Zoé se doutait bien qu’elle devait, à peu de choses près, avoir le regard du loup de Tex Avery lorsque la célèbre pin-up apparaissait dans le dessin animé. Et elle n’aurait pas été étonnée plus que ça de voir sa mâchoire se décrocher. Mais il fallait bien avouer que l’apparition qui venait de se matérialiser dans les escaliers avait de quoi couper le souffle. Lou avait apparemment décidé de se mettre en mode journaliste chic et pro. Mais parce qu’elle portait le tailleur à merveille, et que ses jambes paraissaient interminables, elle semblait tout droit sortie de Basic Instinct.
Après une bonne demi-heure de trajet pour traverser la zone commerciale en direction du centre de Manosque, elle s’arrêta sur le bord d’une route qui montait vers la vieille ville. Munie du nom et de l’adresse de l’hôtel qui avait été réservé pour elle, elle s’approcha d’un petit groupe de femmes dont l’accent prononcé semblait indiquer qu’elles étaient du coin. Comme elle le craignait, son hôtel, situé dans une rue du centre, n’était pas accessible en voiture. Une charmante vieille dame qui tirait un cabas à roulettes à peu près aussi vieux qu’elle, lui conseilla de se garer dans un parking près de la porte nord de la ville et de continuer à pied. Elle suivit le conseil, et sortit de la petite Twingo dans un grognement.
Zoé se surprit à caresser une des toiles colorées qui reposait sagement en arrière, prête à prendre son envol. Son cœur accéléra légèrement, anticipant l’adrénaline du vol, comme s’il n’avait rien oublié. Elle put presque sentir le vent sur son visage, la sensation de liberté lorsque le corps soudain se libère de la pesanteur, le plaisir de jouer avec les courants d’air de la montagne. Durant quelques secondes, ce fut tout ce qu’elle ressentit.