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Critiques de Tak-hwan Kim (24)
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Les mensonges du Sewol

Quand la plume est aussi acérée qu'une épée, aussi imposante qu'un obus, aussi précise qu'une balle tirée à bout portant. Quand des témoignages, réunis et structurés, permettent de faire exploser la vérité, de dégoupiller les rumeurs et de tuer toute forme d'indifférence et d'oubli. Quand un livre permet de réhabiliter des personnes, de leur offrir dignité et honneur. Quand un écrivain parle à la place de personnes bafouées, dont l'écrit ou l'oral n'est pas la culture, trop petites et démunies face à des monstres tels que le gouvernement ou la police, voire la société…



Voilà ce qu'est cette oeuvre « Les mensonges du Sewol » du coréen Tak-hwan Kim, aux superbes éditions l'Asiathèque. L'auteur a en effet pris la plume pour dénoncer, dire la vérité, réhabiliter. Guidé finalement par les mêmes questions que les plongeurs mis à l'honneur ici : est-ce bien et puis-je le faire ? Pour les plongeurs, ce fut une obligation morale d'aller remonter des cadavres afin que les familles puissent faire leur deuil, la réalité de la mort n'étant palpable qu'une fois le corps retrouvé et les funérailles terminées ; et en leur qualité de plongeurs, ils en étaient capables. de même l'auteur estime qu'il est de son devoir d'être solidaire des familles des disparus et des plongeurs, et il a ce talent d'écrivain. D'où ce roman. Roman magistral.



« Je ne veux pas que tout ce qu'ils ont fait, tous les dangers qu'ils ont rencontrés, tous les risques qu'ils ont pris, tous ces moments dramatiques, tombent dans l'oubli ».



« Lisez avec le coeur et indignez-vous avec la tête ! ». Oui, mon coeur déborde et se serre, ma tête s'indigne, après lecture de ce livre engagé et vibrant, véritable hommage, défendant des plongeurs coréens qui, au péril de leur vie, sont allés repêchés les cadavres de personnes après le naufrage du Sewol, ferry sud-coréen assurant la liaison entre Incheon et l'île de Jeju, le 6 avril 2014. Il transportait 476 personnes dont 325 lycéens. Ce naufrage a provoqué la mort de 304 personnes dont 293 retrouvées. Parmi les 304 défunts essentiellement ces lycéens alors en voyage scolaire.



Après cette tragédie, les plongeurs, habituellement taiseux sur leurs missions et tenus par des clauses de confidentialité, ont été maladroits, brutaux, parfois sanguins et volcaniques, bref ils ne maitrisaient pas les codes de la communication. L'auteur se fait ainsi leur porte-parole et donne parole à un des plongeurs, Na. A l'origine ce qui motive Na est de s'opposer à l'inculpation d'un de ses collègues, rendu responsable de la mort d'un des plongeurs. Il écrit donc au juge. Mais c'est aussi l'occasion pour lui d'expliquer le contexte, les interrogations, les incompréhensions, et surtout la recherche, à plus de 60 mètres de profondeur, de cadavres de lycéens…Les passages consacrés à cette recherche sont édifiants, terrifiants, superbement décrits. Comme l'explique Na, repêcher des cadavres signifie se faufiler dans les dédales du bateau en pleine obscurité, éviter les nombreux obstacles dangereux qui gênent la progression, entrer dans les petites cabines, puis, si un corps est trouvé, le prendre en l'étreignant afin de ne faire qu'un avec lui pour se faufiler de nouveau vers les sorties : « Derrière le lit, je distingue des corps. J'enfonce mon bras plus avant et, en tâtonnant, devine la situation. Dans ce réduit, des garçons se tiennent embrassés. Jong-hu et trois autres lycéens ont vécu là leurs derniers instants. En touchant leurs épaules et leurs mains entrelacées, je pleure à chaudes larmes ».

L'auteur mettra ensuite à l'honneur l'indignation, les séquelles parfois irréversibles, tant physiques (ostéonécrose, migraines, maux de dents, tremblements, déchirements musculaires, tendinites) que psychologiques (hallucinations, dépressions, haptophobie…).



A cette narration, s'entremêlent des chapitres dédiés aux « voix du 16 avril », témoignages de protagonistes divers dont l'auteur souhaite conserver trace : parents de rescapés, parents d'enfants décédés, médecins, kiné, psychologue, fiancée de Na avec laquelle il devait se marier : « Dans le face-à-face avec ces interviewés, j'avais l'impression d'être dans une caverne sombre et humide, un nouveau Jonas dans le ventre de la baleine ».



Que dénonce plus précisément ce livre qui a permis, entre autres, de destituer le gouvernement coréen de l'époque ?



- La gestion des premières heures du drame tant sur le bateau où on a imposé aux élèves de ne pas bouger et de rester enfermés dans leurs cabines, qu'au niveau des secours : seuls 8 plongeurs peu expérimentés ont tenté de remonter des survivants les 72 premières heures, délai au-delà duquel il est vain d'espérer de retrouver des survivants du fait de la présence de poches d'air. Or les informations officielles faisaient état de 500 plongeurs. Enorme mensonge alors que les négligences et les retards, la gestion calamiteuse des secours, expliquent ce naufrage et surtout le nombre de victimes. « Les ministres, la police, les journalistes, tout ce beau monde a été défaillant et a manqué à ses devoirs. Au fur et à mesure que le temps passe, je me rends compte que seuls les plongeurs ont été efficaces ».





- le manque de suivi, de soutien et de respect vis-à-vis des plongeurs professionnels qui vont plonger deux à trois fois par jour au péril de leur vie et qui connaissent des conditions de travail dantesques, sans médecin ni psychologues sur la barge pour les épauler, barge sur laquelle directement ils dorment et mangent sans aucun confort. Leurs séquelles physiques et psychologiques vont s'avérer être catastrophiques alors que le gouvernement leur accorde juste quelques mois de soins remboursés après les avoir remerciés de façon irrespectueuse et brutale : « C'était l'hiver. On a eu l'impression d'être balancés, sans combinaison, dans une eau glacée ». de parfaits citrons les plongeurs : on les a pressés et à présent on jette ce qu'il en reste, cette sorte d'écorce rabougrie.



- Les rumeurs au sein de la population qui font dire que les plongeurs ont plongé uniquement pour l'argent gagné (5000wons par cadavre), le business des cadavres s'avérant ainsi juteux, les plongeurs laissant parfois exprès des corps afin de faire monter leurs primes au fur et à mesure des semaines écoulées. le cadavre devenant en effet une denrée rare, donc devant plus cher… rumeurs abjectes qui finissent de détruire les plongeurs. La société coréenne ne sait rien des plongeurs, ce livre permet de les éclairer.



