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Critiques de Thierry Laugée (4)
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Ernest Thompson Seton, portraitiste du mond..

"Sans se presser, Lily retourna vers la banquette. C'étaient ses livres préférés qui se trouvaient sur la table. "Sûrement grâce à maman..."



"Wild Animals I Have Known", d'Ernest Thompson Seton.

"Les Idylles du roi", d'Alfred, Lord Tennyson.

"Le petit garçon qui aimait les insectes », d'après J. Henri Fabre.

(…)



Leurs couvertures brillaient à la lueur de la lampe. Il y avait Lobo le loup… »



Timothy Findley, La fille de l'Homme au piano





Non, je ne suis pas en train de confondre deux lectures, l'actuelle et la précédente, c'est seulement que je suis toujours émerveillée des fils qui relient les livres que nous choisissons, souvent à notre insu, et qu'il existe souvent comme un miroir entre les uns et les autres.

Si je n'avais pas lu l'ouvrage de Thierry Laugée, je n'aurais sans doute pas remarqué le livre d'Ernest Seton dans la liste…





Ernest Thompson Seton : un être qui m'est apparu tout en paradoxes.



Un enfant épris de nature, au trait de crayon talentueux, au point que son père encourage ce don. Un jeune homme qui aime chasser. La volonté de reproduire au plus juste la physionomie des animaux qu'il piste et abat, le désir d'en faire des dessins aussi proches que possible de la réalité laissant presque entrevoir un mouvement dans ce qui apparait sur la toile.

Il sera artiste-naturaliste, au départ bien davantage sur la notion de dessin.

"Je pensais que j'avais une mission – être le prophète de la vie en plein air."



Au gré des formations – parfois prestigieuses à l'étranger, et des écoles fréquentées, il sera davantage peintre que naturaliste, davantage naturaliste que chasseur, davantage anatomiste animalier que chasseur, davantage écrivain, nouvelliste que scientifique.

Espérant se faire un nom, être reconnu pour ses diverses compétences, il fait évoluer sa vie au rythme de la place que prend la considération de la vie animale – essentiellement les animaux domestiques à cette époque, dans la société.

En cette moitié du dix neuvième siècle, les conditions dans les abattoirs sont terrifiantes, les chevaux utilisés pour leur force physique souvent maltraités et peu considérés, les oiseaux décimés pour leurs plumes et leur utilisation dans la mode… la protection animale émerge, balbutie mais tout reste compliqué à faire accepter…



Ernest Thompson Seton, le dessinateur, passionné des loups, dont il restitue avec tant de merveille la nature sauvage au point que ses tableaux sont exclus des expositions pour trop de sauvagerie justement, le chasseur curieux d'anatomie au point de vouloir reproduire dans le tableau la musculature et les plis de la fourrure dans ses moindres détails – il va jusqu'à faire écorcher des chiens pour se perfectionner…, parvient à faire accepter l'idée – à certains, que l'animal n'est pas simplement une machine dénuée de tout sentiment, que tout animal doit être appréhendé en tant qu'individu et non comme seul membre d'une espèce..



Sa rencontre avec l'ornithologue Chapman et leur partenariat le feront participer à la rédaction et surtout l'illustration du premier guide ornithologique de terrain : désormais, on ne tue pas l'oiseau pour le reconnaître, on apprend à l'observer dans son environnement et on lui laisse la vie sauve.



De sa passion pour les loups et d'une chasse éperdue pour en abattre un chef de meute, il fait un récit – ce sera Lobo le loup, et endosse le costume d'écrivain animalier….



Et il prendra parti quand s'affronteront ceux qui ne voient dans l'animal qu'un objet face à ceux qui sans prêter voix et sentiments aux animaux, sont persuadés de leurs émotions, de leur dons d'adaptabilité et donc de l'existence d'une intelligence.

Le livre apparaît presque, alors, comme une tribune où s'affrontent les différents points de vue, et c'est enrichissant de découvrir les arguments des uns et des autres.



Je n'ai pas toujours éprouvé de l'empathie pour Ernest Thompson Seton, qui a cependant agi selon ses convictions pour faire reconnaître certains droits des animaux et demander un certain respect à leur égard. J'ai souvent posé le livre tant il était dérangeant à certains moments – ses recherches anatomiques ou ses ruses pour traquer le loup, il n'en reste pas moins que mes idées n'ont pas à occulter le travail de Thierry Laugée qui a su faire vivre le naturaliste au fil des pages, un livre sur l'homme et aussi l'émergence d'une prise en compte d'une sensibilité animale. Presque une thèse sur le sujet aussi foisonnante que captivante et illustrée des très belles oeuvres d'Ernest Seton lui même.

