Citations de Stéphanie Boulay (27)
- Pourquoi Titi les bipèdes sont mauvais ?
- Parce qu'ils sont tristes.
- Et ils veulent rendre toutes les personnes comme eux, Titi ?
- Ils veulent des fois que tout devienne noir comme leur manteau noir de peine.
Parfois, je crois qu'il faut savoir endormir ses soucis comme des bébés qui pleurent pour les remettre à plus tard, parce que d'autres choses pressent encore plus et que, de toute façon, la nuit porte conseil et efface souvent des tristesses qu'on pensait qu'elles ne s'en iraient jamais.
Où sommes-nous dans ce pays si lointain qu'il nous fait vivre les saisons à en crever ? Et qui nous a mis ici ?
Sûrement pas Dieu ni les deux autres parties de sa trinité.
( p 86)
À notre arrivée à la demeure, elle s'est enfermée sans dire un mot, elle a cadenassé la porte et ne répondait plus à mes tristesses. J'ai bien tout essayé, j'ai crié JE TE QUITTE DE CE PAS, je suis revenue en m'excusant, j'ai mis un plat de macaronis devant la chambre et je me suis cachée en attendant qu'elle sorte. Ensuite j'ai mis une lettre d'affection qui disait je t'aime sous la porte, ensuite j'ai glissé chaque macaroni un à un sous la porte, ensuite j'ai balayé le plancher avec mes cheveux, ensuite j'ai pleuré des larmes à terre avec des vrais bruits de gouttes. Elle était le silence.
... la douche (...) n'était pas pareille comme la nôtre et que je ne savais même pas comment la faire pleuvoir...
Il arrive que les femelles aient des bois.
Un jour, quand je serai vieille et blanche de la tête, je dirai à Titi ou à mes bébés à venir : quelqu'un d'autre a déjà habité à l'intérieur de moi pendant la nuit, quelqu'un qui me réveillait et me faisait faire des gestes qui pouvaient me tuer, mais je ne sais pas c'était qui ni comment il faisait car je dormais les yeux ouverts. Et ils sauront ce qu'on sait tous, et ils feront oui de la tête sans rien répondre que le silence.
[J]e suis revenue dans mon lit pour finalement m'endormir, je ne sais plus quand exactement, car on ne le sait jamais vraiment, le sommeil est quelque chose de pas bruyant.
Ça n'est pas facile d'être à l'intérieur de moi, et des fois je préférerais plutôt être à côté pour pouvoir me sauver en criant.
Je crois que Mané est comme moi, dans le sens qu'il n'est pas pareil, et moi ne suis pas pareille. Pas de la même façon, mais d'une façon qu'on peut rire ensemble. Et quand on se voit, on ne voit pas les autres qui sont comme les autres, et ça nous fait du bien.
Jaune mon ami
le soleil de ma nuit
je t'aime.
J'aurais pu ajouter à l'infini, mais mon cœur, ça lui aurait pas fait du bien, c'était trop prévisible, que je trouvais. Titi aussi me l'a suggéré, sauf que que je ne pense pas que la poésie soit sa force, alors j'ai fait à ma tête, même si je ne suis pas habituée à tenir à mes pensées. Elle a quand même épinglé le bleu près de la fenêtre et le jaune sur la porte du frigidaire, pour qu'il puisse nous dire bon matin le matin, et pour qu'on se souvienne de remercier le soleil lorsqu'il est là. C'est vraiment important.
J'ai réfléchi et je crois que ce que je préfère dans le monde entier, c'est de faire quelque chose que je crois juste et bon. Quand ça m'arrive, mon corps se remplit de chaleurs inconnues qui explosent dans mon poitrail et me rendent comme, plus longue et légère sur mes Cannes, alors je donne des becs à Titi, je flatte ma branche, je me fais des couettes avec des crayons de bois, je crois aux magies vaudous et je veux en faire, je veux dire je veux en apprendre dans un livre avec des serpents et des prières chantées.
Quand ça m'arrive, je sens que je suis heureuse et que plus jamais rien ne me fera du mal.
Sauf que ca n'est jamais vrai.
[O]n ne peut réinventer tout le monde à sa guise, et ça prend beaucoup d'efforts pour raccommoder quelqu'un qui a déjà été cousu d'une certaine façon.
Titi dit que mon langage non verbal veut toujours dire bye et qu'il faut travailler ça.
J'ai donc tout l'été pour lire, lire nos catalogues sur les animaux, lire nos livres, lire et devenir intelligente. Et ne plus jamais quitter l'école. C'est-à-dire ne plus jamais me faire quitter par l'école.
Je me sens l'âme à apprivoiser par lettres un ami venu des pays d'ailleurs.
À ce moment précis, j'aurais voulu habiter à l'extérieur de moi, de l'autre bord de la rivière et avoir la paix pour une fois.
Pendant que les hommes continueront de mourir noyés, de mentir et de briser tout ce qui vit et qui vivra, moi, je n'arrêterai pas de me baigner toujours, quand les diamants seront revenus dans la rivière. Car ils reviendront, oui, ça j'en suis sûre. Là, sur le quai, à l'abri des hommes et des choses, à cet endroit qui n'existe pas pour personne, que pour nous, je serai. Avec ou sans lui.
J'ai fait non parce que c'était une des premières fois que mon coeur voulait pas rentrer par en dedans ou sortir par mon trou de bouche en connaissant quelqu'un, une des premières fois que ma figure ne se virait pas de bord pour dire bye sans que je m'en rende compte. Titi dit que mon langage non verbal veut toujours dire bye et qu'il faut travailler ça.
Ça n’est pas facile d’être à l’intérieur de moi, et des fois je préférais plutôt être à côté pour pouvoir me sauver en criant
L’autre soir, l’école a encore appelé à notre demeure. Après ça, Titi a dit que j’étais une cancre, elles étaient énormément en colère et ses cheveux se mouillaient sur sa tête. Je suis peut-être nulle à l’école, mais je sais au moins ce qu’est une cancre, et je sais que c’est triste à mourir. Je sais aussi que quand on change une lettre de place dans le mot « cancre » ça donne « cancer », et que ça non plus ce n’est pas propre propre. J’étais en beau fusil, j’ai fait une crise, j’ai commencé à courir autour de la table en grognant, en tapant mes mains ensemble et en tapant ma figure avec.
Flatter ma branche m’a fait du bien.