Au-delà de la dénonciation, ce livre est très émouvant. La confrontation entre les plongeurs et les parents de victimes notamment est poignante. Les moments de recueillement près du lieu du naufrage pour les onze familles dont les enfants sont restés dans les profondeurs abyssales, sont déchirants. Les séquelles pour les plongeurs auxquelles nous assistons sont révoltantes ! Mais surtout, surtout, le respect qu'ont les plongeurs pour les défunts repêchés est magistralement traduit, tous les morts étant considérés dans leurs individualités et leurs caractéristiques. C'est comme s'ils prenaient vie sous la plume de Tak-hwan Kim.



L'auteur a magistralement réussi à ce que l'on n'oublie jamais et les défunts et les plongeurs. Notamment ce plongeur, Na, qui s'est suicidé peu de temps après.



le printemps arrive, la fleur s'ouvre.

La fleur s'ouvre, je suis triste.

Bien cruel est ce printemps.





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Les mensonges du Sewol

On sort abasourdi de ce roman au service de la vérité ! Kim Takhwan, pour qui « La vérité ne se révèle que dans les profondeurs », nous plonge corps et âme dans les limbes du naufrage du Sewbol, que la manipulation médiatique a noyé sous les mensonges. Vous avez peut-être entendu parler de ce ferry sud-coréen, chaviré le 16 avril 2014 avec 476 personnes dont 325 lycéens et professeurs, provoquant 304 morts, dont 5 corps non-retrouvés. Une brusque manoeuvre l'aurait retourné à cause d'une importante surcharge. Oui, le profit l'a encore emporté sur des vies humaines. Mais un naufrage près des côtes avec un sauvetage bien organisé n'aurait pas dû faire autant de victimes. Les informations répétaient que le gouvernement déployait plus de 500 plongeurs pour porter secours aux passagers. le narrateur, Na Kyong-su, était l'un d'eux. Pourtant lorsqu'il arrive sur les lieux 5 jours après le naufrage, du 20 avril au 10 juillet, ce n'est plus pour sauver des vies mais pour ramener les corps aux familles. Et ce qu'il découvre sur place le crucifie : Une équipe de 8 plongeurs seulement qu'il trouve à l'épuisement. Pourquoi l'Etat n'a pas dépêché l'armée des 550 promis pour sauver ces vies ? Peut-être parce que sa Présidente fut introuvable durant les 7 premières heures… Dans ces conditions, l'inculpation d'un collègue pour homicide par négligence après la mort d'un plongeur est la goutte d'eau qui fait déborder l'océan : Na Kyong-su écrit au juge pour le disculper, et incriminer l'organisation par les autorités. Son récit est le témoignage édifiant de ce que les plongeurs ont vu, entendu, vécu et subi. Pour l'écrire, l'auteur s'est rapproché de l'un des véritables plongeurs appelé sur ce drame. C'est leur histoire qu'il raconte. Une histoire d'épave et de gentils fantômes, qui les hantent tellement que le vrai plongeur s'est suicidé après avoir raconté son histoire.





Dans sa lettre au Juge, plaidoyer de presque 300 pages qui convoque de nombreux témoignages d'acteurs et de victimes du drame, Na Kyong-su rapporte ce que les informations officielles ont camouflés. A qui profite le crime ? Aux investisseurs et aux dirigeants, qui se glorifient d'avoir fait tout ce qu'ils ont pu alors qu'ils ont tout fait pour que personne n'en réchappe. Une vérité effroyable qui brise exceptionnellement l'omerta de cette armée de plongeurs professionnels exhortés au silence, écoeurés du système mais qui, pourtant, ont donné toutes leurs forces dans des conditions épouvantables pour que les âmes errantes des noyés puissent remonter à la surface, dire au revoir aux vivants. « Que ceux qui ne se sentent pas capables d'étreindre des cadavres et de les ramener jusqu'ici lèvent la main », les accueille-t-on. Des jours durant dans l'eau glaciale de l'océan, ils oscillent entre une surface truffée de mensonges et des profondeurs mortifères, naviguent entre les algues et les parois instables du navire, luttent à 40 mètres de profondeur dans des courants incroyables, cherchant les corps, leur parlant pour que leurs âmes les suive, se faufilent entre les bagages mouvants et les couvertures s'enroulant autour d'eux comme des méduses ; ils remontent avant de mourir de fatigue, respirent puis retournent, encore et toujours, danser sous les vagues, rejoindre les profondeurs marines noires comme les mines, où règne le silence des morts que l'on aurait pu, que l'on aurait dû éviter.





« Si vous avez réussi à sortir un corps, ne le laissez surtout pas échapper car vous ne le reverrez jamais ». Ce roman est un hommage au sacrifice de ces héros. « Nos idées noires, nos chagrins, c'est à nous, les plongeurs, de les gérer, en solitaires. Avec qui d'autre pourrions-nous partager le côté dramatique de cette étrange étreinte ? » C'est aussi une condamnation de la manière dont a été traité ce drame par les autorités, tant au niveau du sauvetage que de la manipulation des informations et du public. C'est enfin la dénonciation du traitement infligé aux plongeurs, au mépris de leur santé physique et mentale à long terme. « Les cheveux du corps ondulent, me masquent la vue et réduisent à zéro une visibilité déjà très mauvaise. J'ai l'impression d'être étouffé, étranglé. Puis, un visage apparaît à hauteur de mes yeux et s'immobilise. Nous voilà face à face. Les yeux clos, la noyée semble dormir paisiblement. J'ai hâte de la ramener à sa famille qui l'attend. » Une incroyable plongée au coeur d'un désastre humain. Comme pour le Bateau-usine, je me dis que l'inhumanité n'a aucune limite lorsqu'il s'agit de pouvoir et d'argent. « D'un côté des plongeurs dévoués corps et âmes à la recherche des disparus, de l'autre un état qui se réfugie derrière des phrases »… le narrateur répète que le mot obscurité est insuffisant pour décrire la noirceur des profondeurs. Que dire de la noirceur des âmes humaines à l'origine de ce drame…?

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Les mensonges du Sewol

« le printemps arrive, la fleur s'ouvre.

La fleur s'ouvre, je suis triste.

Bien cruel est ce printemps.



Au printemps, les fleurs sont splendides, mais il suffit d'une brève pluie pour les faire tomber. »



Au moment même où je m'apprête à écrire ma critique, mes pensées s'entrechoquent. Comment exprimer mon ressenti après une telle lecture ?

J'ai commencé ce livre en août, après la bouleversante critique de HordeduContrevent, et je n'ai pas pu. Après seulement quelques pages lues, je l'ai refermé, envahie par mes émotions, préférant repousser cette lecture à plus tard, attendre un meilleur moment.

Cette histoire ne m'a pas quittée pendant ces trois mois où je l'ai laissée de côté, je savais que lorsque je la reprendrai, j'écouterai jusqu'au bout, ce précieux témoignage.



