AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de romain29


Des baraquements en ciment avaient poussé sur les versants de la jungle, des villages de toiles de tente avaient recouvert les champs cultivés pour contenir les flots de l'armée des terrassiers. Des enfants étaient nés et se voyaient enrôlés aussitôt en âge de brouetter. Le chantier digérait les hommes en Moloch insatiable. A la pelle, à la pioche, charriant la terre dans les paniers d'osier, l'immense marée humaine, à peine mieux équipée que les troupes des bâtisseurs de pyramides, à petits gestes d'insectes, avait commencé l'entreprise titanesque. On avait crevé la terre, arasé les reliefs, tranché le bois des forêts, canalisé les cours d'eau et levé une muraille de retenue de cent quarante mètres de haut à la force des muscles. Les maîtres du grand œuvre savaient pouvoir compter sur l'inépuisable réservoir humain pour suppléer le manque de machines. Sur le chantier, des adolescents, des vieillards épuisés, des femmes enceintes obéissaient aux hurlements des contremaîtres claquants comme des ordres de matons. Les lignes de trains déversaient le ressac humain au fur et à mesure que les besoins de bras s’accroissaient. Dans l'effort collectif, on avait retrouvé l'enthousiasme des travaux de l'époque de Mao, c'était du moins ce que les médias d'Etat serinaient dans leurs bulletins. C'était l'un de ses chantiers prométhéens tels que l'Europe de l'Ouest anesthésiée par ses régulations, tétanisé par ses doutes, intoxiquée de haine de soi aurait été incapable de mener.
Commenter  J’apprécie          80





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}