Sans doute ma conception du naturaliste est-elle beaucoup plus proche d'un défenseur comme Geoffroy Delorme – d'ailleurs cité dans l'introduction, que de cet homme qui n'arrêtera jamais de chasser.



Presque deux siècles plus tard, rien n'a beaucoup évolué dans le regard porté…



« Vous tuez l'insecte, vous le mettez en pièces . Je l'étudie vivant. Vous le transformez en objet d'horreur et de pitié. Je m'efforce de le faire aimer. Vous oeuvrez dans une chambre de tortures et une salle de dissection. Je recueille mes observations sous un ciel limpide… Vous fouillez la mort. Je fouille la vie…



Jean Henri Fabre





Je remercie Babélio et les éditions Vendémiaire pour la découverte !
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Ernest Thompson Seton, portraitiste du mond..

Je remercie Babelio et les éditions Vendémiaire pour l’essai de Thierry Laugée « Ernest Thompson Seton, portraitiste du monde sauvage ».

Ernest Thompson Seton, né en 1860, canado-britannique naturalisé citoyen américain, est un des pionniers portraitistes animaliers. Dans cet ouvrage, Thierry Laugée, Maître de conférence en histoire de l’art contemporain et chercheur au Centre André Chastel (CNRS/Sorbonne Université), nous fait justement le portrait de cet homme très connu Outre-Atlantique.



Néophyte en matière d’artistes animaliers (hormis Audubon, Rosa Bonheur et le sculpteur contemporain Thierry Benenati), je ne connaissais également peu l’univers des naturalistes, qu’ils soient scientifiques ou amateurs. Cet essai m’a paru de prime abord relativement ‘’pointu’’ tant ces références à des scientifiques, à certains ouvrages ou encore à des rivalités m’étaient inconnues (et je n’étais pas mécontente quand un nom familier surgissait hors de la nuit : Darwin, Burroughs, Jack London… ).



Ecrire sur Ernest Thompson Seton est l’occasion pour Thierry Laugée d’évoquer l’histoire de l’art des premiers portraitistes animaliers qui va de pair avec l’analyse sociale de cette époque. Il nous détaille ainsi l’évolution de la perception des animaux dans la société. Cette observation à la fois macro et micro de ce milieu rend l’essai de Laugée très intéressant et enrichissant, une fois plus familiarisé avec les personnages et le contexte.



Ce n’est qu’à partir du Second Empire que commence à émerger la conception que les animaux pourraient être autre chose que sans conscience ni sensibilité. Grâce notamment à la création de la SPA en 1845 et une nouvelle loi interdisant la cruauté envers les animaux (d’abord domestiques et datant de 1850 en France), le regard et les comportements commencent à changer.

Même si son entrée dans le monde animalier s’est faite par le biais de la chasse, Seton a été un de ceux qui ont permis d’ouvrir et sensibiliser les consciences sur le règne animal et sur la nécessité de la sauvegarde de la faune (et il reste encore fort à faire, tant en matière d’élevage d’animaux qu’en matière de sauvegarde. Il suffit de prendre pour seul exemple la baisse catastrophique de certaines espèces animales).

Seton a ainsi peint les animaux sauvages (des oiseaux, ours, etc. en passant par son animal fétiche le loup) et écrit de nombreux livres à ce sujet. A la fin de sa vie, il a également rédigé son autobiographie.

Laugée nous fait comprendre que cette dernière a été souvent « dénaturée » par rapport à la réalité. Laugée ne manque pas de montrer les quelques facettes moins honorables du personnage. L’artiste peintre se mettait parfois plus en avant que ce qu’il n’a été ou encore passait sous silence des références scientifiques ou naturalistes, notamment françaises (Emmanuel Fremiet ou encore Jean-Léon Gérôme) pour se mettre un peu plus en lumière ou ne pas passer pour « un élève de… ».

En 1890, il fait un passage à Paris, à l’académie Julian et obtiendra également une autorisation officielle de travailler dans la ménagerie du Jardin des Plantes. S’il raconte les succès rencontrés par ses peintures lors d’expositions parisiennes, elles ne reçurent de fait pas autant d’enthousiasme/d’intérêt dans le milieu artistique. Mais ces lieux prestigieux furent surtout pour lui, le mot-clé, le sésame qui lui permettront de faire aux Etats-Unis d’autres rencontres et franchir peu à peu les étapes de la reconnaissance et notoriété (Avec ma psychologie de comptoir, j’aurais tendance à penser que ses rapports compliqués avec son père ne sont pas pour rien dans sa manière de se raconter et dans son besoin de reconnaissance).