*

« Les mensonges du Sewol » est un livre choc, un livre coup de poing, un livre poignant. Je n'ai pas de mots suffisants pour exprimer mon ressenti de lectrice. Tout un tas d'émotions fortes m'ont envahie durant ma lecture, de la colère à l'écoeurement, en passant par la tristesse, la compassion. A certains moments, les larmes n'étaient pas loin.



Les étoiles que l'on met pour exprimer nos avis ont ici, un caractère puéril, indécent, voire irrespectueux car dans ce livre, il est question de centaines de vies humaines gâchées par l'irresponsabilité d'un armateur, l'incompétence de l'équipage, la lâcheté du capitaine qui a abandonné son navire, les graves manquements du gouvernement, la négligence des garde-côtes, les défaillances quant à l'organisation des secours.



Ce livre est le témoignage de Na Kyong-su, un des plongeurs professionnels qui a accepté de risquer sa vie pour remonter les corps des victimes piégées dans leur cabine.

Raconté simplement, ce témoignage n'en est que plus percutant et bouleversant.



« Quand je suis arrivé sur la barge, la première nuit, je me suis demandé comment je réagirais devant le corps d'un élève noyé dans ce chenal. En fait, ce cadavre trouvé, une seule pensée m'habite, celle de le sortir de là au plus vite pour le rendre à sa famille. Mes larmes commencent à couler. »



*

Le 16 avril 2014, le Sewol sombre dans le chenal de Maenggol, emportant avec lui 304 victimes, dont plus de 250 lycéens, partis en voyage scolaire.

Les causes du drame restent encore aujourd'hui confuses, mais le profit, la corruption, le mépris des règles de sécurité pourraient expliquer cette tragédie.



*

Des plongeurs professionnels vont alors se proposer pour aider les secours.

Ils seront en première ligne pour retrouver les victimes noyées dans les entrailles du ferry sud-coréen.

Malgré leur professionnalisme et leur expérience des plongées à haut risque, ces hommes aguerris et fiers vont plonger sachant pertinemment qu'ils mettent en péril leur santé et leur vie.



« Déjà sur la barge, la violence de la houle m'inquiétait. Au fond, le courant est bien plus rapide que ce à quoi je m'attendais. J'ai dit courant rapide. En fait, je me trouve à l'horizontale, comme un drapeau flottant au vent. Si je ne me cramponne pas à la corde, je serai emporté. Si je me raidis, je luxerai mes dorsaux et tordrai ma colonne vertébrale. »



Lors d'une plongée, ce sera l'accident et un des leurs décèdera.

Ce sera l'incompréhension et la consternation lorsqu'un d'entre eux sera rendu responsable de la mort de son collègue, accusé de négligence, de faute professionnelle et d'homicide involontaire.

Tenus au devoir de réserve, ses hommes ont offert leurs compétences, se sont investis au-delà de leurs limites physiques et psychologiques sans jamais se plaindre, considérant leur engagement de retrouver tous les corps comme un devoir moral envers les familles.



Le gouvernement en qui ils avaient une totale confiance, les a hypocritement utilisés, puis laissés tomber comme une vieille chaussette. Certains d'entre eux décident alors de ne plus se taire et de raconter.



*

L'auteur Kim Takhwan relate avec beaucoup d'humilité et d'humanité ce drame, se mettant au service des plongeurs pour dénoncer tous les mensonges qui ont entouré le naufrage, l'irrespect infligé aux plongeurs, l'attitude scandaleuse et honteuse du pouvoir en place, la vision étriquée de l'opinion publique, l'indécence des journalistes.

Comment ne pas ressentir de la colère face aux injustices dont ils ont été l'objet ?



Le récit prend la forme d'un long réquisitoire sous forme de lettres adressées au juge du tribunal de Séoul dans laquelle le narrateur, Na Kyong-su, tente de disculper son collègue.

Son récit est entrecoupé d'entretiens, de témoignages avec des proches des victimes, des rescapés, des parents endeuillés, des plongeurs, des pêcheurs, des journalistes, certains Coréens exprimant leur opinion méprisante sur cet événement douloureux.



*

Na Kyong-su se remémore la descente vertigineuse dans les profondeurs, les courants violents dans la passe, la visibilité quasi-nulle, la difficile recherche des cadavres dans l'épave, la remontée des corps.



« Une fois sous l'eau, je porte mon regard vers le haut et j'aperçois une flaque de lueur pâle qui s'estompe. Comment décrire cette sensation d'être chassé de la lumière du soleil ? Dire "obscurité" ne suffit pas. Même en plein air, cette impression perdure, celle d'une solitude. A croire que le chatoiement et le scintillement de la surface de la mer sous un soleil de printemps n'ont jamais existé. »





Il dénonce leurs conditions de travail éprouvantes, indignes.

Il décrit les maladies professionnelles auxquelles ils ont dû faire face après ces mois de plongées, les graves traumatismes dont ils sont encore victimes.

Il se révolte contre toutes les accusations mensongères et injustifiées, les stratégies de manipulation de l'opinion publique pour empêcher les gens de comprendre la responsabilité du gouvernement dans cette catastrophe.



*

J'ai été émue par le sacrifice de ces hommes, leur solidarité, leur humanité, leur silence.

J'ai été touchée par le choix des mots. Les moments les plus glauques, la découverte d'un corps, sont aussi des moments magnifiques. Vous ne trouverez aucune description sordide de l'état des corps, seulement du respect et de la compassion. Na Kyong-su parle à ces enfants, les manipulant avec douceur et humilité.



« Les cheveux du corps ondulent, me masquent la vue et réduisent à zéro une visibilité déjà très mauvaise. J'ai l'impression d'être étouffé, étranglé. Puis, un visage apparaît à hauteur de mes yeux et s'immobilise. Nous voilà face à face. Les yeux clos, la noyée semble dormir paisiblement. »



J'ai été indignée par certains témoignages, la bêtise des gens qui se laissent manipuler par les médias sans aucune réflexion.

J'ai été dégoûtée par l'attitude du gouvernement.

*

« Les mensonges du Sewol » est un récit bouleversant sur le courage de ces hommes simples qui ont plongé parce que c'était leur devoir.

A découvrir.

