Cette attitude médiane fait de la Bielorussie un milieu particulier, voire unique, dans cette région du monde. On peut rencontrer aujourd'hui au sein d'une même famille un mari catholique et une femme orthodoxe, ou l'inverse. Le paysage lui-même témoigne éloquemment de cette interpénétration: clochers pointus et bulbes y alternent, et il est souvent possible de distinguer dans un même édifice religieux les traces de la métamorphose d'une église catholique en église orthodoxe. Mais le plus remarquable est que l'état d'hostilité ou d'ignorance réciproque qui prévaut plus à l'est, où le catholique est confusément ressenti comme un adversaire et où le mot"jésuite" sonne comme une insulte, n'arrive décidément pas à s'installer en Bielorussie, où l'on peut même lire aujourd'hui, en feuilletant la presse populaire, des éloges étonnamment lucides de l'influence catholique ancienne en Bielorussie. ainsi, par exemple, la célébration du rayonnement exceptionnel des jésuites installés à Polosk de 1581 à 1820 dans l'hebdomadaire Tourizm i Otdykh, qui regrette que l'image de leur action ait été occultée par "la haine de classe des historiens, qui, se conjuguant avec l'hostilité de l'Eglise orthodoxe, a fabriqué pour longtemps une image montrant les pères jésuites comme des créatures sournoises et parfaitement étrangères à notre peuple". Cet état de choses se reflète également dans l'estime dont jouissait le cardinal Kazimierz Swiatek (1914-2011), d'origine polonaise, qui, du séminaire de Pinsk à sa charge d'archevêque de Minsk-Moguilev, a consacré son ministère à la construction et à la reconstruction de l'Eglise catholique sur le territoire de la Bielorussie actuelle. L'immense respect dont il bénéficiait dans la population était dû au fait qu'ayant été persécuté également par les autorités soviétiques et celles du IIIe Reich, il avait subi les mêmes vicissitudes que la population, aux mêmes moments qu'elles.
Politicien-né, Loukachenko considère n'importe quel problème sous l'angle de sa survie politique. (page 289)