La 1ère de couverture est une des réalisations d’Ernest Seton, mais elle ne reflète pas selon moi toute les compétences de l’artiste. Les peintures à l’huile ou aquarelle qui sont présentées au milieu de l’ouvrage (que ce soit les loups dans la forêt, les oiseaux, les portraits du puma ou encore du cerf) nous permettent de comprendre bien mieux toutes les facettes de l’artiste. Par la finesse du trait, le souci des détails et une technique évidente, on mesure les qualités artistiques de Seton et l’affection/admiration qu’il portait aux animaux sauvages.

J’apprécie bien entendu beaucoup moins le passage obligé par la dissection, par les animaux « écorchés », utilisés assez couramment à l’époque par les scientifiques et les artistes (récupération par exemple de chiens abandonnés en chenil et qui étaient tués et disséqués pour être ensuite peints).



Peu à peu, justement, Seton (tout comme son ami F.M. Chapman) va délaisser la dissection et la chasse pour peintre les animaux en pleine nature, privilégiant l’observation in situ, et sans plus utiliser le fusil, mais au contraire par un regard ‘’sentimentaliste de la nature’’, comme le proclamait John Burroughs (que connut Chapman). Les ouvrages de Chapman (tel que « Bird-Life », illustré par Seton) ou encore ses propres écrits auront un grand impact sur la sensibilisation des lecteurs à la cause animale. En préférant des écrits à visée « populaire » et non spécifiquement scientifique, ils chercheront à séduire les lecteurs sur la beauté des animaux observés dans la nature et leur ouvriront les yeux sur l’attention qu’il faut accorder à la faune.

Ses illustrations, peintures, rencontres (avec Roosevelt notamment), et plus encore son recueil de nouvelles « Wild animals I have known » (comportant ses illustrations) dont celle de ‘’Lobo’’ (loup, chef d’une meute qu’il prendra en chasse) auront un énorme succès. Cela fit asseoir sa notoriété et confirma qu’il était un des personnages de référence en matière de connaissances du milieu animalier. Avec ce recueil de nouvelles, il deviendra un des inventeurs de ‘’la vie animale réaliste’’. Il sera également le premier chef scout aux Etats-Unis.

Il me reste à rappeler que Seton fut une référence pour Walt Disney. Alors, peut-être que sans Seton, on n’aurait jamais connu Simba ni chanté « Hakuna Matata ». Et je remercie Seton rien que pour ça.



Dans l’essai de Thierry Laugée, nous découvrons bien plus que le portrait de Seton, mais tout l’univers des naturalistes et artistes animaliers de l’époque, qu’ils soient peintres ou écrivains. Le texte regorge de détails et d’informations qui nous permettent de prendre toute la mesure des querelles scientifiques tout comme celle des avancés en matière de connaissances et de perception des animaux domestiques et sauvages. Le style de Laugée bien qu’universitaire n’est pas trop aride. Cet essai est agréable à lire et permet aux lecteurs, même les plus amateurs, de se familiariser avec ces thèmes, qui restent tellement d’actualité.



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Figures du génie dans l'art français (1802-1855)