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Les romans meurtriers

Ce n'est pas sans une certaine fierté que Yi Myeong-bang, dosa de la Haute Cour de Justice, conduit le romancier Cheong Un-mong vers la Porte Neuve où il doit être écartelé. Âgé de vingt ans à peine, bien né, guerrier émérite et déjà haut fonctionnaire, Yi vient de mettre un terme à une série de meurtres qui terrorisait les habitants de Joseon depuis trop longtemps; des meurtres signés, puisque près de chaque victime se trouvait un des nombreux romans de Cheong Un-mong. Arrêté, le romancier a bien sûr nié farouchement, mais sous la torture, il a fini par avouer ses crimes. Mais si Yi pense que cette exécution met un point final à son enquête, il se leurre. C'est ce que va essayer de lui prouver son ami Yanoi en l'introduisant dans le cercle de l'École de Baektap, un groupe de lettrés et de savants, tous des amis proches du condamné, et tous persuadés de son innocence. Ces érudits avant-gardistes, bien que cultivant divers talents, n'ont pas accès aux plus hautes fonctions de l'État, car issus, le plus souvent, de liaisons adultérines. Pourtant, ils apporteraient beaucoup au pouvoir en y introduisant de nouvelles idées et de nouvelles techniques. Admiratif, mais méfiant puisqu'il a tout de même arrêté et exécuté leur ami, Yi se plaît à les fréquenter et se lie avec Kim Jin qui lui sera d'une aide précieuse dans sa nouvelle enquête. Car, loin de s'arrêter, les crimes reprennent de plus belle, et au chevet des victimes, des oeuvres posthumes de l'écrivain écartelé. N'écoutant que son sens de la justice et son envie de plaire à la belle Miryeong, la soeur de Un-mong, Yi se lance sur la piste du vrai coupable.



Pour qui l'histoire de la Corée du XVIIIè siècle est un obscur mystère, voici un polar historique qui fera office de guide dans les méandres de ce qui était à cette époque le Royaume de Joseon, prospère, florissant, et dirigé par Jeongjo, 22è roi de la dynastie Yi.

Le livre est au coeur de l'intrigue puisqu'il s'agit là d'une période charnière où l'on commence à faire des copies sur bois. La lecture se démocratise et le roman devient une mode. Pourtant, le roi s'en méfie, les récits inventés sont pour lui sans intérêt, voire nuisibles. Ils sont donc interdits et vendus clandestinement. C'est dans ce contexte qu'ont lieu les crimes liés aux romans de l'écrivain le plus populaire du moment. Le dosa Yi, après une erreur flagrante et l'exécution d'un innocent, reprend son enquête, influencé et aidé par un groupe d'intellectuels qui représentent l'avenir du pays. Mais leur ouverture, leur modernité, leurs voyages en Chine ou au Japon et leurs origines sans noblesse les font mal voir par les gens de pouvoir qui complotent contre eux, surtout quand le roi envisage de leur confier la gestion de la grande bibliothèque. Le jeune Yi ne sait plus où donner de la tête. Doit-il soutenir ses nouveaux amis et continuer de les fréquenter ? Doit-il s'en éloigner pour sauvegarder sa réputation, comme on le lui conseille fermement ?

Intrigues de palais, trahisons, meurtres et romans dans la lointaine époque de Joseon pour un polar historique très original et enrichissant qui gagne à être connu. Une bien belle découverte.
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Les mensonges du Sewol

Le 16 avril 2014, le Sewol, ferry reliant Incheon à l'île de Jeju, sombre quelques heures après avoir quitté le port. A son bord, 476 passagers, dont 325 sont des lycéens de la ville de Ansan. Dès l'annonce du naufrage, des pêcheurs, des bateaux commerciaux, la marine nationale et les garde-côtes se rendent sur place et sauvent 172 passagers. Car sur le bateau, ordre a été donné aux lycéens de rester dans leur cabine. Les canots de sauvetage n'ont pas été mis à l'eau. L'équipage n'a pas su gérer la crise. Pour les parents, l'espoir demeure de retrouver leurs enfants vivants, protégés par le système de cloisonnement du bateau et les possibles poches d'air. Mais aucune décision n'est prise pour des recherches sous-marines. le gouvernement annonce la présence de cinq cents plongeurs sur les lieux mais il n'en est rien. Quand, trois jours après le drame, une équipe réduite de plongeurs privés commencent les recherches dans des conditions périlleuses, ils savent tous qu'ils sont là pour remonter les corps sans vie des lycéens d'Ansan.

La catastrophe provoque une onde de choc en Corée du sud. Comment un tel drame a-t-il pu se produire ? Qui est responsable ? L'armateur qui n'a pas respecté les capacités de chargement du ferry ? le capitaine qui a commis une erreur de navigation ?

Mais des questions se posent aussi sur le sauvetage. Pourquoi la Corée a-t-elle refusé l'aide internationale ? Pourquoi les secours officiels n'ont-ils pas été mobilisés immédiatement ? Pourquoi l'équipage a-t-il demandé aux passagers de ne pas quitter leurs cabines ?

Autant d'interrogations sans réponses ou plutôt une multitude de réponses qui ont mis à jour un système de corruption, d'impréparation, d'incompétence…



Comme tous ses concitoyens, l'écrivain Tak-Hwan Kim a été profondément touché par ce drame. Et il a lui aussi cherché des réponses, en interrogeant les parents des victimes, les avocats, les journalistes, mais aussi les citoyens lambda parfois exaspérés par les manifestations de colère des parents endeuillés. Et, surtout, il s'est intéressé au sort des plongeurs envoyés sur les lieux pour remonter les cadavres.

Son ‘'roman vrai'' prend la forme d'une longue lettre adressée à un juge d'instruction par un plongeur pour disculper un collègue et ami accusé d'homicide involontaire, suite au décès accidentel d'un plongeur surmené et surexploité. Ce plongeur, renommé Na Kyong-su, livre dans un touchant plaidoyer sa version d'une opération qui n'avait plus rien d'un sauvetage. Contrairement aux déclarations de l'Etat qui estimaient leur nombre à plus de cinq-cents, ils étaient huit. Huit volontaires qui ont plongé jour et nuit, sans respect des temps de repos, dans des conditions périlleuses aggravées par la profondeur du site, les vifs courants marins, l'obscurité et les pièges d'un bateau sens dessus dessous. Accusés de vénalité, ils ont non seulement mis leur vie en danger, mais aussi leur équilibre psychologique en côtoyant ces cadavres d'enfants, cette jeunesse sacrifiée. Et s'ils ont eu le sentiment du devoir accompli et la reconnaissance de parents soulagés de pouvoir enterrer leurs enfants, ils ont été abandonnés par l'Etat. Plonger en eau profonde n'est pas sans conséquence pour la santé et aucun ne s'en est sorti sans d'importantes séquelles. Les soins, longs et coûteux, n'ont été pris en charge que durant cinq mois. Démunis, amoindris physiquement, détruits psychologiquement, ils ont été sacrifiés sur l'autel de l'économie, de la loi et de l'envie des gouvernants d'oublier le naufrage et ses conséquences.

Avec Les mensonges du Sewol, Tak-Hwan Kim signe un roman coup de poing, émouvant et révoltant. Au-delà du drame, il raconte les failles d'un pouvoir qui n'a pas su prendre soin de ses enfants. La catastrophe a mis en lumière des défaillances, des collusions entre politique et industrie et a contribué à déstabiliser une présidence déjà mise à mal par des accusations de corruption et d'autoritarisme. C'est dans les moments de crise qu'on juge un gouvernement et celui de Geun-hye Park n'a pas été à la hauteur, ni sur le moment, ni pour gérer l'après.

