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Critiques de Tadeusz Slobodzianek (4)
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Notre Classe

Depuis 2018, les autorités polonaises adoptent un "dispositif de défense de la réputation de la République et de la nation polonaises"prévoyant une peine de trois ans de prison contre les personnes coupables "d'attribuer à la nation ou à l'état polonais, de façon publique et en dépit des faits,  la responsabilité ou la coresponsabilité des crimes nazis commis par le IIIe Reich allemand(...) , de crimes de guerre ou d'autres crimes contre la paix et l'humanite".



Ce qui s'est produit en 1941 dans le petit village deJedwabne n'a donc pas eu lieu.

L'enquête des historiens Jan T.  Cross et Anna Bikont sur le massacre de toute sa population juive par leurs voisins ,  leurs amis, leurs compagnons de classe polonais et catholiques est nulle et non avenue.

Leurs investigations et leur compte-rendu des témoignages de survivants et de témoins sont une pure affabulation.



La pièce qui est tirée de cette enquête,  écrite en 2010 par Tadeusz Slobodzianek à la suite d'un violent débat sur la coresponsabilité polonaise dans la Shoah, est pourtant bien interdite en Pologne.



 Justine Wojtyniak qui l'a scénographié et mis en scene avec sa troupe , Stefano Fogher-  merveilleux Abraham "Baker" de Notre classe - qui en a  orchestré et créé les musiques, tous, puisqu'ils sont polonais,  tombent donc sous le coup de cette censure mémorielle édictée par le  'jumeau' orphelin, nationaliste et catholique intégriste, qui dirige actuellement la Pologne...laquelle commençait seulement une douloureuse et tardive prise de conscience des crimes engendrés par un antisémitisme archaïque et viscéral..



Le texte français de la pièce est indisponible, seule existe la traduction anglaise, Our class, je ne peux donc que vous conseiller de courir voir la pièce qui est en tournée actuellement.



C'est un véritable  coup de coeur ou plutôt un coup au coeur!



Imaginez une sorte de chant choral joué, dansé, chanté,  comme un funèbre kaddish,  par des spectres dénudés qui lentement revêtent les hardes pendues aux cintres qui vont leur donner vie. Puis, un à un, ils vont s'en défaire pour retourner aux limbes d'où ils se sont arrachés, une fois que la mort, souvent terrible, aura fermé leurs yeux.



Peu de dialogues "directs":  la distanciation brechtienne met le texte au style indirect dans leur bouche morte , comme s'ils nous parlaient de l'au-delà,  de l'autre côté de la barbarie. Mais la chorégraphie des gestes, la psalmodie des voix fait vibrer la souffrance des corps et passer l'émotion que la diction tente de maintenir à distance.



Dix personnages, 5 juifs, 5 catholiques, 3 filles et 7 garçons,  tous dans la même classe d'une petite école de village, partagent jeux, bagarres  flirts, secrets.



Lentement , insidieusement,  se creuse entre ces copains de classe, jusqu'à éclater dans la plus sauvage des violences, la haine antisémite meurtrière et aveugle du pogrom.

 

Les idéologies passent -la communiste, la nazie, la nationaliste- , les crimes demeurent mais la conscience collective , gênée, les attribue  aux occupants successifs.   Tous feignent d'oublier, se taisent. Ou mentent. Jusqu'au monument aux morts qui invente un Oradour  nazi...



Des juifs du village, seuls survivent ceux qui se sont convertis ou  exilés  à temps.



La jeune et talentueuse metteure en scène,  dans une note d'intention écrit : " grâce à la transposition dans la langue française, ce texte devenait l'extraordinaire parabole de n'importe quelle communauté face à la violence de la politique, des idéologies changeantes qui provoquent des prises de position,  mènent à la dissolution des liens entre individus" .



Elle ajoute néanmoins: " Ayant vécu en Pologne jusqu'à l'âge de 24 ans j'ai subi le silence au sujet des Juifs disparus, silence imposé par le pouvoir officiel, entretenu comme un tabou au sein de ma famille, de l'école, de la société. Ce travail théâtral guérit cette blessure."

 
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L'histoire de Jacob

Je remercie chaleureusement Babelio, Masse Critique et les Presses Universitaires du Midi, car ce titre a tenu toutes les promesses de la quatrième de couverture, qui m'avait attirée. La préface, par contre, m'a fait croire un moment qu'il s'agirait d'une lecture difficile, rébarbative. de plus, le fait qu'il s'agisse d'une pièce de théâtre me rebutait, je n'avais pas relevé cet aspect lors du choix du livre. J'avais tort. L'écriture est fluide, limpide. Tout en lisant, j'imaginais les personnages sur scène.

Il s'agit de l'oeuvre d'un auteur dramatique polonais contemporain, Tadeusz Slobodzianek. Également metteur en scène, il dirige actuellement le Théâtre dramatique de Varsovie.

