sons, de mastiquer de la nourriture et de stimuler les réactions sexuelles ; et supposez maintenant que vous essayez de vous mordre le doigt ; supposez que vous l'entamez avec vos dents, supposez que vous augmentez la pression exercée par vos dents sur votre doigt, supposez que vous accentuez la PRESSION. Que se passe-t-il, alors ? Eh bien, de plusieurs événements qui peuvent résulter de cette cause, j'en retiendrai deux :
1) Vos dents s'impriment sur votre doigt,
2) Votre doigt fait pression sur vos dents.
Ce qui est intéressant d'examiner dans le premier cas, c'est le doigt ; pour être précis, l'EMPREINTE que vos dents y firent. Plus grande est la sensibilité de vos doigts, plus grande est son pouvoir de céder aux stimuli extérieurs, et plus profonde et plus belle est l'impression.
“Mais que suis-je, moi ? demanda Peddy Bottom. – Vous êtes Peddy Bottom. Vous êtes Le-monde-entier moins Le-monde-entier-sans-vous. Voilà ce que vous êtes ! dit le Dromadaire. Vous ne le saviez pas ?”
Nous n'avons rien contre Darwin. Rien du tout. Nous croyons pouvoir le concilier avec la Bible, lui et tous ces physiciens, géologues, astronomes – exactement comme Thomas d'Aquin avait concilié la Bible avec Aristote. Et nous sommes persuadé qu'un des futurs Saints-Pères sera capable de faire du Pölätüomisme un guide des consciences, tout comme Léon XIII le fait aujourd'hui du Thomisme. Non, Darwin n'est pas un danger pour notre philosophie.
SI d'aventure vous aviez demandé au Cardinal Pölätüo son lieu de naissance, il aurait dû compulser ses documents officiels, car sa mémoire ne l'avait jamais enregistré. Il n'avait en vérité jamais revu cette terre étrangère que sa mère traversa au galop des chevaux de poste, espérant bien atteindre Rome pour y mettre son enfant au monde. En revanche, si vous aviez demandé au Cardinal Pölätüo quelle fut l'année de cet événement, il vous eût répondu avec la plus grande précision.
“– c'est une femme qui demande de l'argent : nous prierons pour elle ;
“– c'est une femme qui demande une prière : nous lui enverrons de l'argent ;
“– c'est une Juive qui désire voir le Pape ; nous lui écrirons une lettre ;
“– c'est quelque chose de plus sérieux : nous ne ferons rien pour le moment ;
“– c'est quelque chose de plus sérieux encore : quand nous aurons lu la lettre, nous agirons en conséquence.”
Tout ce qui peut être mesuré peut être mesuré en livres, pieds et secondes, sinon il ne peut pas être mesuré du tout.
C'est plutôt difficile que de se mordre son propre doigt.