Vois-tu, en 40, tout de suite après m’être tiré, j’ai retrouvé des copains de l’armée qui avaient de bonnes intentions… On a récupéré des armes, on écoutait Radio-Londres. Et puis il a été questions de passer à l’action. Que faire ? Attaquer les sentinelles, faire sauter les trains, couper les lignes téléphoniques ? Il y en a toujours eu pour estimer que ce n’était pas le moment, qu’on allait faire courir de gros risques aux civils, etc. En fin de compte, j’ai changé de crémerie… Avec nous, tu perds pas ton temps. Mais ça ne signifie pas qu’on va se mettre à mitrailler à tort et à travers. Qu’est-ce qu’on veut ? Leur foutre la patoche, les empêcher de se sentir ici comme chez eux. Et montrer aux gens que les Frisous ne pas pas invincibles.
Dans tous les pays, des nuées d’uniformes casqués et bottés, appointés par les fascismes naissants, chassaient les damnés de la Terre vers un ailleurs aux frontières sans cesse repoussées.
Pour mes parents, la France, malgré les bourgeois qui y étaient visiblement aussi avides et mesquins qu’ailleurs c’était quand même préférable à la Pologne. Nous avons spontanément mis en application un des trois termes de sa devise nationale : “Fraternité“. Cette valeur humaine inscrite au frontispice des bâtiments se propageait le plus souvent parmi les humbles, les désintéressés, les vrais gens de coeur.
On crevait de faim tous ensemble. Ces choses-là, ça ne s’oublie pas.
Les immigrés n’ont pas le droit à la parole.