A plus de trois cents kilomètres de Los Angeles, la course trans-américaine avait déjà cessé de n’être qu’un affrontement d’individus. La compétition s’était placée au niveau des équipes, des groupes d’hommes rapprochés par l’amitié et le désir de réussite, ainsi que par la certitude qu’il allait être difficile pour un coureur isolé de gagner.
(...) la course était maintenant composée d’une mosaïque d’alliances moins officielles. Elles avaient pour point commun des similitudes d’âge, d’expérience, de race, de religion ou de couleur ; mais la plupart ne tenaient pas compte de ces frontières. Tout comme les pionniers avaient voyagé en famille vers l’Ouest cinquante ans plus tôt, la Trans-America se départageait aussi en familles pour faire le voyage de retour --- seulement cette fois c’étaient des familles d’athlètes.
Kate Sheridan s’en rendait compte, elle avait conscience de la nécessité quotidienne de dépasser les ambitions individuelles. p 173 174
L'athlète représente l'homme aux frontières de ses possibilités, dans un domaine que peu de gens entrevoient et que moins encore ont pénétré.C'est parce que nous en avons conscience que nous nous identifions avec l'athlète, par ce que nous sentons intuitivement qu'il fait partie des privilégiés près d'accéder à leur véritable potentiel, alors que la plupart d'entre nous passent leur vie inconscients de l'existence même d'un tel potentiel.
De quelque façon que vous la considériez, c’est une course unique, dit Doc, C’est là qu’est la gageure. Même les vieux de la vieille comme moi sont des novices dans la Trans-America. C’est ce qui en fait une loterie. C’est pourquoi elle a attiré deux mille coureurs d’un peu partout dans le monde.
(...)
Mon objectif est de courir comme s’il n’y avait personne d’autre dans la course. Si je me mettais à courir contre les autres à chaque étape, je serais fini, parce que je courrais à leur rythme et non au mien. p 79 80
Carl Liebnitz journaliste
La plupart de ceux qui jonchaient le sol à l’extérieur de la tente de la presse n’étaient pas des athlètes. Liebnitz avait rencontré leurs pareils dans les grèves, dans les soupes populaires et dans les centres d’accueil de l’Armée du salut un peu partout dans le pays. Ils n’avaient pas plus de chances que lui de rallier New-York à pied. En fin de compte, la Trans-America n’était apparemment qu’un autre de ces tristes et sordides épisodes des années vingt, à remiser avec les poteaux d’endurance, les marathons de danse et toutes les autres mutations sportives de l’époque. p 101
L'équipage rassemblé autour de lui est pour le moins hétéroclite. S'il est vrai que sa troupe de deux mille athlètes comprend certains des meilleurs coureurs de fond du monde, elle comporte également cent vingt et une femmes, un fakir hindou, seize aveugles, trois manchots, vingt grands-pères, soixante et un végétariens, et un spirite qui prétend être conseillé par le coureur indien Deerfoot depuis longtemps disparu. Tout cela sans parler de Mme la Zonga, de Frtiz l'âne parlant, et d'une équipe de base-ball entièrement composée, nous dit on, de chimpanzés- le tout devant accompagner les coureurs au long de leur randonnée jusqu'à New-York.
Il étendit le petit doigt de sa main gauche. Toujours rien. Un peu plus loin. Soudain, il effleura sa main. Lentement mais délibérément, le petit doigt de Dixie se replia sur le sien.
Hugh pria pour que l'obscurité ne cesse jamais. Quand les lumières se rallumèrent enfin, ils se levèrent, se regardèrent et sourirent.
Un grand journal anglais avait un jour organisé un concours de nouvelles où l'on demandait aux participants d'écrire une histoire dans laquelle le héros, ligoté et bâillonné, se trouvait enfermé dans une pièce qui se remplissait d'eau et où il baignait déjà jusqu'au cou tandis qu'un gaz mortel s'échappait par un conduit situé au-dessus de lui. Le rédacteur en chef du journal reçut des milliers d'essais, dont certains comportaient des volumes entiers ; mais la nouvelle gagnante ne comptait qu'une seule ligne : "D'un bond, il se libéra ".
Le gagnant de la Trans-America devra être une paire de jambes avec une tête au-dessus (...). Le gagnant devra continuer, même si son corps le supplie mille fois de s'arrêter entre ici et New York. Le gagnant ne doit pas penser à "cinq mille kilomètres" mais seulement au kilomètre suivant. Il doit vivre dans son esprit et ne vaincre qu'un seul homme chaque jour. Toujours le même homme - lui-même.
Si vous tuez l'espoir, vous tuez la vie.
"Je lui ai demandé hier soir s'il n'avait jamais rêvé de cette course", dit Bullard. "Vous savez ce qu'il m'a répondu ? Il m'a dit qu'il l'avait courue si souvent dans ses rêves qu'il allait être obligé de faire ressemeler les draps !".