"Nous n'étions pas des tendres" | Sylvie Gracia
… je lui glissait dans une enveloppe deux ou trois romans, en espérant qu’ils lui plaisent, des pages de fraternité humaine, et ne pensez pas qu’il s’agissait de livres mineurs.
Elle se tenait derrière le comptoir, belle et revêche. Ne lâchant jamais un bonjour. Ses yeux d’une fixité terrifiante, comme si son regard filait au-delà, dans une contrée imaginaire. Certaines femmes ont le désespoir foudroyant.
Les nuages étaient lourds comme un ventre de vieille vache, et ici, quand ils crèvent, c’est une chape qui recouvre immédiatement le paysage. En milieu d’après-midi, on peut se croire en début de nuit.
J’ai braqué au dernier moment dans un virage, contraignant la voiture comme on tire sur les rênes d’un cheval.
La littérature ne sauve de rien. Mais certains livres dans certaines circonstances nous rouvrent au territoire apaisant de l'essentiel.
l'hiver, ici, j'ai l'impression qu'on vit tous comme des vaches à l'étable, la corde autour du cou, les uns à côté des autres, la tête devant et le cul derrière, chez le boucher, dans la rue, tu rencontres toujours les mêmes visages avec leurs queues trop connues, je sais que tu as couché avec Philippe et où, je te devais bien ça.
"Chaque lieu se diffracte dans la multiplicité des instants qui y ont été vécus, des émotions avec lesquelles on les a traversés."
"Ne pas anticiper les actes les rendraient-ils plus évidents ? Innocents, même ?"
"Les meilleures choses de la vie naissent ainsi, les livres, les amours, les rencontres. Sans attente ni désir. S'imposent parce que là, devant soi, redessinant l'horizon."
"Les mots redoublent la vie. Ou plutôt, lui donnent une vie autre, et ce qui demeure est ce qui a été écrit, plus livresque que ce qui a été vécu"