Valérie Niquet

Dans la Chine postmaoïste des réformes, le nationalisme apparaît donc comme l’élément idéologique le mieux à même de combler un vide idéologique et moral, le mieux à même de résoudre les contradictions qui se développent non seulement au sein de la société dans son ensemble, mais également entre les intérêts civils et ceux de l’armée au sein du groupe dirigeant.Le nationalisme ne s’entend donc que dans le sens d’un soutien au Parti et à son rôle dirigeant, une confusion étant volontairement établie entre les intérêts de la nation et ceux du Parti.

Manifestation de cette volonté de provocation, les déclarations se sont multipliées, telle celle de Kono Taro, député PLD, rappelant d’un ton désinvolte« qu’il y avait tout de même une grosse différence entre participer aux opérations de la paix de l’Onu et se lancer à nouveau dans une invasion de la Chine».

Les difficultés rencontrées par les démocraties occidentales et l'élection aux Etats Unis de Donald Trump, candidat atypique et peu préparé, sont utilisées par Pékin pour souligner la supériorité du système chinois d'élections "contrôlées".

Un enfant , c'est une bouche à nourrir , mais deux bras pour travailler.
Mao Zedong.

"Lee Teng-Hui organise des élections au suffrage universel à tous les niveaux. Il est élu président de la République au suffrage universel en 1996, le premier dans le monde chinois, provoquant la colère de Pékin. En choisissant la démocratie, Taïwan interdisait en effet que des décisions vitales pour son avenir soient prises sans consultation ni accord de la population.

L'économie de Taïwan est aujourd'hui près de vingt fois inférieure à celle de la RPC. Pourtant, ce sont les investisseurs taïwanais, et notamment les petites entreprises longtemps méprisées par le Kuomintang, qui, à la fin des années 1970, sont à l'origine du succès de la politique de réformes économiques et d'ouverture mise en place par Deng Xiaoping.
Aujourd'hui encore, le rôle de Taïwan dans les succès économiques de la Chine et sa montée dans l'échelle de la valeur ajoutée est considérable. Les entrepreneurs venus de Taïwan ont contribué à la construction d'une base manufacturière tournée vers l'exportation, une « usine du monde » dans une Chine qui, à la sortie de la Révolution culturelle après la mort de Mao Zedong en 1976, était totalement exsangue. Ce sont les investissements taïwanais qui expliquent le miracle de la croissance chinoise, comparé aux résultats plus limités de l'Inde par exemple. Sans ces investissements considérables et le know how qui les accompagne, la Chine n'aurait pas connu cette croissance qui continue d'impressionner le reste du monde.

Foxconn, l'une des plus grandes entreprises taïwanaises établies en République populaire de Chine, illustre la manière dont les investisseurs taïwanais se sont saisis des opportunités offertes par la Chine dès la fin des années 1970. Son fondateur, Terry Gou, dont la famille était arrivée à Taïwan en 1949, a créé la Hon Hai Precision Industry Company (Foxconn) en 1974. Dès 1988, avant même que les investissements taïwanais ne soient officiellement autorisés, il s'est installé à Shenzhen, au cœur de la première zone économique spéciale (ZES) établie en Chine. La Chine de Deng Xiaoping offrait en effet aux investisseurs étrangers, dont la majorité venaient de Taïwan, des conditions particulièrement intéressantes en matière d'exemption de taxes.

Les succès de Taïwan dans le domaine des très hautes technologies sont en effet le résultat d'une combinaison fondée sur la confiance entre les auteurs de brevets aux États-Unis, les fabricants de machines les plus sophistiquées en Europe et les producteurs à Taïwan. La démocratie taïwanaise, son système légal, la protection des droits de propriété intellectuelle sont des atouts que la République populaire de Chine ne peut offrir et qui freine les coopérations. La Chine peut recruter chaque année plusieurs milliers d'ingénieurs, mais elle ne peut gagner la confiance de partenaires étrangers inquiets du techno-nationalisme de Xi Jinping.

En Ukraine [en 2014], si la puissance chinoise a pu admirer la démonstration de force de Vladimir Poutine, elle s’inquiète aussi d’un retour d’une Russie trop sûre d’elle, qui n’hésite pas à intervenir hors de ses frontières.

Taïwan a (…) été confronté à des difficultés d'approvisionnement en vaccins Pfizer en raison des pressions chinoises. Pékin - qui pourtant n'utilise pas Pfizer pour des raisons politiques - a passé des accords de distribution avec l'entreprise, et impose de contrôler directement la vente des doses de vaccin à Taïwan, pour bien marquer l'« appartenance » de l'ile à la RPC. Taïwan, comme d'autres, est ainsi otage des décisions politiques prises à Pékin.