Commissaire à la criminelle depuis vingt-cinq ans, Dan Kiefer luttait chaque jour pour ne pas sombrer dans la psychose. Des images traumatisantes s’imprimaient sur sa rétine à chacune de ses découvertes macabres. Des corps violentés, torturés et retrouvés dans d’improbables postures. Des hommes, des femmes, des adolescents, des enfants et même des nourrissons qui payaient de leur vie, la folie meurtrière.
Dan Kiefer luttait avec ses propres armes et la violence en faisait partie. Elle était devenue une maîtresse incontrôlable, envahissante et pourtant nécessaire. Face à un dément, pensait-il, il fallait pouvoir se préparer à la riposte. S’adapter à son mode de pensée, à son mode de fonctionnement, adopter les mêmes codes et le même langage que lui, c’était la clef pour obtenir arrestation et aveux.
Quel plaisir l'homme pouvait-il tirer du fait de tant salir, pervertir, humilier, blesser de jeunes proies sans défense? Était-il si lâche pour ne pas affronter des adultes tels que lui? Comment pouvait-on propager la peur, le stress et l'angoisse sans éprouver une once de culpabilité?
Dan Kiefer ignora l’intervention de la psychiatre et continua à griffonner son bloc-notes.
- Les parents de la petite victime ont-ils été prévenus ?
- Les parents… Le père est en prison et la mère en cure de désintoxication…
- Beau tableau ! Mais les avez-vous tout de même contactés ?
- Non… J’ai pensé que peut-être vous pourriez…
- M’en charger ? On se repasse la patate chaude, hein… ? Kiefer tapota du bout de son stylo
le bloc sur lequel il était en train de noircir les pages. Il réclama les coordonnées des parents et les inscrivit en silence. L’image de cette femme éventrée dans la forêt lui revint en mémoire comme un cauchemar récurrent. Une véritable obsession.
- Je crois savoir que vous disposez également d’une section adultes, n’est-ce pas ?
- Oui, ils sont plus loin et séparés des enfants et des adolescents !
- C’est heureux ! Séparés par quoi ? Un mur de trois mètres, une clôture électrifiée...?
- Non, enfin... Par... une haie dans un souci d’harmonie et de bien-être !
- Dans un souci d’harmonie ? répéta-t-il en serrant les dents. Il inspira une grande bouffée d’air afin de poursuivre plus sereinement son interrogatoire. Mais enfin, Monsieur le Directeur, vous rendez-vous compte que vous exposez de jeunes proies à de dangereux criminels, je suis pratiquement sûr que, parmi vos pensionnaires, vous avez plusieurs prédateurs sexuels !
derrière ses orbites, un épais nuage noirâtre se liquéfia soudain, entraînant l’alerte générale. Des silhouettes en blouses blanches s’agitaient de façon frénétique pour tenter de rapatrier les enfants à l’intérieur des pavillons, tandis que la pluie commençait ses ravages, lacérant les vitres de la voiture
avec une violence hors du commun. Les essuie-glaces s’affolaient sur le pare-brise qui luttait pour ne pas se briser sous la pression des trombes d’eau.
Stéphanie Boisleau poussa un hurlement qui fit tressaillir Kiefer. Une jeune enfant à peine âgée de quatre ans avait surgi de nulle part, se jetant sous les roues de la voiture, obligeant l’enquêteur à
freiner brusquement. Par chance, Dan maîtrisait parfaitement l’aquaplaning. La gamine, trempée jusqu’aux os, restait prostrée devant eux, le visage marqué par de sombres cernes qui auréolaient de profondes pupilles noires. Le visage cireux, le regard menaçant, elle continuait d’observer la
psychiatre et le commissaire encore ébranlés par l’incident.
Quelques secondes plus tard, une jeune infirmière s’était précipitée pour récupérer l’enfant.
- Alors la psy, on y va ? On se jette à l’eau ?
La psychiatre était sortie de ses gonds. La veine jugulaire était si gonflée qu’on pouvait deviner sa trajectoire. Les tempes bleuies par l’action de la colère, l’œil noir et la mâchoire crispée témoignaient sans aucun doute d’un malaise. Elle se sentait agressée, jugée et condamnée d’avance.
Était-elle réellement la meurtrière des fillettes ? La mutilation des ovaires n’était-elle pas assimilée à un acte de purification ?
Était-elle réellement la meurtrière des fillettes ? La mutilation des ovaires n’était-elle pas assimilée à un acte de purification ?
Commissaire à la criminelle depuis vingt-cinq ans, Dan Kiefer luttait chaque jour pour ne pas sombrer dans la psychose