Un livre nécessaire, pour les Coréens, mais aussi pour le monde car nul n'est à l'abri d'un tel évènement, imprévu mais évitable.



Un grand merci aux éditions de l'Asiathèque et à Pascaline Siméon pour cette lecture éprouvante et essentielle.

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Les romans meurtriers

D'emblée 5 étoiles pour ce sympathique auteur sud coréen. Je le remercie pour la note historique, très claire, au tout début qui nous facilite la compréhension. Nous sommes donc sous le règne de Jeongjo dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, une des périodes les plus pospères de la Corée, la Renaissance du royaume de Joseon. Merci aussi pour la liste des personnages, fictifs et réels qui nous simplifie la lecture à nous pauvres lecteurs francophones. C'est vraiment chouette.

Donc, Yi , jeune dosa du royaume sera en charge de l'enquête sur une série de meurtres commis dans la capitale. le meurtrier laisse sur les lieux de chaque meurtre, au chevet de la victime, un roman d'un auteur immensément populaire Cheong Un-mong. Pour l'aider dans son enquête, Yi aura recours au savoir du cercle des lettrés, un groupe d'érudits s'intéressant à tout: arts, sciences, agriculture, botanique, etc. Ce sont des poètes, des musiciens, des écrivains, des philosophes, des maîtres en arts martiaux qui ne sont pas toujours bien vu des nobles de l'entourage du roi. Ces lettrés, férus d'arts et de sciences venant du nord, de la Chine, et de l'Occident sont une menace pour le royaume, leurs idées troublent, déstabilisent, on voudrait bien les faire taire. Cette époque est aussi celle où la production littéraire devient production de masse et accessible à un plus grand nombre.

Rechercher le meurtrier, éviter les pièges des différentes factions politiques, rester loyal au roi, demeurer fidèle à ses amis intellectuels, le jeune dosa Yi nagera en eaux troubles.

C'est un véritable roman policier et parfait dans le genre. Mais au-delà, l'auteur réfléchit à l'influence du "livre", le roman et autres écrits, qui bien sûr sont des objets précieux permettant de transmettre connaissances et savoir. Et d'autant plus inquiétant pour les gens au pouvoir car les livres sont pour eux objet de perversion, danger, il faut s'en débarrasser puisqu'ils embrouillent les esprits et donnent des idées de changement.

Un récit historique des plus intéressants, un roman policier des plus captivants, plein de rebondissements et de poésie.

Une belle, très belle découverte pour moi que ce Kim Tak-hwan.

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Les romans meurtriers

Envie d’un peu de dépaysement? Voici un roman policier tout à fait particulier puisqu’il s’agit d’un polar historique coréen!



L’histoire se passe à la fin du XVIIIe siècle, sous le roi Jeongjo, dans le pays qui s’appelle alors Joseon du nom de la dynastie régnante.



La première chose à faire, d’abord s’habituer aux noms des personnages. Le héros s’appelle Yi Meong-bang, mais il prend aussi le nom de Cheong-jeon. C’est un « dosa », un fonctionnaire de la Haute Cour de Justice. Il rencontrera entre autres le romancier Cheong-Um-mong, le guerrier Back Dong-Su qu’on appelle aussi Yanoi, il se nouera d’amitié avec Kim Jin (Hwakwang) et tombera amoureux de Cheong Miryeong. L’auteur a heureusement ajouté une liste des personnages pour aider le lecteur à s’y retrouver, mais je ne suis pas sûre de pouvoir la lire à voix haute!!!



Parmi les éléments surprenants, la Corée est alors un pays où il est interdit d’imprimer des romans, jugés frivoles et susceptibles de corrompre le peuple. Cela donnera lieu à de belles pages sur la littérature et ce qu’elle apporte.



Et la justice y est bien sévère. Un meurtrier sera écartelé publiquement, sa tête sera exposée dans la ville et ses quatre membres arrachés seront expédiés aux quatre coins du pays. Un fonctionnaire peut être puni de mort pour avoir fait une erreur, on peut exécuter un traitre, mais aussi décapiter ses enfants.



L’enquête de Cheong-jeon fait suite à une série de meurtres qui terrorisent la population. Un romancier sera exécuté, mais sa culpabilité sera remise en question lorsque les meurtres continuent. On assiste à des intrigues de cour, avec des factions rivales, des tenants de la tradition s’opposant à ceux qui veulent le changement. On aura aussi le groupe de « lettrés » qui se réunissent pour discuter de leurs lectures, qui font de la poésie ou de la peinture, mais étudient aussi les fleurs aussi bien que les idées qui viennent d’ailleurs. Des idées parfois dangereuses, car elles arrivent aussi bien de Chine ou du Japon que de mystérieuses civilisations occidentales.



Une lecture enrichissante sur une région du monde moins connue !

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Les mensonges du Sewol

Comment noter un livre qui pour moi est allé bien au-delà du coup de coeur ? Cela me paraît presque futile, au regard du sujet qu'il évoque, des interrogations qu'il soulève, et de la force du témoignage, d'une incroyable véracité, d'une humanité désolante, confrontée à la plus ingrate indifférence envers les vies humaines sacrifiées lors de ce naufrage du Sewol dans le chenal du Maenggol, le 16 avril 2014, il y a maintenant sept ans. Les faits sont d'une cruauté glaçante : le ferry surchargé transportait 476 personnes, dont seules 172 ont été sauvées. Une partie de l'équipage s'est enfuie, après que l'on a donné aux passagers la consigne de ne pas bouger de leurs cabines et des couloirs où ils devaient attendre les secours. Secours qui ne sont jamais arrivés, car le bateau n'a pas été approché avant le 19 avril - lorsque les équipes de plongeurs sont intervenues, c'était pour retrouver des morts (le délai de survie est fixé légalement à 72 heures). Parmi ces morts, de nombreux lycéens qui effectuaient un voyage scolaire sur l'île de Jeju, qui n'ont commis comme seule erreur que d'obéir à la consigne de rester dans les étages inférieurs, et se sont noyés lorsque le navire s'est incliné à 90 degrés.



Pour être claire, je défie quiconque de commencer ce livre et d'arriver à s'arrêter avant la fin. C'est un documentaire poignant, dans lequel l'auteur a pris le parti de mêler les souvenirs d'un plongeur en partie fictif, Na Kyong-su (en coréen, le nom de famille est placé devant), et les "voix du 16 avril", différents témoignages que l'auteur avait réunis pour un podcast. Il s'inspire en grande partie de l'expérience véridique du plongeur Kim Kwan-hong, mais le portrait qu'il dresse et romance légèrement est si saisissant que j'en ai fini par confondre le plongeur réel et le plongeur fictif.



