P40 : Au début, Abhi s'était demandé pourquoi ils n'avaient pas désactivé es caméras, mais il a fini par comprendre. Leur but est de répandre la terreur, de donner au monde un spectacle plus saisissant qu'aucun autre jamais auparavant. Les caméras sont leurs alliées dans ce show télévisé, le plus sinistre jamais filmé.
P79 : Puis la panique surgit de nouveau, avec la mémoire des morts, des éplorés et des damnés. Elle ne peut pas supporter l'idée d'aimer. Elle ne peut prendre le risque de laisser quiconque l'aimer. Plissant les yeux, elle s'oblige à retrouver un visage calme, commande à ses muscles de changer d'expression, d'effacer le sourire, de retrouver le petit sillon qu'elle a entre les sourcils.
P134 : Il se sent coupable de l'avoir persuadée de courir ce risque, mais la voix sévère de son père, s'élevant de souvenirs depuis longtemps enfouis, résonne alors dans sa tête : « C'est notre travail de veiller sur les plus faibles. Cela signifie parfois d'en sacrifier d'autres qui sont plus forts. » Le regard rivé sur l'écran, Abhi croise les doigts fermement, en espérant, en priant qu'il n'a pas sacrifié Sam.
Bien entendu, Dadiji avait un rire extraordinaire qui lui était propre. C'était un grondement profond et puissant qui prenait naissance dans les plis de son sari, se transformait en un mugissement qui remontait en vagues jusqu'à sa bouche, sortait par flots en éclaboussant des gouttelettes rouges de jus de bétel tout autour d'elle. Il la propulsait d'avant en arrière et la secouait jusqu'à l'engloutir. Et cela continuait ainsi pendant un long, très long moment, jusqu'à ce que ses yeux ruissellent de larmes.
- Ay, Krishna, une bonne partie de rigolade vaut une année entière de vie. Mais seuls les hommes sages connaissent sa valeur [...].
- L'amour est une grande catastrophe, plus grave qu'une inondation, une éruption volcanique ou un ouragan, tu comprends, Krishna ? m'avait dit Dadiji, il y a bien longtemps. Seuls les fous pensent que l'amour peut rendre heureux. Ce n'est pas le cas. Il te déchirera en petits, tout petits morceaux, et te détruira.
- Alors, pourquoi aimer ?
- Parce que cela nous grandit. Même quand tu tomberas en petits, tout petits morceaux, tu seras plus grande que ceux qui t'entourent.
Ce pourrait être une histoire de mystère. Ou du moins, l'histoire d'un événement douloureux, mystérieusement effacé et remplacé par quelque chose d'heureux, de pur. Ce pourrait même être l'histoire d'un miracle, si j'étais moins sceptique. Mais les miracles n'existent plus. Dans la vraie vie, en tout cas.
Dadiji croyait à la magie et aux miracles. Pas à ceux du cirque, mais plutôt aux vrais, aux sérieux. Elle pensait que si on désire quelque chose suffisamment fort, on peut l'obtenir. Même si c'est la lune, ou l'impossible, ou un dieu.