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Citations de Stephen Jourdain (56)


Question : La première fois que j’ai lu vos livres, j’ai retrouvé ces intuitions que j’avais à dix ans ou à quinze ans, cette interrogation lancinante : « Qu’est-ce que je fais là ? » Au fond, une seule question m’intéresse – comment garder cet état, comment le garder tout le temps ?

Steve : La première idée qui me vient (en vous l’exprimant, je sais que je prends des risques) est de vous enjoindre, de vous supplier de ne pas faire fond sur cette base si sûre : « Comment garder cet état tout le temps ? » Je ne fais pas la critique intellectuelle du propos, bien sûr, mais ici, on voit clairement apparaître chez vous une certitude, commune à tous les êtres humains d’ailleurs : il y a du comment, il y a de l’état, il y a cette chose qu’il faut coûte que coûte recouvrer, il y a du coûte que coûte, il y a du … tout le temps.
Mais ce n’est rien de tout ça !
Il n’y a que vous.
Et vous êtes seul, absolument seul, seul à perte de vue.
Ce que vous contemplez, ce sont simplement vos propres mains en train de remuer, vos propres doigts en train d’animer comme des ombres chinoises cet « état » et sa terrifiante précarité, cette volonté, apparemment si peu suspecte, de le faire perdurer.
Par derrière cette sorte de rêve, ce que vous recherchez vraiment, même si vous ne le savez pas, c’est la réalisation de cette solitude glorieuse, la vision concrète d’une seule chose : tout cela, oui, tout cela qui nous impressionne tant n’est qu’un théâtre d’ombres.
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Question : D’accord, mais comment percevoir cette irréalité fondamentale ?

Steve : La réponse à votre question, vous l’avez sous les yeux, ou plutôt, elle vibre encore dans vos tympans. Toute cette irréalité que vous cherchez à démasquer s’est condensée dans votre question elle-même.
… Cette « chose » qui nous réunit autour de cette table de jardin, on ne peut l’atteindre en raisonnant. On y accède uniquement par un acte de conscience.
Un acte d’attention consciente, de vigilance, refluant sur lui-même.
Hélas, celui qui va se mettre à « méditer » (ou selon le bon mot de mon ami Trojani, à « merditer »), celui-là, quelle que soit la finesse de ses intuitions, va écouter sans relâche les injonctions de sa raison – et elle n’en manque pas ! Il va prêter l’oreille à la voix de la sirène, jusqu’à ce que tout se désagrège …
En fait, chaque fois qu’on accomplit un acte de conscience, un acte qui va vers nous-mêmes, la raison le fait dérailler. Notre fonctionnement ordinaire, c’est la raison. Et que se passe-t-il lorsqu’on raisonne sur « je suis » ? C’est comme compulsif … Cédant à la tentation du délire, on s’autorise à se situer à l’extérieur de cet axe, de ce « maintenant » pur, et c’est reparti, le grand balayage introspectif se remet en place – et tout s’écroule.
Naturellement, ce que je suis en train de dire a déjà – sauf miracle – été récupéré par le fou qui est en nous et intégré au balayage …
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Ce qu’il est important de dire c’est que, dans le fond, l’Eveil c’est gai, ce n’est pas triste, c’est vivant. Et c’est désobéissant, ce n’est pas bien-pensant du tout.
Charles Antoni: Penses-tu que beaucoup de gens peuvent être éveillés brusquement, comme cela, sans suivre d’enseignement ?
Stephen Jourdain : En théorie tout le monde peut, à tout instant, s’éveiller – si on retient cette terminologie, il semblerait que l’éveil spontané soit rare. Mais il est vrai que l’Eveil recherché et trouvé est rare également. C’est extraordinairement facile quand on sait faire le geste, (très, très facile, lumineux !), mais très difficile à mettre en place ; il y a un truc !
C’est vrai qu’il y a un truc ! Quand on est petit et qu’on apprend à monter à bicyclette, on se dit que, c’est impossible, qu’on ne tiendra jamais sur ce truc-là, impossible ! Et puis on essaie, on se casse la gueule un certain nombre de fois, et tout d’un coup on part sur son vélo. On a appris, on a compris. On ne sait pas expliquer ce que l’on a compris, c’est très difficile, mais tout à coup on sait monter à vélo.