L'auteur a fait un choix très pertinent qui confère une densité rare aux événements : nous suivons l'intervention des plongeurs privés, réquisitionnés pour aller chercher les corps dans le navire, opération périlleuse, car le passage est étroit, encombré par les objets renversés lors du naufrage - pour sortir un corps, il faut le serrer dans ses bras, dans une étreinte éperdue, ne surtout pas le lâcher, en une heure environ, car les courants s'inversent avec les marées, et ceux du chenal sont particulièrement puissants. Ajoutez à cela que la visibilité est quasi-nulle, et surtout que les plongeurs officient deux à trois fois par jour, sans journées de repos (ils sont en nombre insuffisant), sans médecin ni kiné, sans caisson de récupération, et dans un confort tout relatif. Comme si ces dangers et la douleur atroce de remonter des enfants morts, ou de ne pas arriver à les remonter ni à les trouver, ne suffisaient pas, un plongeur nouvellement arrivé dans l'équipe meurt dans un accident, et le chef bien-aimé des plongeurs, Lyu Chang-dae, est accusé de négligence et inculpé pour homicide involontaire.



Face à cette injustice, Kyong-su prend la plume pour écrire une longue déposition adressée au juge, relate les faits entre son arrivée sur la barge le 21 avril et le message sans remerciement qui les congédie le 9 juillet, alors qu'il reste des disparus à retrouver. Les faits vécus sont sans commune mesure avec les mensonges officiels et la désinformation ; les plongeurs, qui n'en demandent pas tant, sont soit portés aux nues soit vilipendés et accusés de s'enrichir aux frais des contribuables. Pourtant, la réalité est que de l'équipe, tous subiront de gravissimes pathologies, alors même que l'Etat décide au bout d'un an de ne plus rembourser leurs soins. Loin de se plaindre, Kyong-su cherche à se faire pardonner des familles, il noue des liens, et se bat pour faire connaître la vérité de l'affaire. Le récit nous apprend aussi l'après, pour les familles, les policiers, les rescapés...



En plus de nous gratifier de scènes d'une beauté terrifiante, où l'amour des profondeurs côtoie la mort, où le travail et la passion d'une vie aboutissent à des visions de cauchemars, de couloirs et cabines sous les eaux, d'enfants noyés, d'objets flottants, le tout dans des ténèbres silencieuses, presque un autre monde déjà... Mais nous apprenons aussi de l'éthique de Kyong-su/Kwan-hong, qui nous donne à voir le courage d'un homme simple, qui dans toute situation se pose deux questions : est-ce que je dois le faire ? est-ce que je peux le faire ? - puis prend sa décision et s'y tient, quel que soit le risque encouru. Que devons-nous sacrifier, et jusqu'où, pour vivre en accord avec la vérité et la justice ? L'écriture enfin est toute de simplicité et de naturel, ramassée telle un fauve prêt à bondir. Je ne peux qu'engager les lecteurs à découvrir ce livre qui nous maintient en apnée, et dont il est difficile de revenir.
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Les romans meurtriers

Joseon, 1778. Yi Myeong-Bang a arrêté et exécuté un auteur de romans qui a avoué avoir assassiné plusieurs personnes. Mais le doute s’installe: le romancier était-il vraiment coupable? L’aide des lettrés de l’Ecole de Baektap pourrait être précieuse pour y voir plus clair.



(...)



C’est un livre un peu compliqué à prendre en main pour un-e lecteur-trice occidental-e peu familier-e avec la Corée. Je ne vous cacherai pas que le contexte politico-historique et littéraire m’a parfois un peu perdue du fait de mon ignorance, mais plutôt que me freiner dans ma lecture, ça m’a donné envie d’aller combler les trous, ce qui est plutôt positif. Et beaucoup de choses sont tout de même expliquées au fil du récit.



Malgré des passages difficiles à suivre à cause de mon manque de connaissances, j’étais à fond dans l’histoire. Il faut dire que les personnages que l’on rencontre sont hauts en couleurs et qu’on n’a pas le temps de s’ennuyer en leur compagnie. Ils sont aussi assez attachants, pour la plupart, autant pour leurs défauts (le mauvais caractère et l’impulsivité ma placée de Yi Myeong-Bang, le côté Je-sais-tout de Kim Jin, etc) que pour leurs qualités (loyauté, soif de connaissances, courage, etc). On a envie de savoir ce qui va leur arriver, s’ils parviendront à démêler les fils d’une énigme policière particulièrement difficile.



Mais l’aspect policier du roman, s’il est bien mené et assez palpitant quand on approche de sa résolution, passe souvent au second plan. L’auteur passe finalement plus de temps à faire revivre pour nous une époque et ses moeurs, à travers le portrait de personnages réels qui se mêlent à d’autres purement fictifs. Il est également beaucoup question de littérature, mais aussi des différents courants de pensée. Les relations de la Corée de Joseon avec les pays voisins et l’Occident sont partie prenante d’un récit qui par ailleurs nous offre de belles scènes d’action.



J’ai appris beaucoup de choses grâce à ce livre, tout en passant un très bon moment avec ses protagonistes. C’était à la fois instructif, distrayant et souvent amusant, malgré le fait qu’on enquête sur des meurtres.



Très bonne lecture, je recommande vivement, en particulier si l’Histoire et la littérature asiatiques vous intéressent.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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Les romans meurtriers

Ce roman nous entraîne en Corée à la fin du XVIIIème siècle (en 1776 pour être précis) à la cour de l’empereur Jeongjo, roi de la dynastie Joseon. On y suit Yi Myeong-bang, dosa de 9ème rang à la haute cour de justice, fonctionnaire de sang royal. Rien que cette petite introduction montre l’exotisme du contexte du roman.



Les personnages principaux font penser à Sherlock Holmes et Watson : le compagnon du narrateur - Kim Jin - semble omniscient suite aux déductions qu’il fait sur des petits détails, il excelle en tout, même au combat, excelle dans l’art musical (il joue du Gayakeum et non du violon), a des manies botaniques et est fumeur de tabac (ce qui semble être l’équivalent du sherlock opiomane). Le narrateur, lui, est mieux intégré à la bonne société coréenne, a quelques fulgurances de déduction mais dans l’ensemble ne comprend pas trop ce qui se passe et est assez naïf. C’est cependant lui qui nous raconte l’histoire et nous fait entrer dans les intrigues du palais et de la haute cour de justice.



