Stéphanie Honoré

Les cancérologues ont un grand nombre de protocoles d'utilisation, de guide de bonnes pratiques.

De quoi avez-vous besoin, vous, malade ? Qu'on vous comprenne.

Balançant comme tout un chacun - en l'occurrence, toute une chacune ! - entre une humilité vraie - je ne suis qu'une femme de plus, et il y en a eu plus de quarante trois mille, l'année passée, à être confrontées au cancer du sein - et une outrecuidance pas moins vraie, j'ai hésité un peu à délivrer tant de moi-même. Et alors ? Qu'importe, quand on sait quand vous savez, que le cancer du sein vous met à nu, dans tous les sens du terme et dans toutes les figures de style...

Quel que soit votre choix - dire ou ne pas dire -, vous ferez ce que vous serez à même d'assumer le mieux, et ce que, au sein de votre couple, vous pourrez assumer tous deux face à vos enfants.

ils sont merveilleux.
Je vais guérir pour eux.

Mes petits
Mes enfants
Mon soleil
Ma terre merveille
Mes petits
Mes enfants
Que j'aime tendrement
Mes sourires
Et vos rires
Vos yeux remplis de rubis
Mes petits
Mes enfants
Que j'aime tant.

Mes petits
Mes enfants
Mon soleil
Ma terre merveille
Mes petits
Mes enfants
Que j'aime tendrement
Mes sourires
Et vos rires
Vos yeux remplis de rubis
Mes petits
Mes enfants
Que j'aime tant.

Vous n'êtes pas légalement tenue de dire à votre employeur la raison de votre arrêt maladie, mais en parler avec lui vous permettra de capter son - ressenti - vis-à-vis d'une longue absence, et anticiper le climat lors de votre retour. Compréhensif ? Indiffèrent ? Sans pitié ? Ou tour à tours les trois, à des moments différents...

Apres l'annonce qui vous a été faite, il y a celle que vous allez faire à votre tour. Forcement, vous allez devoir choisir : dire, ne pas dire. En fonction des uns et des autres, vous vous livrerez ou vous vous dissimulerez.

Et je crois qu'à toutes cette annonce fait l'effet d'une gifle. Une gifle cinglante, bien sur, mais aussi une gifle revigorante, un soufflet qui leur rappelle qu'il fait bon vivre...

Sœur
Ma sœur de cœur
Ma sœur de cœur et de sang
Ma sœur de tourments
Ma sœur d'orages
Ma sœur de compliments

Sœur
Ma sœur de cœur et de sang
Ma sœur de rires
Ma sœur de sève
Ma sœur de tous les instants

Sœur
Ma sœur de cœur
Ma sœur de cœur et de sang
Ma sœur des contraires
Ma sœur à l'envers
Ma sœur des hivers

Sœur
Ma sœur de cœur
Ma sœur de cœur et de sang
Ma sœur de chair
Comment te le dire
Comment te dire ma sœur...

Quand je l'annonce à ma meilleure amie, j'ai pris le dessus sur la haine qui m'habite, sur cette hostilité.

L'annonce aux gens que j'aime.

Je suis tellement maladroite avec les mots, ceux qu'on doit faire sortir de sa bouche. Ils se transforment en bave, en crapauds, en serpents, comme les contes pour enfants. Pourtant, j'en fais le serment, je n'ai jamais refusé d'aider une vieille femme à puiser de l'eau dans la fontaine...

Le dire, le répéter me faire prendre doucement conscience de mon état m'aide à digérer la nouvelle. Mon état de disgrâce. Je suis malade. Et je n'en ferai même pas une chanson comme Serge Lama.

- Les patients deviennent des partenaires -

Enfin, pour résumer tous ces points, imaginez ! Fermez les yeux et mettez-vous à ma place l'espace d'un instant... Le malade a d'abord besoin d'amour !

Le temps - cette grande équation irrésolue du personnel hospitalier - n'est pas extensible. Il est juste relatif, comme disait Einstein : le quart d'heure d'attente vécu par le patient - très patient - devant la porte du médecin pour attendre ses résultats vaut une éternité, mais le quart d'heure passé avec ce même médecin en cherchant du réconfort, une trop brève seconde.

À chaque nouveau patient, à chaque nouvel individu, l'annonce délivrée est différente.

Il existe des protocoles de chimiothérapie, mais heureusement pas de protocole d'annonce, pas de procédures ni de guidelines, juste l'expérience du médecin qui cerne la personnalité de l'être humain assis en face de lui : son âge, sa situation familiale, son milieu social, ses croyances.