Là, on sait monter à Dieu, on sait monter à l’Eveil ; c’est pareil ; il y a un truc. Le tout est de donner le truc, ce n’est pas vraiment évident.
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Cherchez-vous dans votre tête. Demandez-vous : suis-je vers le milieu, à un pouce derrière mon front? ou plus bas, à gauche, du coté de l'oreille? ...ou tout à fait dans le fond?.... Evidemment, vous n'y êtes nulle part. Et très vite, ça devient fort insolite, de n'y être nulle part. Et ce qui vous paraît encore bougrement plus insolite, c'est de ne pas être là, et que ceci ne change rien, c'est que dans cette pénombre déserte de votre crâne des pensées continuent de rouler - les vôtres, une vie, de sourdre, une mystérieuse vision, de voir - les vôtres, comme si le bonhomme absent, pour qui l'on se prenait, n'avait en réalité jamais été dans le coup ! comme si depuis toujours un vulgaire passager de soi-même usurpait (grâce à sa casquette , sans doute) l'identité du conducteur ! comme s'il restait à faire la connaissance de ce dernier personnage, du sujet réel de cette pensée, de cette vie, de cette vision.
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Un sujet voyant sans yeux ni lumière
un objet sans apparence qui n'est autre
que le sujet voyant, se voyant.
Tel est le miracle de la conscience.
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Eh bien, prenons par exemple l'attention multidirectionnelle qui est un corollaire de l'éveil... ???

Oui, la nature même de l'attention change. Auparavant, l'attention était comparable à un trait de métal rigide. Ce trait avait une cible tout à fait ponctuelle : chaque acte d'attention dirigé sur une cible projetait tout le reste dans l'ombre de l'inattention. Avec l'éveil, cette loi change et le trait se déploie en éventail, si bien qu'on en arrive à l'attention multidirectionnelle, ce qui constitue un choc. On se met à voir tout en même temps, un milliard de choses sont perçues simultanément, si bien que la richesse du paysage terrestre devient proprement inouïe. Il est évident qu'un observateur un tant soit peu attentif décèlerait des transformations d'ordre physique chez la bienheureuse victime de cette extraordinaire panoramisation de l'attention, ne serait-ce que parce qu'on entre alors en extase... Bref il se passe quelque chose, c'est sûr ! On pourrait repérer d'autres signes, mais ce sont des signes discrets...
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Ça ne vous est jamais arrivé, de vous promener dans une rue, et puis tout à coup, ce n’est plus dans une rue que vous êtes, c’est La Rue, tout vous arrive précédé de l’article défini, et se met comme à briller, et un extraordinaire bonheur fondant et bourdonnant est là, avec l’impression qu’il y a des siècles que vous vivez cette seconde, qui durera toujours ?

Je regarde le nuage…
Et soudain il se passe cette chose fantastique, et, pour une seconde ou deux, les portes du Paradis s’ouvrent: soudain, la substance du nuage change, il se transmue en un pan d’une matière inconnue, angélique — barbe-à-papa spirituelle? Intériorité faite talc?…; en même temps, l’intervalle entre lui et moi meurt — le nuage devient vivant, s’anime d’une vie immense. Cette vie m’aime; cette vie, avec laquelle mon esprit (où Je est étrangement évident) communique directement, m’aime d’un amour infini et me le dit. Et dans cette voix, oh fabuleux bonheur!

Je reconnais la mienne,

JE SUIS LE NUAGE.
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– On dit que la « réalisation » est une seconde naissance. C'est celle de la créature humaine, de l'humble moi humain ? – « L’éveil » est venu et il n’est rien resté de l’homme que j’étais jusqu’à ce que cette lame coupe net le fil de ma vie. Cette humanité-là a été consumée, anéantie, dans sa trame et dans son écume. Ce que j’appelais « mon esprit », que j’étais et pratiquais avec une rare ardeur, et ce moi pensant, voulant, qui en était l’habitant, et que je considérais comme le fin du fin, l’indépassable performance, en matière d’intériorité – tout ceci a rejoint le néant des rêves que l’éveil foudroie. Et quelque chose d’entièrement neuf, de totalement inédit, est né. Et cette chose flamboyait comme Dieu. En fait, si j’élimine du mot tous les sens qui lui sont étrangers et le parasitent, je dois dire que j’avais bien affaire à Dieu et à ses feux inouïs … Ce qui venait de naître, de naître des cendres de l’homme, était Dieu. Quelle commotion, Dieu ! Quelle commotion que d’apercevoir le visage de Dieu ! … Quelle commotion que d’apprendre que les traits divins sont ceux de l’homme !
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Question : J’aimerais savoir, pour vous la pensée doit être anéantie ?