L’intrigue, elle, nous plonge dans des débats de société et dans deux visions du monde qui s’affrontent : faut-il laisser les progrès venus de l’extérieur infuser dans la société au risque de corrompre les valeurs traditionnelles de la société? A ce niveau là, le livre est très érudit, concernant la culture classique confucéenne, les instruments de musique ou les livres étudiés par les lettrés à l’époque. On ne comprend d’ailleurs pas tout, ce qui me plaît assez dans ce contexte car j’aime ne pas tout comprendre, ça rappelle que le monde est vaste, les horizons ouverts et qu’on peut passer notre vie à apprendre. J’aurais cependant apprécié en fin d’ouvrage une courte notice expliquant un peu la société coréenne à l’époque.



L’intrigue tourne ensuite autour de l’écriture des romans, qui était une littérature décriée à l’époque et même interdite. La narration est parfois un peu longue, l’intrigue policière étant phagocytée par des rebondissements et des aventures guerrières (avec un petit côté tigre et dragon, des combattants étant capables d’affronter des dizaines d’adversaires) mais reste très plaisante.



C’était en tout cas une lecture plaisante et assez déroutante. Ce livre était annoncé comme un premier tome et j’aurais bien lu la suite pour me faire une meilleure idée et surtout en me disant que le style gagnerait sûrement en efficacité avec un peu plus de maturité. Mais la suite ne semble pas exister en français. N’a-t-elle pas été traduite ou pas été écrite ?

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Les mensonges du Sewol

Le 16 avril 2013, un traversier du nom de Sewol fait naufrage. Sur 476 personnes, surtout des étudiants, seulement 172 survivent. On explique le nombre élevé de victimes par l'ordre donné par les membres d'équipage aux passagers de rester à l'intérieur de leur cabine, également au fait qu'aucun radeaux de sauvetage n'a été mis à l'eau. Plusieurs personnes condamnent la mauvaise organisation des secours …



Des plongeurs professionnels privés sont alors engagés afin de récupérer les corps toujours à l'intérieur de l'épave. L'histoire est vraie et l'auteur s'est inspiré d'un de ses plongeurs qui a pris part à cette opération.



On vit avec le plongeur chaque moment de ses nombreuses plongées: la tristesse de devoir ramener le corps des victimes à des parents souvent anéantis, les effets néfastes sur son corps à force de plonger plusieurs fois par jour …



Roman vraiment très intéressant mais aussi tellement triste !

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Les mensonges du Sewol

Je n'aime pas les termes « récit choc » ou « lecture coup de poing » que je trouve trop accrocheurs, mais pourtant cela définit bien ce livre de Kim Takhwan.



Dans ce récit bouleversant et glaçant, l'auteur donne la parole à un plongeur privé et à diverses personnes en lien avec le naufrage du Sewol, que ce soit journalistes, familles des victimes, avocats etc.



L'auteur s'est attaché à mettre en lumière les interrogations entourant le drame du naufrage du Sewol ayant eu lieu le 16 avril 2014 en Corée, tout en soulignant les conditions extrêmes des plongeurs et les injustices subies.



La narration a un rythme très intéressant puisqu'elle alterne entre les passages d'une lettre à un juge, écrite par un plongeur professionnel et des interviews  regroupées à chaque fois dans « Les voix du 16 avril ». Dans sa lettre, le plongeur confie ce qu'il a vécu et les conditions de travail difficiles, tant au niveau physique que psychologique : trop de plongées en une journée, dangerosité des bas-fonds (très peu de visibilité, de nombreux objets les bloquant, courants violents), et bien sûr l'horreur de devoir remonter les corps.



Je suis outrée de voir la situation précaire de ces plongeurs et la façon dont ils ont été remerciés. Ces personnes ont eu besoin de beaucoup de soins, étant atteint par des maladies terribles suite à leur travail, mais la sécurité sociale ne les a plus aidé au bout de cinq mois. Comment réussir à payer des soins aussi coûteux ? C'est terrible et je pense que très peu de gens connaissent les conséquences des plongées aussi profondes et aussi longues. Aucun soutien donc, et en plus aucune reconnaissance. La population pense à tort qu'ils ont été très bien rémunérés pour « remonter des cadavres », écoutant les fausses rumeurs, les journalistes et les on-dit. Ils ont un peu le mauvais rôle dans l'histoire alors qu'ils ont été totalement dévoués à leur tâche au péril de leur vie.



Je suis également outrée par la façon dont le gouvernement a pris les choses en main et l'incompétence du personnel de bord et de l'ensemble des institutions. Pourquoi dire à ces jeunes lycéens de rester dans leurs cabines ? Pourquoi faire croire aux parents que tout le monde a été sauvé alors qu'aucune aide n'avait été mise en place ? Pourquoi dire qu'il y avait 555 plongeurs alors qu'ils n'étaient en réalité que huit ?



J'ai été profondément bouleversée par la douleur des familles, leur incompréhension et leur quête de vérité, par la vulnérabilité des plongeurs et la façon dont ils ont été traités, mais aussi choquée par la réaction de certains citoyens idiots qui ne se mettent absolument pas à la place des familles des autres et ne pensent qu'à leurs impôts qui vont indemniser les victimes (ce qui plus est, est totalement faux !).



Plusieurs scènes m'ont émue jusqu'aux larmes, mais je garderai surtout en mémoire celle du policier dont une manifestante, mère d'une jeune victime, a essuyé les larmes. Il nous dit qu'il est « discipliné » et obéit aux ordres, même s'il compatit à la douleur des familles, et que finalement « rien ne [les] sépare ».
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Les romans meurtriers

Il n’était pas aisé de pénétrer les arcanes de ce roman. Les noms des personnages m’ont causé beaucoup de soucis, je les mélangeais sans arrêt, les références historiques sur la culture et la politique coréenne n’étaient pas simples non plus tellement, je méconnais ce pays. En plus la période où se déroule le récit 1776-1800 ne me facilitait pas la tâche.

Néanmoins, malgré toutes ces difficultés, j’ai beaucoup aimé ce roman qui voue aux livres et surtout aux romans une admiration et un grand respect. Les intrigues de cour sont également passionnantes et l’aventure policière m’a tenu en haleine.

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Les romans meurtriers

Voici un roman policier historique pour lequel j'ai eu un réel coup de coeur.

Il m'a fallu un petit moment pour me familiariser avec les noms coréens.( L'auteur nous présente avant le récit la liste des personnages, précisant lesquels ont réellement existé). Passé ce cap je n'ai plus lâché ce livre.



Le livre tient dans cette histoire policière une place à part entière. Non seulement parce qu'un livre signe chaque crime, mais parce que c'est une époque où l'on passe du manuscrit à la xylographie, les productions de livres deviennent donc plus nombreuses.



Yi Myeong-bang est un tout jeune fonctionnaire de la Haute Cour de Justice. Il est chargé d'enquêter sur une série de meurtres qui plonge Joseon dans la terreur. Pour les besoins de son enquête, il est amené à côtoyer le cercle des lettrés de Baektap, un groupe d'érudits, écrivains, et hommes de sciences, qui rêvent de grandes réformes pour leur pays.