Il s'est inspiré d'un fait réel, la vie de Romuald Jakub Weksler-Waszkinel, né dans un ghetto de Varsovie, confié par sa mère juive à un couple de polonais catholiques, afin de le sauver.

Leonard Neuger, dans sa préface, renvoie cette pièce au Jugement biblique de Salomon dans le Premier Livre des Rois. Deux mères se disputent un enfant. Salomon leur propose le choix entre deux solutions : soit il coupe l'enfant en deux et en donne une partie à chacune. Soit celle qui le chérit le plus le laisse à l'autre pour qu'il puisse vivre. " La mère - décide finalement Salomon - est celle qui préfère donner l'enfant à l'usurpatrice plutôt que de le condamner à mort."

Pour ma part, plus loin que ce symbole, j'y vois la quête difficile de l'identité (c'est ce qui m'a attiré dans le livre) et la critique féroce des communautés trop fermées (religieuses ici, mais on peut facilement extrapoler).

Les parents adoptifs de l'enfant (Marian dans la pièce, puis Jacob) l'ont élevé comme leur fils, avec beaucoup d'amour, et dans leur foi. Il est devenu prêtre. La pièce nous décrit alors la vie d'un prêtre ingénu et pur découvrant les dessous de la vie des religieux et des fidèles qui partagent son quotidien. Il est terrorisé par les confidences qu'il doit écouter en confession :

"Marian : Pourquoi c'est à moi que vous dites tout çela ?

Curé : C'est la tradition, mon père, vous êtes prêtre, nous nous confions les secrets de nos âmes...

Marian : Comment pouvez-vous continuer à être prêtre ? Confesser ? Communier ? Donner la communion ?"

"Marian : Mon Dieu, ai-je pensé, c'est donc ça, la vie ?"

A l'âge de 35 ans, au cours d'une conversation importante avec sa mère, il découvre qu'elle n'est pas sa vraie mère, et qu'il est juif :

"Maman : Je t'ai juste sauvé. C'est une Juive qui t'a mis au monde. Elle a dit : sauvez-le au nom de ce Juif en qui vous croyez, au nom de Jésus, il sera prêtre et enseignera..."

"Marian : Qui étaient mes parents ?

Maman : Je ne sais pas. Ton père était le dernier tailleur du ghetto.

Marian : Tu ne sais pas comment ils s'appelaient ?

Maman : A quoi bon le savoir ? Pour être torturée par les Allemands ? Si je me faisais prendre ?"

Dès lors, il se sent "double" :

"Marian : Essaie de comprendre. Maintenant, je suis double. J'ai deux mères. Deux pères. Une soeur Catholique et un frère Juif qui a été assassiné enfant. Il est toujours avec moi. Je suis Juif et je dois essayer d'être Juif parmi les Juifs."

il va rechercher des traces de sa famille juive. L'ayant retrouvée grâce à une religieuse, il prend le nom de Jacob et va en Israël pour la rencontrer. Sa volonté est de ne renier aucune de ses deux personnalités, il veut rester prêtre catholique tout en devenant juif, puisque le souhait de sa mère juive était qu'il soit prêtre catholique :

"Marian : Aujourd'hui, j'ai eu la révélation. je suis un Juif de Jésus..."

"Jacob : C'est moi. Un prêtre portant la kippa et la collerette."

Il est très bien accueilli, mais c'est une famille pratiquante (son oncle est rabbin) qui a déjà programmé sa vie future :

"Oncle Noam : On est soit un canard, soit une poule...

Voilà ce que tu vas faire. Nous avons des kibboutz religieux où les Juifs reviennent à la foi. Tu vas entrer dans un tel kibboutz. Tu ne peux pas t'appeler comme ton père. Ça n'existe pas chez les Juifs. Ça porte malheur. Nous allons te trouver une Juive, belle de corps et d'esprit, qui te donnera des filles et des fils. "

Il va tenter de faire beaucoup de concessions, mais sans succès.

"Rabbin : Peut-être n'est-ce pas une bonne place pour toi ici ?

Jacob : Pourquoi ? Je me sens bien avec vous. de quoi s'agit-il ?

Rabbin : Tu ne devais pas manifester tes sentiments de prêtre. Et pourtant tout le monde sait que tu portes une croix... As-tu entendu parler de la communauté de Jacob à Jérusalem? Ce sera peut-être un bon endroit pour toi. La communauté des Juifs de Jésus. Prêtres. moines..."

Arrivé dans cette communauté, bien accueilli, il apprend aussitôt qu'il lui est loisible uniquement de participer à des travaux ménagers : "Cuisine, lessive, ménage". Il ne doit pas utiliser Internet :

"Frère Daniel : Internet, c'est la plus grosse maladie de tous les temps".

La pièce se termine dans cet impasse :

Jacob : Merci.

J'ai étudié la philosophie,

J'ai fait mon doctorat,

Des centaines d'articles, de sermons,

Et j'ai atterri à la laverie...

