C’est seulement après la victoire des iconophiles, en 843, et le rétablissement du culte des images, que le Christ apparut sur la croix les yeux fermés et les genoux fléchis, autrement dit, mort. En Occident, cette évolution iconographique eut lieu beaucoup plus tard, malgré la forte influence qu’exerçait l’art byzantin sur celui d’Italie.
- C’est aussi un tournant important dans la piété.
- Certes, mais il ne faut pas exagérer non plus. A Byzance même, l’évolution se fit très lentement. Ce n’est qu’à partir du 12ème siècle que le corps du crucifié trahit quelque peu la souffrance, que la Vierge et saint Jean sont attristés. Auparavant ils étaient figurés comme impassibles parce qu’ils étaient supposés connaître la divinité du Christ ; ils figuraient de part et d’autre de la croix comme témoin de l’évènement. Le christianisme des premiers siècles était très porté sur le triomphe de Seigneur et sur la joie du salut. Ce n’est que plus tard qu’a commencé la rumination autour du péché, surtout en Occident d’ailleurs. […]
C’est plutôt vers le 15ème siècle que le dolorisme s »épanouit. La douleur devient une valeur, voire une vertu, et les souffrances de Jésus sont exaltées à tel point qu’elles deviennent aussi importantes que son message.
L’empereur Marc-Aurèle (121-180) dont la sagesse et l’humanité ont été maintes fois soulignés, note dans ses pensées qu’il trouvait absurde d’associer le singulier et l’universel, comme le faisaient les chrétiens en prêtant une double nature au Christ. Enfin, les chrétiens refusaient d’honorer les dieux de l’Empire, or, un tel refus était puni de mort, conformément à la législation en vigueur. Cette sévérité n’était pas gratuite, mais fondée sur la croyance qu’un tel rejet mettait l’Empire et la fameuse "pax romana" en danger à cause du courroux qu’il provoquerait dans le monde divin. D’ailleurs, les diverses calamités qui s’abattirent sur Rome au 2ème et 3ème et 4ème siècle, dont une épidémie de peste et la présence des barbares à leurs frontières, furent attribuées à la colère des dieux provoquée par les chrétiens. Mais bien avant Néron, qui fut peut-être responsable de l’incendie dévastateur de Rome, accusait les adeptes de la nouvelle religion d’en être les auteurs.