Steve : Nuançons, une fois n’est pas coutume. Ce qui doit être anéanti, c’est moins le moi pensant et la pensée, dans sa rive subjective, et dans sa rive objective (que, si je ne m’abuse, nous lui avons reconnue voici un moment), que notre sentiment que ces choses possèdent une existence propre, indépendante de notre moi profond, premier. Ça, c’est une autre expression du délire, de la folie profonde. Et ce n’est sûrement pas en raisonnant qu’on va réussir à consumer le voile !
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Mais attention, il est des désobéissances convenues ; il faut beaucoup s’en méfier ! En fait, ce n’est ni bien ni mal pensant. Je ne veux pas dire que ce n’est pas pensant du tout, mais c’est un cri de vie qui fout en l’air, balance en l’air toutes sortes d’idoles lamentables. L’Eveil, d’une certaine façon, est une extraordinaire entreprise de déboulonnage des idoles qu’on a plantées en soi. Mais ceci se fait dans la liesse, la joie et non pas dans la tristesse et la componction.
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Ce qu’il est important de dire c’est que, dans le fond, l’Eveil c’est gai, ce n’est pas triste, c’est vivant. Et c’est désobéissant, ce n’est pas bien-pensant du tout.
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On ne peut séparer la sensibilité poétique de l'intelligence. L'homme intérieur a la forme d'une montagne, tel l'Everest. Cette montagne a deux flancs, le flanc de l'intelligence et le flanc de la sensibilité. Et puis tout en haut de la montagne, les deux se croisent et cela s'appelle la conscience pure. Mais il faut faire l'ascension des deux côtés à la fois.
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Ce qui est dissout c'est : “ l'identité en tant qu'elle prétendait nous accaparer ” et nous enfermer en elle-même.
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L'idée en général, qu'on a des choses, c'est qu'il y a une grande image : monde-réel. Et puis, cette image, monde-réel, nous est transmise par voie nerveuse, et puis dans notre cerveau, cela fait éclore une deuxième image, de nature subjective, et qui est le double, la réplique intérieure, de l'image rétinienne. Il n'y a pas d'image au départ. Là, on part avec l'hypothèse qu'il y a une image réelle de début. Enfin il n'y a pas d'image. Il y a un bombardement de photons. Le photon ce n'est pas une image.
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Donc les choses restent telles qu'elles étaient. Simplement elles sont virginisées. Les choses semblaient vieilles, usées, tout d'un coup elles sont neuves. Alors bien sûr, à ce titre-là, on peut parler de changement...
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C'est une réitération, vous savez, tout d'un coup, le fauteuil a toujours été vert... Bon il est vert... Puis tout à coup le vert du fauteuil devient vert... Franchement, c'était déjà là... C'est une sorte de confirmation, réitération, redoublement, ça ne sert strictement à rien… Quand le vert devient vert honnêtement, comme il était déjà vert avant, franchement le vert qui devient vert ça parait déjà très étrange et il est impossible qu'une chose devienne elle-même puisqu'elle l'est déjà, mais...
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Merci pour la video !
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Frapper à la porte de l’être. Comment ?
En s’étonnant d’être.
La culmination de l’étonnement :
l’étonnement d’être.
Pas d’étonnements mineurs, inféconds.
Tomber simplement bouche bée est un
accomplissement.
Un étonnement peut en cacher un autre.
Ci-dessous, quelques notations - rendant, je
l’espère le son léger de la drôlerie - allant dans
le sens de ce qui vient d’être dit.
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« Vous connaissez ça, vous, ces moments où — par la grâce d’une brise tiède et humide.. ; d’une averse qui a rendu tout bleu…d’un parfum intensément familier, et qu’on ne peut identifier, non plus que le passé perdu qu’il réveille.. ;— le pachyderme Monde, qui hibernait, secoue sa torpeur et se redresse, met debout son immensité ?...Et l’on pénètre dans ce royaume magique du Présent ?...Et toutes choses, jamais vues, commencent de se voir comme nez au milieu du visage, sans contrepartie d’ombre, en même temps que d’exister, mais d’exister ?
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