(...)

Jacob : Daniel, je n'ai pas encore défait mes bagages ! Je peux m'en aller !

Frère Daniel : Alors va-t-en !

Jacob : je vais aller aux archives.

Ce sera une promenade agréable.

Je trouverai un café

Où il y a Internet.

J'écrirai à Stefa (sa soeur)

Je répondrai aux mails.

J'ai pris ma valise.

Qui suis-je ?

Je ne sais pas.

Remettre tout cela en ordre.

Je le veux vraiment.

Quel silence.

Quel abandon.

Plus personne.

Je suis sorti dans la rue

Et j'ai fermé la porte derrière moi."



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L'histoire de Jacob

Je voudrais dans un premier temps remercier Babelio et les Presses universitaires du Midi pour cet envoi. Le sujet m’intéressait et même si je n’aime pas tellement lire les pièces de théâtre, celle-ci m’a transporté. Je n’ai donné que trois étoiles, parce que la fin m’a laissé sur ma faim. Pour être franc, je ne la comprends pas vraiment, mais je n’en dirai pas plus sur ce sujet.

Nous suivons la vie d’un Polonais, fils de juifs durant la guerre, il est sauvé de l’holocauste par une famille catholique. Alors qu’on lui cache ses origines, sa mère le conduit vers la prêtrise. Il semblerait que ce soit là les vœux de sa mère biologique, une façon de le protéger. Enfant d’une famille catholique largement teinté d’anticléricalisme dans le côté paternel, j’ai particulièrement gouté la scission parentale autour de la carrière cléricale.

À travers les yeux de cet homme qui passe d’un antisémitisme diffus à la conscience de ses origines, nous traversant l’histoire de la Pologne contemporaine, de son rapport au judaïsme ainsi qu’un pouvoir. C’est un régime autoritaire que nous visitons, le clergé existe, mais il est encadré. Les voyages en occident sont des occasions de diffuser des informations. On découvre accessoirement que l’antisémitisme reste présent tout au long de la période communiste. Philosophe, c’est à travers la personne de Bergson (juif qui a évolué vers le catholicisme sans vouloir se convertir pour rester avec ses frères persécutés) qu’il chemine lui-même dans la conscience de sa judéité. Il tente alors de concilier son catholicisme, sa prêtrise et ses origines. Volontairement, il fait évoluer son prénom, de la référence catholique Marian, vers la référence juive Jacob après un passage dans l’entredeux. Il transporte avec lui l’interrogation sur le rapport entre l’appartenance au peuple juif et à la religion juive.

Le texte se passe sur un temps relativement long. Beaucoup d’éléments m’ont d’ailleurs laissé perplexe autour du développement des technologies. Sans être particulièrement terre à terre, j’ai été sorti de la pièce par quelques références qui me semblaient anachroniques, sans que je puisse réellement affirmer que ce fut le cas.

C’est une pièce intéressante que je serais curieux de voir sur scène.

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L'histoire de Jacob

Pièce de théâtre polonaise qui aborde l'holocauste polonais, le communisme, Solidarnosc.

Marian, bébé juif, a été sauvé par une famille polonaise chrétienne au péril de leur vie, et deviendra prêtre.

Le début de la pièce commence par la description de sa famille composée de son père, de sa mère et de sa soeur Stefa. Tout ce qu'il demande lui est accordé contrairement à sa soeur qui en éprouve de la jalousie. En grandissant le prêtre du diocèse, en raison de sa belle voix lors des chants, lui dit qu'il pourrait être prêtre et en effet il le devient. Ensuite il part pour Paris pour y préparer une thèse sur la métaphysique de Bergson. Là il rencontre une prostituée, l'évangélise pour lui demander d'abandonner sa "profession", tout comme la Marie Madeleine de la Bible. Mais sa soeur Stefa, jalouse, va divulguer le fait qu'il pêche avec cette prostituée. De retour chez lui, il décide de quitter la prêtrise face à tant de mensonges et d'hypocrisies.

Sa mère lui révèle avant sa mort, qu'il est né d'une mère juive, et que cette dernière lui a confié son enfant pour lui éviter une mort certaine (à mettre en rapport avec l'histoire de Moïse, et de la fuite en Egypte de la Vierge Marie).

Il décide alors de partir en Israël pour retrouver sa vraie famille qui va lui demander d'être rabbin et de fonder une famille. Il portera désormais le nom de Jacob comme son père.

La fin de la pièce de théâtre n'est qu'évocation de la guerre et de ses horreurs.

Cette pièce de théâtre est décousue par les phrases qui sont posées les unes à côté des autres, avec un rythme hâché, saccadé. Parfois aucune suite logique les actions ou les personnages arrivant brusquement. Le facteur temps n'est pas respecté et l'on passe d'une phrase, à une autre époque ou à un autre lieu..... Mais cette pièce m'a intéressée par ses repères à la Bible.

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