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Citation de FabtheFab


Un regard sur la situation antérieure a d'abord permis de relativiser le phénomène. En 1996 déjà, la spécialiste suédoise Maria Nikolajeva constatait la désintégration du récit épique traditionnel caractérisé par un narrateur unique, un récit chronologique, une intrigue linéaire et une fin apaisante. (...) Dans le catalogue de quatre éditeurs français des années 1997 à 2000, plus de 10% des titres adressés aux adolescents étaient déjà marqués par le phénomène d'une instance narrative multiple ou hybride : des romans à plusieurs voix, avec des changements de la focalisation ou du point de vue. La tendance était donc déjà ancienne, mais elle prenait de l'ampleur.
Comment pouvait-on alors expliquer ce succès d'un procédé d'écriture somme toute assez particulier ? L'hypothèse que je propose renvoie à une double évolution, celle du monde à représenter dans la fiction et celle des supports du récit.
Le monde que les auteurs représentent a changé : nos sociétés sont de plus en plus marquées par les multi, les pluri et les trans : milieux multiculturels, recherches pluridisciplinaires, récits transmédiatiques, familles recomposées, identités transgenres, fonctions multitâches... Le jeune lecteur se trouve face à un monde atomisé, éclaté dans lequel il n'y a plus UN grand récit sur lequel tous s'accordent, mais DES histoires, non plus UNE vérité imposée, mais DES réalités, toutes différentes. La question qui se pose alors aux auteurs est celle-ci: comment traduire en récits la relativité des normes et l'importance des différences ?
(...)
Les phénomènes de polyphonie, de fils narratifs multiples, de changements de focalisation s'inscrivent (...) au cœur des enjeux spécifiques de la littérature de jeunesse. Historiquement, le recours à ces procédés littéraires complexes peut s'expliquer par des raisons qui tiennent aux auteurs eux-mêmes. À la fin des années 1980, beaucoup d'auteurs jeunesse se perçoivent inférieurs par rapport à leurs collègues qui s'adressent aux adultes. Ils vont chercher à renforcer leur légitimité littéraire, notamment par l'usage de procédés qui augmentent la littérarité du texte, qui manifestent la liberté créatrice des auteurs et qui rapprochent ces derniers de leurs collègues auteurs pour adultes. Dans les années 1990, nombre de titres soutenus par les prescripteurs sont marqués par la complexité narrative : chronologie déstructurée, début abrupt, roman épistolaire, polyphonie narrative, récit encadré… pg 101-102
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