Comme le malheureux Chatterton, qui se suicide à la fin de la pièce d’Alfred de Vigny, les artistes figurés dans les peintures et les sculptures françaises du XIXe siècle se portent mal. Rejetés par la société, moqués par leur maîtresse, ils sont persécutés, emprisonnés, fous à lier et bientôt mourants, terrassés par la bile noire qui les rongeait. Les peintures dites « troubadour », qui mettent en scène Léonard de Vinci ou Poussin sur leur lit de mort, peuvent sembler comiques aujourd’hui. Le suicide du peintre Gros, peint par Bordier du Bignon « s’élançant dans l’éternité » du haut d’un rocher devant l’océan (il se noya en réalité dans la Seine, à Meudon), paraît bien emphatique. Reste que toutes ces images, qui étaient lues avec sérieux au moment de leur création, nous en apprennent beaucoup sur un XIXe siècle ambigu, fasciné par la mort, mais jouant avec habileté du spleen moderne. La vision de l’artiste en génie tourmenté est propre à l’époque romantique. Mais le Romantisme n’est pas le propos de ce livre, qui étend son analyse jusqu’aux années 1850, au moment où Victor Hugo se fait photographier en génie méditatif dans son exil de Jersey. Tout en présentant un corpus impressionnant d’oeuvres figurant tous les avatars du créateur en génie, l’auteur s’intéresse surtout à la réception de ces portraits d’un genre très particulier. Comment le public les comprenait-il ? Pourquoi eurent-ils tant de succès pendant un demi-siècle ? C’est évidemment poser de manière sous-jacente la question de leur fonction. T. Laugée montre bien le passage d’une veine sentimentale à une veine plus tragique dans les années 1830. La mort du génie devient celle d’un héros contemporain qui incarne des vertus politiques et morales. Ces portraits d’artistes empruntent parfois à l’iconographie religieuse : dans un monde bouleversé par la Révolution, de nouveaux cultes émergent, dont celui du génie artistique. C’est sans doute la raison de l’existence de ce curieux Magasin de l’enfance gravé vers 1850, qui s’apparente à un recueil d’images de piété. Génies déjà parfaitement constitués, Phidias ou Raphaël enfants y sont des sortes de Jésus, que le public peut vénérer comme des messies des temps modernes. Mais le génie a aussi partie liée avec la science au XIXe siècle. Le suicide était considéré comme une maladie contagieuse ; la mélancolie comme une aliénation mentale. Ainsi les « monomanes » de Géricault seraient en réalité des « lypémaniaques », avec lesquels le peintre tenterait d’expliquer et de justifier l’isolement de l’artiste. Constitutive du génie, l’aliénation devint un sujet neuf, incarné par les écrivains et les peintres. En représentant en 1839 Le Tasse hâve et débraillé dans la prison des fous, Delacroix conçut aussi un portrait « scientifique », attentif aux découvertes médicales de son temps. Après une telle lecture, les envolées lyriques des génies en mal de reconnaissance semblent bien inquiétantes ! Mais grâce à ce livre, elles prennent surtout un relief inattendu dans un XIXe siècle revisité.



Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 523, mai 2016
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Ernest Thompson Seton, portraitiste du mond..

Tout d'abord je tiens à remercier Babelio et toutes les personnes qui y travaillent, et également les Editions Vendémiaire, pour avoir pu découvrir ce livre remporté lors d'une masse critique.



Dans cet essai, Thierry Laugée retrace la riche vie de naturaliste, scientifique, artiste animalier d'Ernest Thompson Seton, entre le XIXème et XXème siècles. Non seulement, il est question de suivre l'évolution de Seton dans son travail d'écriture et de peinture, mais également toutes les questions liées à la protection des animaux en ces temps-là. Seton a eu un parcours de vie toujours lié à la nature. Ce parcours lui a forgé des idéaux parfois en avance sur son temps, l'amenant à être incompri ou dénigré. Mais, grâce à son obstination, et à d'autres naturalistes de son temps qui l'ont soutenu, il a su trouver sa place parmi les grands naturalistes de son époque et a su être un moteur dans les avancées pour la connaissance et la protection des animaux. Il a également permis d'apporter cette connaissance à toutes et tous, alors que c'était bien souvent réservé aux érudits ou aux scientifiques.

Très complet, avec beaucoup de références, ce livre saura intéresser toutes les personnes désireuses de connaître un peu mieux ce personnage, ses convictions, les idées de son temps sur la nature en général et sa protection.



Ce que j'ai le plus apprécie dans ce livre, hormis le fait de découvrir un ardent défenseur de la nature (malgré quelques côtés du personnage que j'apprécie moins), ce sont toutes les questions, les points de vue, les avancées, les réticences sur le sujet de la protection des animaux et de leur supposé non-intelligence pour certains et véritable intelligence pour d'autres. D'un point de vu historique, c'est très intéressant de voir comment est née l'idée de la protection des animaux et comment certains débats sont toujours d'actualité aujourd'hui. Dans ce domaine, les avancées sont très lentes, et il faut sans cesse se battre contre l'obscurantisme de certaines personnes, de lobbys, etc, qui réfutent totalement l'idée d'une intelligence animale. le livre de Geoffroy Delorme "L'homme-chevreuil: Sept ans de vie sauvage" est un excellent exemple de la bataille qu'il faut encore livre de nos jours, pour la reconnaissance d'une intelligence animale. Seton et d'autres naturalistes, de part leurs observations, leur mise en pratique d'une nouvelle manière d'aborder la descriptions des animaux ont permis une réelle prise de conscience en leur temps sur ces sujets là. L'auteur a fourni un excellent travail pour présenter cet homme. le fait d'insérer dans le livre, quelques planches des réalisations , dessins ou peintures de cet artiste, est une excellente idée et agrémente de belle manière la lecture.

C'est un livre que je recommande vivement aux personnes étant sensible aux animaux, à la nature en général.



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