La suite sur le lien ci-dessous :


Lien : http://0ceanonox.blogspot.fr..
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Les mensonges du Sewol

Kim Takhwan part de cette tragédie réelle et s'intéresse au rôle des plongeurs professionnels qu'on a appelé quatre jours après le drame, non pas pour retrouver des survivants mais pour remonter les corps des disparus. La gestion des secours fut un véritable fiasco : les autorités promettant des sauveteurs et n'en envoyant pas, ou trop tard et dans des conditions exécrables. En juillet 2014, le responsable des plongeurs qui n'a pu qu'appliquer des consignes inadaptées et accusé d'homicide involontaire à la suite du décès d'un plongeur.



Ce roman est une longue lettre d'un plongeur adressée au juge. Cet homme, Na Kyong-su est un personnage fictif, librement inspiré d'un vrai plongeur avec lequel l'écrivain a noué une relation amicale après le drame. En forme de lettre envoyée au juge pour décrire les conditions de travail, les conséquences terribles de ces plongeons répétés sur la santé des sauveteurs.



C'est un roman fort qui, malgré quelques longueurs et répétitions, cible le manque de réactivité des autorités sud-coréennes devant l'ampleur du drame et la volonté d'icelles d'allumer un nouveau feu en accusant un homme pour mieux tenter de se disculper. Contrairement à la littérature asiatique parfois très imagée, ce livre est direct, clair. On est presque dans un récit journalistique, un rapport des activités et des conséquences de celles-ci sur les hommes. Prenant de bout en bout.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Les mensonges du Sewol

"Les mensonges du Sewol" est un roman atypique, tirée d'une histoire vraie. Il retrace, à travers le regard d'un plongeur et plusieurs acteurs, la mission des plongeurs lors du naufrage d'un bateau coréen en avril 2014.

Plus de 300 personnes, dont majoritairement des enfants, sont disparues. Les plongeurs de l'armée et du privé se donnent comme devoir de remonter les corps des disparus par respect des familles. On suit tout au long de ce récit, le déroulement du sauvetage, mais aussi leurs conséquences qui ont été nombreuses et désastreuses.



Après un début plutôt laborieux car très descriptif, les témoignages deviennent de plus en plus intenses et dramatiques. Les plongeurs font face à l'indicible, mais aussi à des dangers permanents avec une organisation totalement défaillante. On ressent l'humanité de ces hommes qui ne renoncent pas malgré tout. Les témoignages sont tout simplement stupéfiants et terrifiants.

J 'ai apprécié le changement de police pur différencier chaque témoignage, cela rend le roman plus dynamique. L'écriture est fluide, très efficace mais aussi délicate à certains moments.

Après cette lecture, je n'ai pas pu reprendre un roman le lendemain tellement j'avais été remuée par ce livre.

Cet ouvrage peut ne pas convenir à tous mais il a le mérite d'exister et de témoigner. Premier livre de l'Edition l'Asiathèque qui est une vraie réussite.

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Les mensonges du Sewol

Le naufrage du Sewol est une tragédie dans l'histoire contemporaine coréenne. 304 victimes et beaucoup de zones d'ombres : pourquoi aucune aide n'a été apportée dans les premières 72h? Comment le ferry a-t-il coulé? Pourquoi autant de fake news ont été répandues pendant et après la catastrophe?

Les mensonges du Sewol raconte au travers de diverses interviews de personnes aux avis divergents cette histoire sombre du 16 avril 2014.
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Les mensonges du Sewol

J'ai pris beaucoup de temps à lire ce roman. Ne croyez pas que cela est en rapport avec l'écriture de Kim Takhwan. Bien au contraire, car son choix de sujet est des plus sensibles et délicats. Et cela l'est d'autant plus quand c'est une histoire vraie qui dénonce une injustice qui a incité à une action civique. Comment ne pas être touché face à un bateau qui s'échoue avec des adolescents à l'intérieur qui ont pour la plupart mourut noyés. Du motif du bateau qui coule à la mise en place des secours, il y a des disfonctionnements. L'état qui n'explique rien. Puis ces plongeurs qui risquent leur vie pour remonter des cadavres encore et encore. Des corps qu'ils trouvent dans le bateau, qu'ils doivent serrer contre eux pour les remonter à la surface. A cela, se suit leur dénigrement public malgré leur investissement et leurs problèmes physiques. On ressent aussi bien la souffrance des plongeurs que des familles. L'ex petite amie de Na, raconte en partie les dommages corporels et les graves troubles mentaux. Les hallucinations avec les morts qui viennent le hanter aussi bien dans son sommeil que lorsqu'il est conscient. On entre en empathie avec cet homme et cette femme qui a tous ces rêves brisés. Lui ne pourra jamais se relever. Alors il dénonce, crie et va où on lui donne la parole. Il veut être un acteur de prise de conscience. Toutes ces informations, nous sont données à travers des lettres que Na Kyong-Su envoie au juge et d'autres témoignages. Impossible de mettre en doute les mots, l'affliction, la douleur... et on est touché en plein cœur. On prend un uppercut pour finir directement au sol, sonné. Parfois, le besoin de faire une pause se fait ressentir car on étouffe aussi avec ces tourments et ces corps. On reprend et on avance pour tenir jusqu'au bout. Après, on prend le temps de respirer et la postface aide dans cette démarche. Il faut attendre un peu pour passer à autre chose.
Lien : https://22h05ruedesdames.com..
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Les romans meurtriers

C'est un roman très agréable que j'aime conseiller pour quelqu'un qui souhaite lire de la littérature coréenne. Il nous permet d'avoir un bon aperçu des coutumes et de la vie quotidienne en Corée au XVIIIème siècle, le tout agrémentait d'une enquête policière bien ficelée. Il y a un bon rythme et les deux personnages, qui me font l'effet d'un Sherlock et Watson à la sauce coréenne, sont attachants.
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Les mensonges du Sewol

J’ai découvert l’histoire du Sewol lorsque j’ai commencé à écouter le groupe coréen BTS via l’une des chansons les plus populaires et émouvantes du groupe : Spring Day. En effet, le clip contient de nombreuses références indirectes à la catastrophe. Comme je suis curieuse de nature, j’ai fait de nombreuses recherches et j’ai regardé nombre de vidéos sur la catastrophe. C’est une tragédie qui ne laisse pas indifférent tant elle est démontre à quel point une société peut-être corrompue.



Je fréquente depuis quelques mois une librairie asiatique où je me procure mes livres d’apprentissage du coréen (je vous ferais d’ailleurs un article sur les meilleurs livres pour apprendre la langue bientôt !). Lors d’une de mes sorties, je suis tombée sur ce livre : Les Mensonges du Sewol. Autant vous dire que je suis repartie avec ! (Lisez la suite sur mon blog !)
Lien : https://paroledelibraire.com..
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