Sylviane Bonnerot

Au fur et à mesure que la guerre approche, le contenu freudien du mythe d'oedipe fait place, toujours à travers le symbole, à une réflexion philosophique et politique sur la cité, le pouvoir et la liberté individuelle.
Avec l'existentialisme, la scène se transforme en une tribune pour que s'y trouvent débattues les exigences d'une morale affrontée à des réalités vécues, l'occupation et la résistance. Sartre et Camus se servent du théâtre pour illustrer leur philosophie, ils sacrifient la magie du spectacle à la netteté de leur démonstration.
Le langage est subordonné à l'utilisation didactique qu'ils en font, comme il l'était aux règles de la vraisemblance, dans la peinture de la réalité.
Par comparaison avec les trente ou quarante années précédentes, la production théâtrale des années 1920 à 1950 fut brillante et féconde. Après cette date de 1950, une grande transformation va se produire, peut-être sourdement préparée par le travail des années antérieures, et en particulier par celui des poètes : Pichette et Audiberti s'efforcèrent d'élargir l'espace après avoir libéré le langage des impératifs de la clarté.
(extrait de la préface de l'auteure)

Tandis que de nouvelles troupes, en province et à la périphérie de Paris s'efforcent de conquérir un public de plus en plus vaste et populaire - suivant en cela l'exaltante entreprise de Vilar au T.N.P. - le rôle de l'auteur évolue lui aussi.
Lié à une technique complexe mais qui reste néanmoins dans les limites d'une collaboration artisanale, il abandonne son isolement pour vivre en contact étroit avec une troupe dans laquelle il participe aux diverses disciplines, souvent en tant que comédien ou metteur en scène.
Il s'efface quelquefois même pour susciter une création collective....
(extrait de la préface inséré en début du volume paru, en 1971, aux éditions "Masson et Cie")