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Citation de enjie77


Cependant je regarde furtivement les autres invités. Madame Morrison est trop loin mais Salman Rushdie, avec deux gardiens collés sur son dos, est à quelques chaises de moi. Son visage étonnamment pâle trahit les journées entières passées à l'ombre, dans une pièce aux rideaux épais, à écrire ses livres. Au coin de ses yeux, je vois aussi un magnifique sourire, l'écrivain a la figure et la posture d'un homme doux. Un Bouddha le Sage de son pays lointain.
Avec son accent so british, il nous raconte ses mésaventures avec la fatwa et les fous de Dieu. Postés par leur chef de service, deux flics derrière lui ressemblent à deux jouets mécaniques - leurs têtes balaient l'espace devant eux et leurs regards cachés derrière les verres opaques des lunettes noires examinent sans cesse nos visages et plus particulièrement le mien. Leurs costumes, à l'ancienne, sont faits d'une étrange étoffe noire et brillante, leurs crânes rasés font penser à deux pistes d'atterrissage pour les mouches.
Salman est un homme agréable, un conteur-né. Il nous raconte des histoires sur le vin et sur les Rolling Stones et même quelques anecdotes sur son chanteur préféré, Tom Waits. Je l'imaginais un peu plus basané, je suis surpris par la pâleur bibliothécaire de sa peau. Rien d'étonnant finalement, me dis-je, la frontière de sa prison c'est le monde entier.
Il possède une douceur presque féminine, la souplesse orientale et en même temps une force hardie et conquérante, l'éloquence et l'esprit vif.
Il est tout sauf triste ou en colère.
Plusieurs cercles visibles et matériels, faits de respect et de gêne, de peur et de fascination, entourent cet homme qui dîne avec nous.
Je n'arrive pas à oublier que cet écrivain est menacé de mort, que ses ennemis sont urbi et orbi, dans le monde et dans la ville, au ciel comme sur la terre. Qu'ils sont prêts à verser un million de dollars pour tuer un écrivain, rien d'autre et rien de plus qu'un écrivain.
C'est déplorable et révoltant, je réalise que la littérature est une courageuse sentinelle, une sorte de papier de tournesol pour examiner le taux d'acidité et de folie dans ce bas monde.

Pages 126/126 - En hommage à tous ces écrivains qui se battent pour préserver un bien précieux - La Liberté d'Expression!
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